Les sols anthropisés : des sols encore mal connus mais avec du potentiel
Les sols de nos villes ne sont pas uniquement des surfaces sur lesquelles nous marchons et construisons nos habitations. Ces milieux, vivants et dynamiques, remplissent des fonctions essentielles, en tant que support de végétation, réservoir de biodiversité et régulateur des cycles de l’eau, des nutriments et du climat via le stockage de carbone. En milieu urbain ou industriel, les sols subissent de fortes pressions, comme l’imperméabilisation ou l’accumulation de polluants. Les sols anthropisés, c’est-à-dire les sols formés ou fortement modifiés par les activités humaines, recouvrent une large diversité de sols liée à l’historique de leurs usages. Les recherches menées sur ces sols sont relativement récentes et sont nécessaires pour mieux comprendre leur fonctionnement, prédire leur évolution et évaluer la plus-value d’interventions pour maintenir durablement et améliorer des fonctions spécifiques.
Les activités humaines modifient les propriétés physiques (rétention et circulation de l’eau), chimiques (acidité, teneurs en matière organique, en nutriments et en polluants) et biologiques (modifications de la structure des communautés d’organismes) des sols. En conséquence, la capacité de ces sols à remplir des fonctions essentielles peut être dégradée. Néanmoins, des travaux récents ont révélé des potentialités inattendues. Ainsi, après plusieurs décennies sans intervention humaine, les friches urbaines ou industrielles peuvent devenir de véritables réservoirs de biodiversité. Le couvert végétal et les conditions physico-chimiques particulières de ces sols peuvent influencer à court et long terme la composition des communautés microbiennes (bactéries, champignons). Lorsque le taux de contamination est trop élevé, certaines fonctions, comme la dégradation de la matière organique et le recyclage des nutriments, peuvent être altérées mais d’autres apparaissent, telles que la capacité de biodégradation des polluants organiques (hydrocarbures, pesticides) ou la résistance à des stress métalliques. Ces résultats montrent l’intérêt d’étudier ces sols soumis à de fortes pressions pour y identifier de nouveaux mécanismes d’adaptation des organismes.
Par des opérations de remédiation, certaines fonctions altérées de ces sols peuvent être restaurées. A titre d’exemple, le projet LORVER1 réalisé par les chercheurs du GISFI2 a démontré la possibilité de créer une filière de production de biomasse végétale de type bioénergie (ligneux) ou biomatériaux (fibres d’orties ou de chanvre) sur des sites contaminés. Cette stratégie s’inscrit dans un contexte d’économie circulaire en utilisant des sous-produits industriels pour reconstruire des sols fertiles sur des sites dégradés et ainsi limiter la forte pression sur les surfaces agricoles pour des productions non alimentaires. Pour assurer la gestion de ces sols anthropisés, des outils de diagnostic et d’aide à la décision ont été développés ces dernières années. Mais il reste important de mettre au point des approches combinant l’analyse des propriétés physiques, chimiques et biologiques et de définir des indicateurs fonctionnels pour évaluer les effets des activités humaines sur le fonctionnement de ces sols. Conduire des recherches interdisciplinaires en associant et en sensibilisant tous les acteurs (chercheurs, institutionnels, industriels et citoyens) est indispensable pour mieux comprendre et valoriser les sols urbains et industriels.
Autrices et auteurs
- Hermine Huot, post-doctorante au Laboratoire interdisciplinaire des environnements continentaux (LIEC / OTELO / CNRS / Université de Lorraine).
- Laure Giamberini, professeure à l’université de Lorraine.
Autres contributeurs et contributrices du Laboratoire interdisciplinaire des environnements continentaux (LIEC / OTELO / CNRS / Université de Lorraine).
- Delphine Aran, maître de conférence, Université de Lorraine.
- Thierry Beguiristain, ingénieur de recherche, CNRS.
- Damien Blaudez, maître de conférence, Université de Lorraine.
- Aurélie Cébron, directrice de recherche, CNRS.
- Pierre Faure, directeur de recherche, CNRS.
- Florence Maunoury-Danger, maître de conférence, Université de Lorraine.
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