Gorgone rouge, "Paramuricea clavata", à un stade avancé de nécrose, avec des restes grisâtres de coenenchyme (partie charnue qui recouvre l'axe squelettique) et l'axe corné totalement nu. Cette image, prise en octobre 1999 à Port-Cros par 25 m de profonde © Jean-Georges HARMELIN/CNRS Photothèque

Évolution climatique des canicules océaniques en Méditerranée

Explorations

Au cours des dernières décennies, des épisodes anormalement chauds ont été observés dans l’océan avec des impacts écologiques et socio-économiques importants. Ces évènements, appelés « canicules océaniques » (ou Marine HeatWaves en anglais), se superposent au réchauffement climatique de long-terme et peuvent survenir dans les zones côtières ou en pleine mer. Ils entraînent des changements visibles dans les écosystèmes marins et les pêcheries. En Méditerranée, suite aux épisodes de canicules océaniques de 1999, 2003 et 2006, on a ainsi observé de nombreux cas de mortalité massive d’espèces, telles les gorgones ou les posidonies, une plante à fleurs marine présente uniquement en Méditerranée, dont l’écosystème est unique. Par ailleurs, des migrations d’espèces commerciales peuvent également se produire : on sait par exemple que cela a été le cas dans l’Atlantique Nord en ce qui concerne le homard, suite à la canicule de 2012. En modifiant les pratiques de pêche et de récolte, les migrations de homard ont conduit à la faillite d'importantes pêcheries, allant jusqu’à créer des tensions entre les nations.

Bien que la Méditerranée soit identifiée comme une des zones les plus sensibles au réchauffement climatique futur, le cas des canicules océaniques dans cette région a pour le moment été peu décrit. Récemment, des observations satellites de fine échelle, des simulations numériques de l’initiative Med-CORDEX (modèles régionaux de climat à haute résolution et couplés) et un algorithme automatique de détection des évènements ont été utilisés pour étudier pour la première fois ces évènements à l’échelle de l’ensemble du bassin.

Dans le climat actuel, les canicules océaniques de surface en Méditerranée durent, en moyenne, 15 jours avec une intensité moyenne de 0,6°C au-dessus du seuil et une extension spatiale maximale de la surface de la mer d'environ 40%. Au cours des dernières décennies, une augmentation significative de la durée, de l’extension spatiale et de l’intensité des canicules océaniques de surface est mise en évidence en Méditerranée. En mer, les canicules des étés 2003, 2012, 2015 et 2017 sont les évènements les plus sévères observés au cours de la période étudiée (1982-2017).

D’après les simulations climatiques, cette tendance devrait se poursuivre au cours du 21ème siècle, les évènements de canicules océaniques devenant plus longs et plus intenses, quel que soit le scénario d’émission des gaz à effet retenu. En particulier, dans le scénario du pire (RCP8.5) à la fin du 21ème siècle, les simulations projettent au moins une canicule océanique par an, jusqu’à 4 mois plus longue et 4 fois plus intense que dans le climat actuel (HIST). Leur extension spatiale maximale passerait de 40 % en moyenne aujourd’hui à presque 100 % de la surface de la mer Méditerranée et la canicule océanique observée en 2003 serait alors considérée comme peu sévère sous ce nouveau climat. Seul le scénario RCP2.6, qui est le plus proche des limites définies par les accords de Paris sur le climat, pourrait limiter l’aggravation des canicules océaniques en Méditerranée.

Auteures et Auteurs

Samuel Somot1 , Sofia Darmaraki2

  • 1Centre national de recherches météorologiques, France
  • 2Univ. Dalhousie, Canada
© Vuxe

Légende

Intensité (en ordonnée, en °C) et durée (en abscisse, en nombre de jours) des canicules océaniques en mer Méditerranée dans le modèle du CNRM (Météo-France) de l’ensemble Med-CORDEX. Les canicules océaniques les plus sévères jamais observées en Méditerranée (2003, 2012, 2015, 2017) sont représentées par les bulles bleues. Les canicules simulées par le modèle  pour le scénario à haute émission de gaz à effet de serre, dit aussi scénario du pire, sont en rouge (RCP85) et celles pour le scénario à basse émission en vert (RCP26). La taille des bulles correspond à l’extension spatiale maximale de chaque évènement en % de la surface de la mer Méditerranée.

En savoir plus

Références scientifiques associées :

Darmaraki S., Somot S., Sevault F., Nabat P. (2019b) Past Variability of Mediterranean Sea Marine Heatwaves. GRL, 46, 9813-9823, doi:10.1029/2019GL082933.

Darmaraki S., Somot S., Sevault F., Nabat P., Cabos W., Cavicchia L., Djurdjevic V., Li L., Sannino G., Sein D. (2019a) Future evolution of Marine Heat Waves in the Mediterranean Sea. Climate Dynamics, 53 (3-4):1371-1392, doi: 10.1007/s00382-019-04661-z

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