Maurice Taieb est parti rejoindre Lucy le 23 juillet 2021
Il y a 3,2 millions d’années, Lucy, Australopithecus afarensis, avait 20 ans lorsqu’elle tomba dans les limons qui la fossilisèrent... Mais il n’y a pas d’âge pour se sentir orpheline !
En 1966, les missions géologiques pionnières de Maurice Taieb, Chercheur au CNRS1 dans le Rift Ethiopien le menèrent à la découverte des dépôts fossilifères d’Hadar dans la vallée de l’Awash, en territoire Afar. Maurice organisa et dirigea alors une mission internationale, l’International Afar Research Expedition (IARE) qui en novembre 1974 aboutit à la découverte du premier des 52 fragments du squelette de Lucy (nommée par le titre de la chanson des Beatles, alors écoutée en rengaine par l’équipe au camp de base). Un bassin féminin, un genou démontrant la bipédie et des bras allongés facilitant le grimpé et une mâchoire inférieure avec une molaire peu usée d’adulte de 18-20 ans caractérisent notre désormais célèbre ancêtre australopithèque de 3,2 millions d’années. L’âge obtenu par Maurice et ses collaborateurs repose sur des datations radiométriques (potassium-argon et argon-argon) de cendres volcaniques et sur la magnétostratigraphie des inversions du champ magnétique terrestre. Lucy demeure le squelette le plus ancien et le plus complet parmi d’autres fossiles d’homininés depuis découverts dans la dépression de l’Afar, y compris une mâchoire fossile attribuée au genre humain (Homo) datée de 2,8 Ma, qui représente notre ancêtre direct.
Dans les années 1980, avec la fermeture de l’Ethiopie, les expéditions et recherches de Maurice s’orientèrent vers les formations du Quaternaire au Kenya, en Tanzanie et au Maroc. Plusieurs expéditions de terrain et de carottages portées par Maurice auprès de programmes nationaux et internationaux (dont CCE) ont fourni de nouvelles données sur l’évolution du climat et de l’environnement en Afrique de l’Est et du Nord, permettant de mieux comprendre les impacts des changements du climat sur les écosystèmes tropicaux. En 2000, lors d’un séjour à l’Institut Français de Pondichéry il établit de profondes collaborations entre archéologues et paléoclimatologues de l’Inde.
Avec ses éclatants sourires barrés de son éternelle clope aux lèvres, l’Ami (Rafiki en Swahili) Maurice témoignait, sur le terrain comme en laboratoire, d’une exceptionnelle énergie, porteuse d’un optimisme vainqueur, téméraire, aventurier, initiateur de nouvelles expériences. Son sens des relations humaines et ses talents d’organisateur lui permettaient de vaincre les obstacles de prospections pionnières, dont nous avons pu être à la fois les témoins et les acteurs.
Ses conseils avisés et son aide toujours amicale ont porté vers le succès de nombreux néo-géologues des Laboratoires d’Aix-Marseille. Qu’il en soit remercié !
Tous ses proches collaborateurs, élèves et collègues de tous les pays, pensent à Lui, à son Epouse Ingrid, à ses deux fils, Laurent et Jean Marc et à leur famille… celle aussi de Lucy.
Nicolas Thouveny, Jean-Philip Brugal, Doris Barboni, Michel Decobert, David Williamson, PIerre-Jean Texier , Raymonde Bonnefille.
- 1Laboratoire de Géologie du Quaternaire, UPR 1201, Meudon-Bellevue, déplacé sur Marseille Luminy, en 1977, puis intégré en 1995 au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement de Géosciences de l’Environnement (Aix en Provence), rattaché depuis 2012 à l’Observatoire des Sciences de l’Univers (OSU), Institut PYTHEAS.