Maud Boyet
Biographie
Chercheuse CNRS du Laboratoire magmas et volcans, Maud Boyet est l’une des 302 lauréats européens (dont 31 en France) d’une bourse Consolidator 2015 du Conseil Européen de la recherche (ERC). Son objectif : comprendre la formation de notre planète.
La cosmo-géochimie est la discipline qu’a choisie Maud Boyet pour percer les mystères des premiers instants de notre système solaire et de la Terre. Des recherches qui l’amènent à se frotter à un monde cataclysmique qui s’est pourtant ordonné d’une telle manière qu’il a permis la vie sur notre planète. Passent dans ses mains les roches les plus anciennes de la croûte terrestre, mais aussi des roches lunaires et des météorites, témoins des tous premiers instants. « J’ai toujours été fascinée par les échantillons provenant d’autres corps planétaires. Comprendre la Terre Primitive c’est faire le parallèle avec ces objets et c’est passionnant ! » confie-t-elle lors d’une interview à Auvergne Science. Mais pour cela, Maud Boyet a dû développer des méthodes innovantes.
Son parcours, en bref
- 1999-2003 : Doctorat, ENS de Lyon
- 2005-2007 : post-doctorat, Institut Carnegie de Washington DC
- 2007 : entrée au CNRS, Laboratoire Magmas et Volcans, Clermont-Ferrand
- 2008 : première bourse ERC
- 2013 : Médaille de Bronze du CNRS
Quand la technique vient à la rescousse des scientifiques
Les techniques que Maud Boyet utilise ont radicalement évolué depuis une quinzaine d’année, notamment avec l’apparition dans les laboratoires d’un instrument : le « spectromètre de masse à thermo-ionisation ». Il permet une analyse isotopique de très haute résolution impossible auparavant : un outil puissant pour analyser la matière ou la dater. Maud Boyet peut ainsi obtenir une comparaison plus fine de la composition de roches terrestres, lunaires et de météorites pour comprendre leur histoire commune, et tenter de dater et de décrire ce qui a formé notre planète et sa différenciation en noyau, manteau et croûte. Elle s’y attèle dès son doctorat, notamment en traquant un isotope particulier : le Néoyme 142 issu de la décomposition rapide du Samarium 146. Le Néodyme 142 se fige très tôt dans les roches. Sa quantité nous donne donc une information sur leur composition initiale. Sa présence est presque identique dans toutes les roches terrestres.
Révolution chez les planétologues
Dès les premières années de ses recherches, son nouveau spectromètre l’amène à bouleverser les théories en vigueur. Elle étudie notamment des chondrites, météorites particulières qui constitueraient la matière originelle de la Terre. Elle constate alors une petite anomalie dans une des valeurs de référence utilisée depuis plusieurs décennies et de nouvelles mesures la font s’apercevoir que la valeur admise par la communauté scientifique est en fait erronée. « Un choc. A un tel point que tout le monde a mis un peu de temps pour l’assimiler », avoue-t-elle des années après. Cette découverte a plusieurs répercussions importantes, dont les suivantes. D’une part, ses analyses mettent en évidence que la différenciation de la Terre en noyau, manteau et croûte s’est déroulée beaucoup plus rapidement que ce qu’on pensait. D’autre part, elle contribue des années plus tard à montrer que les inhomogénéités primordiales de taux d’isotopes se sont maintenues plus longtemps que prévu, avant d’être effacées par le mouvement de convection du manteau terrestre. Enfin, nous observions jusqu’alors une composition isotopique assez similaire entre roche terrestre moderne et chondrites. Surprise : sur deux des trois types de chondrites existants, les taux sont différents. Plus tard, elle note cependant dans le troisième type de chondrite un taux similaire à ceux relevés dans les roches terrestres: notre planète se serait-elle formée majoritairement avec ces météorites ? Sinon, où seraient « partis » les isotopes manquants ? Dans le centre de la Terre ? Expulsés lors de la collision géante ayant formé la Lune ?
Projet ; New insight into the origin of the Earth, its bulk composition and its early evolution (ISOREE)
Maud Boyet souhaite apporter des éléments de réponse. Pendant les cinq années de son projet, elle va confronter les théories et modèles existants pour décrire la formation de la Terre en empruntant cinq pistes. Elle va dater plus précisément la formation de la Lune qu’on situe à 150 millions d’années après la formation du système solaire, lorsque notre planète n’était qu’une « proto Terre ». L’hypothèse la plus partagée est celle d’une méga collision avec une planète de la taille de Mars qui aurait éjecté de la matière ensuite agrégée pour former notre satellite. Maud Boyet souhaite alimenter les modèles qui décrivent cet impact géant. Par ailleurs, son projet vise à reconstituer l’histoire des océans de magmas qui se sont succédé sur Terre dans ses jeunes années. Enfin, elle se focalisera sur la composition du manteau terrestre en terres rares pour savoir si le décalage isotopique observé avec les chondrites s’explique par une concentration à l’intérieur de notre planète. Et pour cela, elle doit étudier le plus grand nombre possible d’échantillons terrestres anciens, lunaire et de chondrite, et ce avec plusieurs systèmes isotopiques. Des analyses qui pousseront encore plus loin les techniques géochimiques utilisées par la communauté scientifique. Mais le défi se révèle ambitieux : il s’agit au final de mieux comprendre comment notre planète a installé un environnement propice à l’apparition de la vie.
Laboratoire
Laboratoire magmas et volcans (LMV/OPGC, CNRS / Université Blaise Pascal Clermont 2 / IRD)