L’oxygène moléculaire : une molécule rare dans le milieu interstellaire

Résultat scientifique Univers

Dans le milieu interstellaire, l’oxygène moléculaire est formé facilement par la réaction entre un atome d’oxygène et un radical d’hydroxyle, ces deux composés étant abondants. Pendant de nombreuses années, la molécule O2 a donc été activement recherchée mais détectée uniquement dans deux régions particulières du milieu interstellaire. A partir d’une nouvelle génération de modèles, les chercheurs ont montré que le piégeage de l’oxygène (sous la forme d’eau) sur la surface des grains de poussière interstellaire l’emporte sur la formation de O2 dans le gaz pour une grande majorité de conditions, expliquant sa rareté.

Illustration de la formation du dioxygène et de l'eau sur les grains interstellaires

L’oxygène moléculaire, O2, sur Terre est issu de l’activité photosynthétique du vivant (qui extrait le carbone du CO2 de l’atmosphère pour créer de la matière organique). Cette molécule est proposée comme une signature de vie sur les planètes extra-solaires du fait de la difficulté de la former de façon non-biologique et sera une cible privilégiée des prochaines missions d’étude d’atmosphères d’exoplanètes.

Dans le milieu interstellaire suffisamment dense pour assurer la présence des molécules, en revanche, l’oxygène moléculaire est formé facilement par la réaction entre un atome d’oxygène et un radical d’hydroxyle (O + OH -> O2 + H), ces deux composés étant abondants. Pendant de nombreuses années, la molécule O2 a donc été recherchée dans le milieu interstellaire avec l’idée qu’elle devait représenter un réservoir important de l’oxygène.

Son observation depuis la Terre est compliquée de part sa présence dans l’atmosphère qui empêche sa détection directe. Depuis la surface de notre planète, O2 a été recherché par l’intermédiaire de sa forme isotopique plus rare (16O18O). Cette molécule a également été cherchée avec des télescopes spatiaux et ce n’est qu’en 2007 que la 1ère détection a été rapportée avec le satellite ODIN, dont un des objectifs affichés de la mission était la détection de O2.

Quelques années plus tard, grâce au télescope spatial Herschel, cette détection, dans la région de formation d’étoile η Oph, a été confirmée et une deuxième détection dans la région d’Orion a été publiée. Ces deux détections sont cependant rares (et associées à des régions chaudes particulières) par rapport aux dizaines de non détections rapportées dans la littérature. Le résultat de toutes ces années de recherche est que si O2 est présent dans le milieu interstellaire, son abondance est beaucoup plus faible que ce que prédisaient les modèles jusqu’à maintenant.

Abondances de O2 calculées par le modèle en fonction de la température par les différentes « histoires » et limite observationnelle

A partir d’une nouvelle génération de modèles du milieu interstellaire combinant à la fois un calcul de l’évolution des conditions physiques (température, densité et rayonnement ultraviolet) et un calcul de la composition chimique de la matière interstellaire, une équipe de chercheurs menée par Valentine Wakelam du Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (LAB, CNRS/OASU/Université de Bordeaux) ont trouvé une explication pour la faible abondance de O2 dans le milieu interstellaire. Au sein des galaxies, la matière interstellaire évolue de densités très faibles vers des densités de plus en plus élevées, formant des nuages qui donneront ensuite naissance aux étoiles et à leur cortège de planètes. Au cours de cette évolution, les atomes du gaz et ceux présents à la surface des grains de poussières vont se combiner pour former des molécules.

La composition chimique du milieu va alors dépendre des conditions physiques locales et de lévolution antérieure de ces conditions. Lorsque la densité augmente, la température et le rayonnement photo-dissociant diminuent, s’instaure alors une compétition entre la formation de O2 dans le gaz et le collage de l’oxygène atomique sur la surface des grains interstellaires, qui est ensuite successivement hydrogéné pour former H2O.

Les simulations ont permis dexplorer une grande gamme d’histoires de la matière interstellaire et ont montré que la grande majorité de ces histoires produisait une abondance de O2 en dessous des limites données par les observations. La formation de H2O à la surface des grains l’emporte donc sur la formation de O2 dans le gaz pour une grande majorité des conditions du milieu interstellaire, expliquant que sa détection est rare.

Source

Wakelam, V.; Ruaud, M.; Gratier, P.; Bonnell, I. A. Influence of galactic arm scale dynamics on the molecular composition of the cold and dense ISM II. Molecular oxygen abundance Monthly Notices of the Royal Astronomical Society (2019) doi: 10.1093/mnras/stz1122

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