Affleurement des serpentinites (vert foncé) dans le massif Tso Morari (Himalaya) exhumées d’une profondeur de ~100 km lors de l’orogenèse. © S. Guillot.

Les bouffées d’oxygène des zones de subduction

Résultat scientifique Terre Solide

Les zones de subduction représentent des lieux privilégiés de recyclage de la matière sur Terre. Ils sont aussi de véritables ‘usines à redox’ où les éléments chimiques voient leur degré d’oxydation évoluer lors des interactions fluides-roches. Ainsi, les éléments volatils (eau, oxygène, hydrogène, soufre, carbone) et les métaux sont piégés par les roches subduites ou libérés dans le fluide au cours des différentes étapes de la subduction. La connaissance de l’évolution des conditions redox dans les zones de subduction est une information clef dans la compréhension de ces phénomènes, mais n’a jusque-là pas progressé faute d’identification de traceurs in situ.

Une équipe internationale de chercheurs, impliquant 5 laboratoires du CNRS, s’est penchée sur cette question en suivant l’état redox de l’arsenic, un élément trace, dans les serpentinites de l’Himalaya qui était une zone de subduction avant l’orogenèse. Grâce au rayonnement synchrotron qui permet de quantifier in situ l’état chimique et redox de l’arsenic dans les roches et minéraux, les chercheurs ont mis en évidence une grande variabilité des degrés redox de l’arsenic, allant de –3 (arséniure) à +5 (arséniate). En combinant ces observations avec différentes méthodes analytiques de laboratoire, des modélisations thermodynamiques et l’histoire géodynamique de ces roches, les chercheurs ont pu tracer l’extraordinaire voyage de l’arsenic dans la zone de subduction et l’utiliser comme ‘sonde à oxygène’.

Durant les premières étapes de subduction, la présence d’arséniures indique que la formation des serpentinites consomme de l’oxygène et libère ainsi de l’hydrogène. Plus tardivement dans la subduction, à plus grandes profondeurs et températures, la décomposition partielle de ces roches libère des fluides très oxydants comme en témoigne la présence de l’arséniate. Le taux d‘oxygène estimé dans ces fluides correspond à une pression partielle de quelques millibars d’O2 à 100 km de profondeur et 600 à 700 °C, environ 10 ordres de grandeur plus élevée que les estimations effectuées jusque-là. Cette étude ouvre des perspectives pour le traçage des phénomènes très contrastés, souvent hors équilibre, dans les zones de subduction. Ces résultats aident à mieux comprendre et quantifier les liens fondamentaux entre le profond et la surface sur Terre et d’autres planètes telluriques.

Schéma de l’approche utilisée et le phénomène de libération du fluide oxydant. Le spectre d’absorption X (courbe bleue) nous renseigne directement sur les degrés redox de l’arsenic contenu dans les différents minéraux de la serpentinite (fond du dessin)© Gleb Pokrovski

Pour en savoir plus

Pokrovski, G.S., Sanchez-Valle, C., Guillot, S., Borisova, A.Y., Muñoz, M., Auzende, A.-L., Proux, O., Roux, J., Hazemann, J.-L., Testemale, D., Shvarov, Y.V. (2022) Redox dynamics of subduction revealed by arsenic in serpentinite. Geochem. Persp. Let. 22, 36–41. 

Contact

Gleb Pokrovski
Géosciences Environnement Toulouse (GET) / OMP