Le cycle caché de l’oxygène au sein des zones de minimum d’oxygène (OMZ)
Dans de larges régions des océans tropicaux appauvries en oxygène (les Zones de minimum d’oxygène ou OMZ), une variation, même faible, de la concentration en oxygène induit d’importants changements de la diversité microbienne et des cycles biogéochimiques. Dans le cade du projet AMOP (Activités de recherche dédiées au minimum d'oxygène dans le Pacifique), une équipe internationale comprenant des chercheurs français du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD) et de l’Institut méditerranéen d’océanographie (MIO/PYTHÉAS, CNRS / Université de Toulon / IRD / AMU) a montré pour la première fois, à partir de campagnes dans le Pacifique oriental (Pérou, Mexique), que de l’oxygène était produit à quelques dizaines de mètres sous la surface sans être néanmoins directement observable. En effet, cette production d’oxygène ne s’accumule pas, car elle active des processus microbiens qui la consomment aussitôt.
Situées entre quelques dizaines et 1000 m de profondeur dans l’océan Indien Nord et le Pacifique Est, les OMZ représentent 7 % du volume océanique total. Elles s’étendent en réponse au réchauffement climatique, car globalement moins ventilées du fait de l'augmentation de la stratification et de la diminution de la solubilité de l'oxygène. Or, les OMZ constituent des habitats où s’abritent les micro-organismes qui vivent sans oxygène et dont le métabolisme contribue aux cycles globaux des nutriments, par exemple à hauteur de 30 à 50% de l’azote que l’océan perd sous forme gazeuse. Le paradigme traditionnel considère que la production primaire de surface alimente en substrats les processus microbiens des OMZ.
Cette étude au large du Mexique et du Pérou, basée en particulier sur la campagne AMOP (Activités de recherche dédiées au minimum d’oxygène dans le Pacifique Est), démontre que des pics de chlorophylle profonds (entre 20 et 120 m) sont photosynthétiquement actifs et rejettent des quantités significatives d'oxygène dans l’OMZ.
Ce travail, qui a nécessité une approche couplant incubations à bord et mesures de teneurs ultra-faibles d'oxygène, révèle que l’oxygène produit durant le jour dans la couche supérieure de l’OMZ est associé à une communauté bactérienne spécifique, les Prochlorococcus spp. Cet oxygène est rapidement consommé, en réponse à l’activation de métabolismes microbiens aérobies comme l’oxydation des nitrites, maintenant ainsi l’oxygène à des concentrations indétectables par les techniques conventionnelles. Les OMZ sont donc le siège d’un cycle caché de l’oxygène. La production ou l’intrusion d’oxygène est potentiellement compensée ou masquée par sa consommation quasi immédiate, reflétant en conditions d’apparente anoxie le couplage étroit entre l’apport d’oxygène et son utilisation par les processus aérobies. Le renouvellement de l’oxygène et les taux de fixation de carbone sont comparables à ceux reportés pour les autres processus des OMZ recyclant les particules organiques par réduction des nitrates et des sulfates. Ceci suggère le rôle important du cycle interne de l’oxygène dans les transformations de la matière et l’énergie au sein des OMZ.
Sources
Garcia-Robledo, E., Padilla, C.C., Aldunate, M., Stewart, F.J., Ulloa, O., Paulmier, A., Gregori, G., and N.P. Revbesch, Cryptic oxygen cycling in anoxic marine zones. 2017, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United of America (PNAS). doi: 10.1073/pnas.1619844114.