L’atmosphère et le climat de Paris à la loupe : Stratégie d’observation et de modélisation
L'objectif de l’ensemble des campagnes PANAME est de constituer une base de données la plus exhaustive possible de variables météorologiques et des propriétés physico-chimiques de l'atmosphère, grâce à la mobilisation d’une exceptionnelle panoplie de moyens d’observation au sol et aéroportés. Certains instruments seront installés de façon pérenne et d'autres seront déployés sur des périodes de temps plus limitées sur différentes plateformes de mesure. La phase la plus intensive de la campagne expérimentale (POI : période d’observations intensives) se déroule de mi-juin à mi-juillet 2022 en conditions estivales.
L’ensemble des données collectées seront mises à disposition via le pôle national de données atmosphériques AERIS.
Les supersites de mesures atmosphériques
La stratégie d’observation repose deux concepts complémentaires :
- les supersites qui regroupent de nombreux instruments de mesures bien co-localisés pour documenter simultanément un grand nombre de processus,
- les réseaux « mono-capteur » mais spatialement distribués (plus de 10 points de mesures différents en région parisienne) qui permettent de mieux comprendre les contrastes entre quartiers ou les gradients des zones urbaines vers les zones rurales. Les projets de PANAME s’appuient sur 6 supersites.
- En zone urbaine le site QUALAIR à Sorbonne Université (Paris 5e) opéré par le LATMOS-IPSL et l’OSU ECCETERRA et le site du LISA-UPC sur le campus de l’Université Paris Cité (Paris 13e) accueillent les capteurs de propriétés physico-chimiques de l'atmosphère pour 6 projets.
- En zone péri-urbaine, au Sud, l’observatoire atmosphérique SIRTA (Ecole polytechnique et CEA, Plateau de Saclay) opéré par l’IPSL depuis près de 20 ans, accueille les instruments de mesures physico-chimiques de l'atmosphère ou apporte une aide logistique pour les 10 projets.
- Au nord, les sites de Météo-France à Roissy et d’AirParif à Gonesse sont mobilisés pour accueillir des capteurs et profileurs de variables météorologiques.
- Deux supersites additionnels ont été créés pour quantifier de manière détaillée les espèces chimiques réactives au sein d’une forêt (Tour de 40m dans la forêt de Rambouillet, projet ACROSS) et au sein d’un parc urbain (multiples mâts dans le parc de l’Hôtel de Ville de Paris, projet STREET).
Réseau de stations de surface
Le suivi des variables météorologiques standards (température, humidité, vent), et des concentrations en polluants gazeux et particulaires réglementés est assuré sur la région par les réseaux opérationnels de Météo-France et d'Airparif.
Dans le cadre des campagnes Paname, le réseau météorologique est densifié dans Paris avec l'installation de stations connectées dans plusieurs quartiers contrastés, afin de caractériser la variabilité microclimatique urbaine pour l'évaluation des modèles et la qualification des stations météorologiques personnelles Netatmo, fournissant des données dites « d’opportunité ».
Plusieurs stations de mesures de bilan d’énergie par techniques dites d’ « eddy-corrélation » sont opérées pour des occupations du sol variées pour quantifier les échanges ville-atmosphère. Plusieurs sont localisées pendant un an autour de Palaiseau (4 zones contrastées sur l’observatoire SIRTA, et une zone dans champs du plateau de Saclay), d’autres dans le centre de Paris (Site QUALAIR et grue des travaux de Notre-Dame de Paris qui culmine à 90m au-dessus du sol) et en lointaine couronne (Site Roissy-Gonesse), ainsi que des mesures intégrées de flux turbulents par scintillométrie en centre-ville dans plusieurs directions depuis la tour centrale de Sorbonne Université (Site QUALAIR). Les projets de PANAME disposent ainsi des mesures météorologiques (au sol et sous forme de profils) et de flux d’énergies dans plusieurs quartiers contrastés en termes d’occupation des sols et d’activités humaines (résidentiel, tertiaire, parcs) pendant plusieurs années.
Des mesures de stress de la végétation à l'échelle des branches et des feuilles sont réalisées dans le parc de l’Hôtel de Ville de Paris. Une station mesurant les concentrations de composés gazeux et particulaires ainsi que certaines variables météorologiques est implantée sur le site de l’INSEP au cœur du bois de Vincennes.
Observation à distance de la dynamique de la couche limite atmosphérique
Un réseau de 9 lidars automatiques basse puissance (aussi appelés télémètres) sur de nombreux sites dans et autour de l’agglomération (basé sur le réseau Météo-France existant, renforcé par plusieurs Lidar automatique plus puissants opérés par le SIRTA) permet le suivi de la hauteur de la couche limite selon deux transects SO-NE et SE-NO traversant rural-périurbain-urbain. L’axe des vents dominants SO-NE est complété par des mesures de profils de vent et turbulence par Lidar Doppler, des profils de température et d’humidité (Radiomètres micro-onde, Lidar DIAL), et de propriétés des nuages (Radar Doppler BASTA). Ces instruments de télédétection sont déployés sur 4 supersites (décrits plus haut) du transect SO-NE (SIRTA, QUALAIR, LISA-UPC ; Météo-France-Roissy). Le Lidar doppler scannant installé à 90m au-dessus du sol (toit de la tour centrale de Sorbonne Université – QUALAIR) permet d’observer le champs de vent bidimensionnel au-dessus de la ville avec une résolution de 100m. Les radars pluviométriques de Trappes, Charles de Gaulle et de l’ENPC complètent le dispositif d’observation. En période d’alerte déterminée par les projets, 4 profils verticaux quotidiens (à 14h, 18h, 22h, et 02h locale) de température, humidité et vent sont réalisés par radiosondage à partir des sites de Trappes et quai de Bercy (Paris 12e) par les équipes de Météo-France. Des radiosondages avec des sondes miniaturisées (10g) sont réalisés simultanément depuis différents quartiers de la zone urbaine.
Observation des panaches par mesures aéroportées et par satellites
Une panoplie de moyens d'observations au sol et aéroportés permettent de caractériser l’évolution des propriétés physiques et chimiques des polluants gazeux et particulaires dans le panache parisien, en particulier lorsqu’il se mélange aux émissions biogéniques environnantes. Les stations sol incluent une tour de 40 mètres installée au cœur de la forêt de Rambouillet, le site urbain LISA-UPC et l’observatoire atmosphérique péri-urbain du SIRTA. Les instruments déployés dans le cadre de la campagne ACROSS comprennent une variété d'instruments standard pour la mesure des principaux constituants ainsi que de nouveaux développements pour la mesure des COV par spectromètre de masse à temps de vol avec ionisation chimique, des méthodes utilisant des cavités pour la mesure des radicaux libres. Des vols avec l'avion de recherche ATR-42 de SAFIRE seront effectués pour suivre l’évolution des masses d’air urbaines lorsqu’elles sont transportées par le vent, incluant la gamme d’instruments de mesure utilisés couramment à bord de cet avion mais aussi et de nouveaux instruments permettant par exemple de caractériser le comportement des particules atmosphériques en fonction du taux d’humidité dans l’air. Des systèmes de modélisation et de prévision aident à prévoir le déploiement optimal de la plate-forme aérienne et à interpréter les observations.
Ces différentes plateformes de mesure sont équipées de nombreux instruments de pointe capables de mesurer en continu la chimie de dégradation des composés organiques gazeux et les propriétés physico-chimiques des aérosols.
Les études bénéficient également d’observations par satellites, à partir d’analyses dédiées concernant la couverture nuageuse, la température de surface, l’épaisseur optique des aérosols, et certains composés gazeux et particulaires.
Modélisation numérique en lien avec les campagnes
Des simulations numériques en temps réel sont réalisées par le CNRM pendant la campagne expérimentale, pendant la période intensive et jusqu’à la fin de l’été 2022. Les modèles utilisés sont le modèle AROME à 500m de résolution, en préfiguration et préparation d’une version qui sera opérationnelle en 2024, et le modèle MesoNH à 100m de résolution, afin d’approfondir les questions scientifiques liées à la modélisation de la variabilité du climat urbain à très haute résolution. Ces prévisions sont mises à disposition des équipes en charge des mesures de terrain via un portail web.
Les équipes impliquées dans les mesures de terrain, au sol et par moyens aéroportés, s’appuient également sur la plateforme nationale de prévision de la qualité de l’air PREV’AIR, gérée par l’INERIS avec la contribution de Météo-France, du CNRS et du LCSQA. PREV’AIR fournit des résultats de simulations numériques et d’observations recueillies sur le terrain pour prédire et cartographier les concentrations de polluants atmosphériques réglementés.
Des simulations multi-échelles sont réalisées par IPSL/CEREA/LMD pendant la durée des campagnes, en utilisant une chaîne de modèle de l’échelle régionale à l’échelle de la rue, tout en prenant en compte la formation des aérosols secondaires aux différentes échelles. Les cadastres d’Airparif permettent de déterminer les émissions à fines échelles (jusqu’à la rue). Les émissions biogéniques locales sont modélisées en utilisant la base de données “arbres” de la Mairie de Paris. La caractérisation de la météorologie à l’échelle de la rue se fera autant que possible en couplant le modèle de rue aux modèles météorologiques du CNRM.