Les vents zonaux de Jupiter
Tout le monde reconnait la géante gazeuse Jupiter à ses mystérieuses bandes colorées. Elles sont créées par des vents atmosphériques d’hydrogène, appelés vents zonaux, qui circulent d’Est en Ouest, ou vice versa, et peuvent atteindre les 500 km/h. Ils transportent des nuages plus ou moins colorés, dont la teinte traduit la présence de divers composés chimiques secondaires (ammoniac, eau…). On remarque également des structures tourbillonnaires et leurs trainées. La plus grande et célèbre est la grande tache rouge, découverte en 1665, un anticyclone long d’environ 15 000 km, soit plus que le diamètre de la Terre.
L'atmosphère de Jupiter ne possède pas de limite inférieure précise et se mélange graduellement aux fluides de la planète, Jupiter étant constituée essentiellement de liquide et de gaz. Il est donc légitime de se demander si les mouvements observés en surface se prolongent à l’intérieur de la planète, ou se cantonnent à la couche atmosphérique externe. C’est là une bien vieille question, restée en suspens depuis plus de 50 ans, et deux types de modèles s’opposent. Les modèles superficiels, tirés de la modélisation des atmosphères, considèrent que les vents zonaux seraient produits par les tourbillons de surface, comme la grande tache rouge. Les modèles profonds, extraits des modélisations de noyaux liquides planétaires, estiment que les vents zonaux seraient la manifestation de tourbillons profonds.
En 2018, la mission Juno a mesuré le champ gravitationnel de Jupiter cent fois plus précisément que ce qui avait été fait jusqu’à présent. Toute asymétrie dans ce champ serait le signe d’une structure interne complexe, comme un écoulement de matière. Et justement, ces mesures ont révélé un champ de gravité asymétrique : l’attraction de la planète n’est pas la même dans l’hémisphère nord et dans l’hémisphère sud. Les vents zonaux observés dans l’hémisphère nord sont différents de ceux de l’hémisphère sud, et cette découverte signifie donc qu’ils sont suffisamment profonds pour modifier la gravité. Grâce à des modèles, les scientifiques ont pu déterminer qu’ils sont présents jusqu’à 3000 km de profondeur, soit bien en dessous de la couche superficielle mince. Les tourbillons visibles à la surface sont vraisemblablement peu profonds (< 100 km) : peuvent-ils être à l’origine des vents zonaux profonds ? C’est peu probable car la quasi-totalité des modèles numériques superficiels produisent une bande de vent zonal équatorial vers l’Est alors que sur Jupiter, cette bande se déplace vers l’Ouest. Les modèles de convection profonde, quant à eux, reproduisent facilement un vent équatorial vers l’Ouest. Les vents zonaux seraient donc produits par des structures tourbillonnaires profondes, non détectées pour l’instant. Toutefois, les résultats des modèles ne permettent ni de conclure de façon certaine, ni de localiser précisement l’origine des vents zonaux profonds : dans la zone dynamo, là où l’hydrogène devient métallique, ou alors dans la zone intermédiaire entre la dynamosphère et l’atmosphère ? Une bonne mesure des évolutions temporelles du champ magnétique jovien permettrait de chercher des tourbillons profonds pour répondre à ces questions.
Auteur
Philippe Cardin, chercheur CNRS à l’Institut des sciences de la Terre (ISTERRE – OSUG)
Tutelles : CNRS / IRD / UGA / Université Savoie Mont-Blanc / Université Gustave Eiffel
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