Détection par le JWST des signatures spectrales des différentes liaisons des molécules d'eau dans les grains de poussières glacés interstellaires. © SWRI, AJ Galaviz III, JA Noble, D Qasim. Noble et al. Nature Astronomy 2024, doi: 10.1038/s41550-024-0230Image de fond: NASA, ESA, CSA, et M. Zamani (ESA/Webb), M. K. McClure (Leiden University), F. Sun (Steward Observatory), Z. Smith (Open University), et l'équipe Ice Age ERS.

Première détection des signatures spectrales des liaisons de structure de la glace d’eau interstellaire par le JWST

Résultat scientifique Univers

La sensibilité sans précédent du JWST a permis à l’équipe internationale du programme “Ice Age” de plonger au sein des nuages moléculaires denses de notre Galaxie, pour tracer l’évolution des grains glacés qui conduiront à la formation planétaire.

Cette nouvelle étude, menée par une scientifique du laboratoire Physique des Interactions Ioniques et Moléculaires (PIIM) et en collaboration avec un scientifique de l’Institut des Sciences Moléculaires d’Orsay (ISMO), cible le Chamaeleon, région de nuages denses de la Galaxie. L’équipe de chercheurs a utilisé l’instrument NIRCam du JWST pour effectuer des mesures spectroscopiques simultanées en direction de centaines d'étoiles situées derrière le nuage dont la lumière émise interagit avec les grains de poussières glacés lorsqu’elle traverse le nuage. Les chercheurs se sont particulièrement intéressés aux bandes de signature spectrale de molécules d'eau qui ne sont pas complètement liées dans la glace. Ces bandes, nommées « liaisons OH pendantes » ont, depuis des décennies, été mesurées expérimentalement dans des glaces de laboratoire, et intéressent les astrophysiciens car elles devraient permettre de tracer les surfaces, les interfaces et les interactions au sein des grains de glace, mais elles n’avaient jamais pu être observées car elles se situent dans une région spectrale inaccessible depuis les observatoires terrestres et les précédents observatoires spatiaux ne bénéficiaient pas de la sensibilité requise pour les détecter.

Grâce à la grande taille du miroir du JWST, il est désormais possible de mesurer des absorptions beaucoup moins intenses et l’étude présente la première détection d'un ensemble spécifique de bandes très faibles liées à cette petite fraction des molécules d'eau dans la glace.
Ces résultats montrent ainsi que des grains glacés potentiellement poreux sont présents dans le nuage, impactant la topologie et donc l’efficacité de la chimie qui peut se produire dans ces régions et donc le degré de complexité chimique atteint.
Bien que l’interprétation de ces nouvelles données et la nature des interactions dans la glace donnant naissance à ces bandes restent débattue et nécessiteront d’être largement explorées, cette première détection permettra de rechercher ces signatures dans différents environnements et à différents moments du processus de formation stellaire pour déterminer si elles peuvent être utilisées comme traceur de l'évolution de la glace dans différentes conditions. Cette découverte ouvre également une nouvelle fenêtre pour l'étude de la formation planétaire via la distribution spatiale, la variation et l’évolution des glaces lors de leur voyage des nuages moléculaires aux disques protoplanétaires puis aux planètes.

 

Pour en savoir plus

Noble, J.A., Fraser, H.J., Smith, Z.L. et al. Detection of the elusive dangling OH ice features at ~2.7 μm in Chamaeleon I with JWST NIRCam. Nat Astron (2024).
DOI : 10.1038/s41550-024-02307-7

Contact

Jennifer Noble
Chercheuse CNRS au Laboratoire physique des interactions ioniques et moléculaires (PIIM)
Emmanuel Dartois
Chercheur CNRS à l'Institut des sciences moléculaires d'Orsay (ISMO)