Le mystère du méthane martien
La question du méthane dans l’atmosphère de Mars remonte à l’origine même de l’exploration spatiale. En effet, après le survol de Mars par la sonde Mariner 7 en 1967, les équipes scientifiques déployées autour de la mission ont annoncé publiquement avoir identifié la signature de ce gaz dans les spectres de lumière infrarouge venant de Mars. Mais deux jours après cette annonce, ces mêmes équipes réalisèrent que cette signature était en fait celle de la glace carbonique présente en surface. En une anecdote, voilà résumée l’histoire du méthane martien qui s’est étalée sur plusieurs décennies, et qui a été ponctuée d’annonces retentissantes et de débats passionnés sur son existence et son origine.
Comme l'ont déclaré Hitchcock et Lovelock dans la revue Icarus en 1967 : "La connaissance de la composition de l'atmosphère martienne peut (…) révéler la présence de vie dans cette atmosphère.".Sur Terre, plus de 80% du méthane est le produit du vivant. C’est l’une des raisons qui ont conduit à ce que le méthane soit considéré comme un témoignage potentiellement probant d’une signature de la vie. Sa présence sur Mars serait d’autant plus surprenante que sa durée de vie photochimique est relativement courte (quelques siècles) à l’échelle des temps géologiques et qu’une source massive et toujours à l’œuvre serait nécessaire pour expliquer sa présence de nos jours.
Cette connotation « biologique » a été le principal moteur de la controverse qui a animé la communauté scientifique depuis 2004, année où le satellite Mars Express a révélé en avoir découvert dans l’atmosphère dans des proportions extrêmement faibles (quelques molécules par milliards de molécules d’air martien). Entre les détections contestées, parfois réfutées, et le comportement spatio-temporel inexplicable du méthane tel qu’il a été rapporté, une fracture s’est progressivement formée au sein de la communauté scientifique entre les « méthano-sceptiques » et les « méthano-convaincus ». Cette controverse a d’ailleurs abouti à ce qu’une mission lui soit quasiment consacrée ; l’orbiteur TGO (Trace Gas Orbiter) d’ExoMars qui a été lancé vers Mars en 2016 et qui tente depuis de fournir le relevé le plus précis possible de la composition de l’atmosphère pour identifier tout gaz lié à un mécanisme de production géophysique (volcan, dégazage du sous-sol, etc.) ou biotique actif.
Mais depuis 2015, le débat s’est déplacé vers la surface de Mars où la mission Mars Science Laboratory (MSL) a révélé en avoir elle aussi détecté, suggérant même qu’un signal de fond se superposerait à des bouffées sporadiques 10 à 100 fois plus intenses. Ces résultats ont plongé les plus féroces détracteurs du méthane martien dans la perplexité, même si certains ont argué que ce méthane aurait pu être été rapporté de la Terre par MSL elle-même. Cependant TGO, équipé de moyens de détection infrarouge ultra performants, n’a jamais réussi à le détecter. Ses équipes affirment que quand bien même le méthane aurait été présent à un niveau 10 fois plus faible que celui mesuré par MSL, TGO l’aurait identifié.
Alors que s’engage l’ère du retour d’échantillons martiens où la question de traces de vie y est centrale, celle du méthane n’est toujours pas résolue. En 2022, dans le cadre d’ExoMars, une nouvelle mission européenne partira et celle-ci aura le moyen de détecter sa présence depuis la surface. D’ici là, MSL et TGO continueront leur moisson et, espérons-le, permettront aux scientifiques de comprendre comment des mesures aussi conflictuelles pourraient être réconciliées.
Auteur
Franck Montmessin, CNRS (LATMOS/IPSL)
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