Pas de flux crustal sous l’est du Tibet

Depuis le début des années 2000 il est proposé que l’évolution du relief dans certaines chaînes de montagne, notamment, le pourtour du plateau tibétain, soit lié à un flux de matériel partiellement fondu en profondeur et non pas au fonctionnement de grands chevauchements constituant un prisme d’accrétion. 

Ce mécanisme de flux crustal est difficile à démontrer, ou à infirmer, car il se produit en profondeur. Cependant, une des prédictions majeures du modèle est l’existence simultanée d’un chevauchement à la base et d’une faille normale au sommet de la chaîne.

A l’est du Tibet, la chaîne des LongMenshan présente un relief comparable à celui de l’Himalaya. Sa base a été le site du plus fort tremblement de terre intracontinental récent en chevauchement (12 Mai 2008, Ms 8, > 80 000 morts). Il a été proposé que la faille de Wenchuan au sommet de la chaîne soit la faille normale qui accommode le flux crustal depuis environ 15 millions d’années1 .

En combinant une analyse du décalage du réseau hydrographique, de la géologie structurale, des datations absolues dans la zone de faille, et une analyse des mouvements verticaux de part et d’autre de la faille, une équipe de chercheur(e)s du Laboratoire de Géologie de Lyon, de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans et de la Chinese Academy of Geological Sciences de Pékin a reconstitué l’évolution de la faille de Wenchuan au cours des trente derniers millions d’années.

Il en ressort que cette faille n’a pas été normale, mais au contraire inverse, au moment où elle était supposée accommoder le flux crustal et que ce mécanisme n’est pas responsable de la formation du relief. Celui-ci résulte plutôt d'une cinématique de prisme orogénique avec des mouvements horizontaux (décrochement dextre) beaucoup plus importants que considérés auparavant, ce qui peut expliquer certaines particularités de la chaîne qui étaient auparavant attribuées au flux crustal.

Cette remise en question du mécanisme de flux crustal dans la zone emblématique où il était censé être actif a d’importantes conséquences sur notre vision de la déformation des continents.

• 1e.g., Royden et al., Science, 2008