Quels sont les facteurs qui conditionnent la composition des communautés microbiennes dans l’atmosphère ?
Des chercheurs de l’Institut des géosciences de l'environnement (IGE/OSUG, CNRS / IRD / UGA / Grenoble INP) et du Laboratoire Ampère (École centrale de Lyon / CNRS / Université Lyon 1, INSA Lyon) ont analysé, en combinant chimie atmosphérique et microbiologie moléculaire, des échantillons atmosphériques prélevés, dans le cadre du projet INHALE, sur 9 sites à travers le monde. Ils ont ainsi pu montrer que les microbes présents dans l’atmosphère dépendent principalement des conditions météorologiques locales et des écosystèmes environnants, bien qu’un transport sur de longues distances puisse également intervenir lors d'événements météorologiques extrêmes.
La couche limite planétaire, dans laquelle nous vivons, est la couche atmosphérique la plus dense en particules (aérosols) d’origine biologique. Elle est composée de débris végétaux, de pollens, de microorganismes (bactéries, champignons, protozoaires, etc.) et de leurs sécrétions. Potentiellement pathogènes, ces microorganismes ont un impact, entre autres, sur la santé humaine. Ils influencent également des phénomènes atmosphériques fondamentaux tels que la formation des nuages et pourraient jouer un rôle dans la chimie atmosphérique en tant que sources ou consommateurs d’espèces chimiques. Bien que l’existence de microbes atmosphériques soit connue depuis les travaux de Pasteur en 1861, leurs sources et les facteurs qui structurent leurs communautés sont encore largement inexplorés, notamment à l’échelle de la planète.
Afin de répondre à ces questionnements scientifiques, des chercheurs ont dans un premier temps imaginé et élaboré, dans le cadre du projet INHALE1 de l’ANR, une démarche méthodologique unique2 visant à prélever pendant plusieurs semaines, dans des conditions rigoureusement identiques, plus de cent échantillons atmosphériques (particules PM10) sur 9 sites à travers le monde, de l’Arctique aux îles subantarctiques en passant par des régions de très haute altitude au Tibet et en Bolivie. Au-delà du défi logistique et de coordination nécessaire à un tel déploiement, les chercheurs ont dû mettre en place des protocoles draconiens de contrôle et de préservation des informations chimiques et microbiologiques contenues dans les échantillons (protocoles détaillés dans Frontiers in Microbiology, 2019)3 .
Afin d’identifier les sources et les facteurs qui déterminent la composition des microbes dans l'atmosphère, des chercheurs de l’IGE et du Laboratoire Ampère ont entrepris depuis lors de réaliser des mesures détaillées de la composition chimique des échantillons ainsi prélevés à travers le monde et des séquençages haut débit de l'ADN microbien (bactéries et champignons) qu’ils contiennent.
Les chercheurs ont ainsi trouvé plusieurs millions de cellules bactériennes (par m3 d'air) dans des sites désertiques de haute altitude contre seulement quelques centaines dans un site proche du pôle Nord au Groenland. Ayant étudié des sites très divers - marins, gelés, de montagne, de plaine ou urbains - à partir d’images satellitaires et de données météorologiques, les chercheurs ont montré que les écosystèmes entourant les sites de prélèvement dans un rayon de 50 km influençaient très fortement la composition des communautés microbiennes présentes dans l'atmosphère. En dehors d’événements météorologiques de nature extrême, le transport de microbes à partir d'écosystèmes lointains serait donc minoritaire.
Toutefois, l'idée même d’une signature microbienne atmosphérique spécifique à un lieu géographique donné est remise en question par cette étude. En effet, les conditions météorologiques locales et la diversité en écosystèmes proches jouent un rôle primordial dans la régulation des communautés microbiennes de l'atmosphère au cours du temps.
Les changements climatiques en cours et les modifications des surfaces terrestres par les activités humaines joueront donc un rôle de plus en plus important dans ces émissions microbiennes, dans la nature des communautés présentes dans l’atmosphère et dans leur transport.
- 1Investigating the Atmosphere as an Ecosystem (INHALE). Le porteur de ce projet est Aurélien Dommergue (IGE/OSUG) et les partenaires sont l’IGE/OSUG, l’École centrale de Lyon et la Fédération de recherche en environnement de Clermont-Ferrand.
- 2Outre les partenaires du projet INHALE, cette démarche a impliqué 3 groupes internationaux en Bolivie (UMSA), en Chine (ITPR) et en Afrique du Sud (SAWS), ainsi que des collègues du laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP) et des partenaires danois et américains. Elle a également bénéficié du soutien de l’Institut polaire IPEV.
- 3Dommergue, A., Amato, P., Tignat-Perrier, R., Magand, O., Thollot, A., Joly, M., Bouvier, L., Sellegri, K., Vogel, T., Sonke, J. E., Jaffrezo, J.-L., Andrade, M., Moreno, I., Labuschagne, C., Martin, L., Zhang, Q., and Larose, C.: Methods to Investigate the Global Atmospheric Microbiome, Frontiers in Microbiology, 10, 10.3389/fmicb.2019.00243, 2019
Financement
ANR INHALE (https://inhale.osug.fr/) (IGE, ECL et FRE Clermont-Ferrand), Institut polaire IPEV (programme GMOstral-1028), Campus France-Chine et Région Auvergne-Rhône Alpes.
Source
Tignat-Perrier, R., Dommergue, A., Thollot, A., Keuschnig, C., Magand, O., Vogel, T. M., and Larose, C.: Global airborne microbial communities controlled by surrounding landscapes and wind conditions, Scientific Reports, 9, 14441, 10.1038/s41598-019-51073-4, 2019.