Une origine des énigmatiques séismes profonds se confirme
Le groupe de mécanique des roches du Laboratoire de géologie de l’ENS Paris (LGENS / CNRS / ENS) s’est intéressé à la rupture par transformation de phase en tant que potentiel mécanisme à l’origine de la sismicité profonde, c’est-à-dire à plus de 400 km de profondeur. Les résultats confirment une origine possible des énigmatiques séismes qui se produisent à plus de 400km de profondeur.
La plupart des séismes ont lieu dans la lithosphère, l’enveloppe la plus superficielle de la Terre solide qui est rigide et cassante. Ils sont dus à des ruptures de la croûte terrestre le long de failles. Les séismes profonds sont donc énigmatiques car ils se produisent très loin au-delà de la classique transition fragile-ductile1 , à la base de l’asthénosphère, où les roches fluent de manière visqueuse. L’étude est fondée sur des expériences de déformation à haute pression et haute température durant lesquelles sont enregistrées les émissions acoustiques provenant des échantillons. Ces dernières sont l’équivalent expérimental des séismes à l’échelle de l’échantillon ; leur magnitude varie typiquement de –9 à –5 tandis que la magnitude des plus petits séismes détectés est environ de 1, et celle des plus dévastateurs de 9. Des échantillons d’olivine synthétique (un analogue des roches du manteau terrestre) ont été déformés pendant leur transformation en ringwoodite2 , cette même transformation qui a lieu dans la zone de transition où se produisent les séismes profonds. Contrairement à l’olivine naturelle silicatée du manteau terrestre, l’olivine synthétisée pour l’occasion est composée de germanium et non de silicium. Cet élément induit la transformation en ringwoodite a des pressions bien plus faibles, permettant son étude dans une presse de Griggs.
Les résultats confirment que cette transformation est à l’origine d’instabilités mécaniques qui causent la rupture sismogène des échantillons. La relation entre la vitesse de déformation des échantillons et la vitesse à laquelle ils se transforment semble contrôler l’apparition de cette instabilité mécanique. Cette relation suggère qu’un tel mécanisme peut également être à l’œuvre dans le manteau terrestre, où les roches se déforment bien plus lentement mais où les vitesses de transformation sont également bien plus lentes.
- 1La ductilité d'un matériau dépend de nombreux paramètres, dont notamment la température et la vitesse de déformation. Concernant la température, de nombreux matériaux cristallins sont fragiles à basse température et deviennent ductiles au-dessus d'une certaine température.
- 2La ringwoodite est une phase de haute pression de Mg2SiO4 (silicate de magnésium) formée à des températures et des pressions élevées du manteau terrestre entre 525 et 660 km (326 et 410 mi) de profondeur. Il peut également contenir du fer et de l'hydrogène. Elle est polymorphe avec la phase olivine forstérite (un silicate de magnésium et de fer).
Détails de l’image : (a) microscopie optique, l’échantillon est visible en intégralité dans sa capsule en or. Ce dernier est constitué d’olivine de germanium (Ge-olivine) plus claire au centre, entre deux cylindres de ringwoodite (Ge-spinel) plus sombre. L’olivine est partiellement transformée en ringwoodite. Une faille (pointillés) s’est propagée à travers les trois parties de l’échantillon. Les images (b) à (g) obtenues par microscopie électronique montrent la présence de produits de fusion recristallisés le long du plan de faille qui résultent de la propagation dynamique de la rupture à haute pression.
Pour en savoir plus
Deep-focus earthquakes: From high-temperature experiments to cold slabs
Julien Gasc; Clémence Daigre; Arefeh Moarefvand; Damien Deldicque; Julien Fauconnier; Blandine Gardonio; Claudio Madonna; Pamela Burnley; Alexandre Schubnel
Geology (2022).