L'ombre de la soucoupe volante : un froid glacial dans les disques protoplanétaires
Une équipe internationale, pilotée par un chercheur du Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux, vient de mesurer la température des poussières d'un disque proto-planétaire en observant l'émission du mono-oxyde de carbone, CO autour d'une étoile jeune dans la constellation d'Ophiucus. Cette étoile est entourée d'un disque de gaz et de poussières, appelé disque proto-planétaire car ces disques sont les progéniteurs des futurs systèmes planétaires. Ce disque est vu pratiquement par la tranche, et en lumière visible, seule la lumière diffusée par les poussières du disque est détectée (voir figure). En raison de son aspect, elle a été baptisée "Flying Saucer" (soucoupe volante).
Voulant utiliser l'émission du monoxyde de carbone pour caractériser le disque de gaz qui orbite autour de l'étoile, les chercheurs l'ont observé avec l'interféromètre ALMA à haute résolution angulaire (0.5 secondes d'arc). Ils ont eu la surprise de voir apparaitre à certaines vitesses un signal négatif, une absorption devant ... rien !
Ce phénomène est lié à une différence de température entre les poussières du disque et un nuage de gaz moléculaire étendu situé en arrière plan de celui-ci. L'interféromêtre ALMA ne mesure que les variations spatiales de l'intensité du signal. Le nuage étant très étendu et uniforme, il n'apparaît pas. Sauf dans la direction du disque, à la vitesse du nuage, où le disque de poussière absorbe l'émission des molécules CO du nuage moléculaire et apparaît donc en "silhouette" sous la forme d'un signal négatif. Nous sommes donc dans l'ombre de la "soucoupe volante" par rapport au nuage brillant.
En comparant l'intensité du signal absorbé à celle de l'émission thermique des poussières du disque protoplanétaire, on peut ainsi directement mesurer le rapport entre la température des poussières et celle du nuage moléculaire d'arrière-plan. Les chercheurs ont ensuite mesuré la température de celui-ci en utilisant l'antenne de 30-m de l'IRAM. Ils ont ainsi déduit que, à 100 unités astronomiques de l'étoile, les poussières ont une température de 7 K seulement, et que celle-ci décroît avec la distance à l'étoile. C'est la première mesure directe de la température des grosses poussières (quelques fractions de millimètre de rayon) dans ces objets.
Ces températures sont beaucoup plus basses que la plupart des modèles de disques ne le prédisent à ce jour : 15 à 20 K. Pour expliquer ce résultat, il faut que les propriétés des grosses poussières soient différentes de ce que l'on supposait jusqu'à présent, afin de leur permettre de se refroidir autant.

Contacts : S.Guilloteau ou E.di Folco du LAB (guilloteau@obs.u-bordeaux1.fr, difolco@obs.u-bordeaux1.fr), V.Pietu de l'IRAM (pietu@iram.fr)
Partenaires scientifiques impliqués : Laboratoire d'Astrophysique de Bordeaux (LAB) ; Université de Bordeaux ; Institut de Radioastronomie Millimétrique (IRAM) ; Observatoire Astronomique de Strasbourg ; Max Planck Institute fur Astronomie à Heidelberg.
Pour en savoir plus
Sources
Guilloteau et al "The shadow of the Flying Saucer: a very low temperature for large dust grains", Astronomy & Astrophysics Letters