La zone côtière et littorale, lieu de confrontation Homme/Océan
Les zones littorales et côtières représentent des zones où les enjeux écologiques et humains sont forts : on l’a vu lors des inondation rapides et catastrophiques des côtes lors de la tempête Xynthia en 2010, avec l’effondrement de blocs de roches des falaises de calcaire normandes en 2016, ou encore avec le phénomène d’efflorescence1 des algues vertes en Bretagne ces dernières années.
Observer, étudier et surveiller ces milieux singuliers est un préalable indispensable pour faire progresser nos connaissances sur ces sujets souvent vitaux.
Christophe Delacourt, professeur au Laboratoire Géosciences Océan de Brest, co-directeur de l’Infrastructure de Recherche littorale et côtière ILICO, fait le point sur les différentes approches scientifiques consacrées à la compréhension des mécanismes et dynamiques des zones côtières et de leurs enjeux sociétaux.
Une triple interface aux multiples échelles
Situées à l’interface entre l’atmosphère, les surfaces continentales et l’océan hauturier2, les zones côtières et littorales constituent des environnements dont la dynamique complexe peut évoluer selon un vaste gamme d’échelles spatio-temporelles. Ces espaces sont soumis à de nombreuses pressions anthropiques3, liées aux activités et aux usages locaux, qu’ils soient économiques comme la pêche et l’installation d’infrastructures industrielles, ou récréatives comme les activités nautiques et le tourisme par exemple. Les zones littorales et côtières sont également soumises à des forçages naturels divers, allant des aléas météorologiques et marins tels que les tempêtes, les tsunamis, ou encore aux phénomènes naturels d’érosion. Le changement climatique induit également un impact sur ces milieux en favorisant par exemple l’élévation du niveau de la mer, ou l’augmentation de la fréquence de certains aléas extrêmes.
Ces zones de continuum terre/océan représentent un ensemble de problématiques scientifiques où se confrontent à la fois des phénomènes liés à de longues échelles de temps et d’espace, comme les variations du climat, ou la tectonique des plaques et des effets liés aux causes plus locales et de courte échelle de temps, tels que les facteurs anthropiques ou les évènements météorologiques. La compréhension des processus physiques, biogéochimiques et sédimentaires, qui caractérisent les zones côtières et littorales, est donc fondamentale pour mener efficacement une politique de gestion durable de ces espaces.
Qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, comprendre ces changements, nécessite une approche multi-méthodes, telles que des mesures in situ, le développement de modélisations numériques et physiques, le relevé d’indicateurs biologiques (évolution de la structure de la chaîne trophique4 en réponse aux changements de nature et de disponibilité des nutriments), ou l’emploi de méthodes de télédétection spatiale par exemple. Mais cette approche nécessite également une coopération pluridisciplinaire, faisant intervenir des savoirs issus de la géomorphologie (évolutions morpho-dynamiques du trait de côte5), de la géophysique, des études hydrodynamiques (variabilité des courants), ou encore de la sédimentologie, de la biologie, de l’écologie et des sciences humaines et sociales. Enfin, cette compréhension doit également être multi-temporelle, depuis l’observation de l’instantané jusqu’à l’approche de phénomènes se déroulant sur plusieurs milliers d’années.
Des Services d’Observations Nationaux au service de l’océan côtier
Le fondement des études menées sur la zone littorale est l’observation. Pour cela, les scientifiques s’appuient sur un certain nombre d’observatoires et services nationaux d’observation (SNO) spécialisés. Les instruments déployés vont permettre de collecter des mesures sur le long terme, données qui permettront d’étudier les phénomènes récurrents, haute fréquence (variations de températures par exemple) et des évènements ponctuels et extrêmes (comme des tempêtes). La réalisation de suivis à long terme permet également de faciliter l'anticipation de certains processus et phénomènes à grandes échelles comme les cyclones ou les tsunamis.
Au sein de l’Infrastructure de Recherche ILICO, destinée à observer et comprendre les milieux et les écosystèmes côtiers et marins dans leur globalité ce n’est pas moins de neuf services nationaux d’observation6, qui sont fédérés pour acquérir des mesures physiques, chimiques, biologiques de l’océan côtier et de la zone littorale : COAST HF, CORAIL, DYNALIT, MOOSE, PHYTOBS, ReefTEMPS, SOMLIT et SONEL. Parmi eux, par exemple, le SNO SONEL mesure le niveau relatif de la mer, via des marégraphes et des mesures GPS, ou encore le SNO DYNALIT approche l’évolution morphodynamique du trait de côte, incluant notamment les phénomènes d’érosion des falaises. Les scientifiques de 54 laboratoires, du CNRS ou non, sont impliqués dans ces problématiques et interviennent au sein des SNO ou en exploitent les données.
Ces données issues d’observations sont complétées par des mesures de télédétection, le développement de modélisations numériques, couplées avec une approche expérimentale dans des bassins d’expérimentation où on cherche à reproduire les phénomènes.
Risque littoral
On appelle "risques littoraux" les phénomènes naturels qui ont des répercussions sur les populations vivant sur le littoral, ou sur les infrastructures qui s’y trouvent.
Parmi les phénomènes qui impactent les zones côtières, on trouve le recul du trait de lié à l’érosion, les phénomènes de submersion (lorsque l’eau pénètre à l’intérieur des terres), ou encore les avancées de dunes. Estimer le risque littoral, c’est non seulement estimer les aléas naturels qui se produisent sur les côtes, mais également évaluer la vulnérabilité globale de ce secteur, en prenant en compte les problématiques d’enjeux associés, telle la stratégie de gestion des politiques et la perception par les populations concernées.
On estime à environ sept millions le nombre de personnes qui vivent dans des communes littorales en France et qui pourraient donc être directement concernées par ces enjeux.
Aurore Delahayes
1 Efflorescence algale (bloom) : Augmentation relativement rapide de la concentration d'une (ou de plusieurs) espèce(s) d'algues
2 Océan hauturier : Océan de la Haute Mer
3 Anthropique : Lié à l’activité humaine
4 Chaine trophique : Chaine alimentaire
5 Trait de côte : Bande côtière de largeur variable qui s’étend du domaine marin au domaine continental (limite entre la terre et la mer)
6 BENTHOBS : Observation de la macrofaune benthique
COAST-HF : Coastal ocean observing system - High frequency
CORAIL : Service d'observation des récifs coralliens de Polynésie française
DYNALIT : Dynamique du littoral et du trait de côte
MOOSE : Mediterranean ocean observing system for the environment
PHYTOBS : Réseau d'observation du phytoplancton
ReefTemps : Réseau d'observation des eaux côtières dans la région du Pacifique sud, ouest et sud-ouest
SOMLIT : Service d'observation en milieu littoral
SONEL : Système d'observation du niveau des eaux littorales
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