LEFE, un programme pour décrypter l'océan et l'atmosphère
Un couple inséparable régit notre planète : l'océan et l'atmosphère. Comment fonctionnent-ils ? A cette question primordiale pour mieux comprendre le devenir de notre environnement, les chercheurs du programme LEFE "Les enveloppes fluides et l'environnement" tentent d'apporter des réponses. Créé en 2006 et piloté par l'INSU-CNRS, ce programme national inter-organismes dresse cette année le bilan des projets qu'il a soutenus depuis trois ans. Cet état des lieux se tient du 27 au 29 mai prochains à Plouzané en Bretagne, lors d'un colloque.
- Le programme LEFE et Les grands projets en cours
par Herlé Mercier, président du Conseil scientifique LEFE et directeur de recherche CNRS au Laboratoire de physique des océans (IUEM, CNRS / Ifremer / IRD / Université de Brest) - De la lumière pour faire vieillir les particules
par Christian George, directeur de recherche CNRS à l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (CNRS / Université de Lyon 1) - La fertilisation naturelle des océans
par Stéphane Blain, professeur d'université au Laboratoire d'océanographie biologique de Banyuls (OOB, CNRS / Université Pierre et Marie Curie) - La variabilité climatique en Amérique du Sud tropicale
par Françoise Vimeux, chargée de recherche IRD au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (IPSL, CNRS / CEA / Université de Versailles Saint-Quentin) - Les échanges océan-atmosphère dans l'océan Indien
par Jean-Philippe Duvel, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie dynamique (IPSL, CNRS / Ecole Polytechnique / ENS Paris / UPMC)
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Créé en 2006, le programme national interorganisme LEFE fédère tous les anciens programmes Océan-Atmosphère coordonnés par l'Institut national des sciences de l'univers (INSU) du CNRS.
La création d'un programme unique vise à :
- améliorer la coordination des recherches,
- favoriser la pluridisciplinarité,
- créer une véritable synergie entre les différentes thématiques,
- offrir à la communauté nationale et aux organismes partenaires une visibilité accrue des recherches menées dans les domaines de l'océan et de l'atmosphère.
LEFE permet une action sur projets coordonnée par l'INSU-CNRS. Son objectif principal est d'améliorer notre compréhension des réponses du système Terre aux différents forçages anthropiques (utilisation des sols, etc), et partant de là de mieux les prévoir en fonction des stratégies de développement des sociétés humaines.
Son fonctionnement et ses missions
LEFE est piloté par un Comité interorganisme (CIO)(1) composé de représentants des organismes partenaires de l'INSU-CNRS, financeurs ou non. Celui-ci s'appuie sur un Conseil scientifique constitué d'experts, lequel, après évaluation, émet des recommandations au CIO qui décide alors des projets à retenir et des moyens à attribuer.
En trois ans, LEFE est devenu un portail incontournable en France, reconnu par les organismes et agences de moyens, pour l'évaluation scientifique des projets de recherche dans le domaine océan-atmosphère. Il a réussi à se rendre visible dans le paysage de la recherche nationale, notamment des structures habilitées à attribuer des bourses doctorales et des instances régionales qui ont recours à l'expertise de LEFE pour les financements des projets qui leur sont soumis.
Son approche consiste à favoriser l'émergence d'idées nouvelles, tant aux frontières de la connaissance dans un domaine spécifique qu'aux frontières entre disciplines ou entre milieux, et de ruptures technologiques ou méthodologiques, ainsi que le montage de projets à forte composante transdisciplinaire. Ainsi, une part significative de son budget peut être consacrée à des projets incitatifs potentiellement "à risque" mais auxquels est associé un fort potentiel de créativité et/ou d'essaimage, à des projets visant à structurer la communauté ou à mutualiser des efforts autour d'objets communs ainsi qu'à des projets bi ou multilatéraux dans le cadre de la construction de l'Espace européen de la recherche.
Outre un financement incitatif, LEFE décerne un label et assure ainsi une fonction triple :
- il évalue des projets scientifiques complets basés sur des budgets consolidés ;
- il attribue des moyens spécifiques dans le cadre d'une gestion pluriannuelle, une recherche nécessitant plusieurs années pouvant solliciter un financement jusqu'à 3 ans renouvelables ;
- il décerne des labels spécifiques pris en compte par d'autres opérateurs ou agences de moyens.
Grâce à la qualité de la procédure de labellisation, LEFE favorise l'accès des projets à un ensemble de soutiens complémentaires : autres appels d'offres coordonnés par l'INSU-CNRS ou par d'autres agences de moyens ou organismes, nationaux ou régionaux. Pour ce faire, LEFE procède par appel d'offres annuel.
Pour le financement de gros projets fédérateurs(2), en lien avec l'ANR(3) et d'autres organismes de recherche, LEFE joue un rôle primordial de structuration des communautés scientifiques et permet une plus grande synergie entre les organismes financeurs. En outre, il innove en s'ouvrant résolument à nos partenaires européens par la mise en place progressive d'appels d'offre thématiques conjoints, comme avec l'Agence nationale allemande pour la recherche (DFG) pour l'émergence d'équipes franco-allemandes en chimie atmosphérique.
Les financements incitatifs attribués par LEFE sont d'environ 2 M€ par an pour typiquement 60 projets et un coût consolidé de 30 M€(4), ce qui souligne l'effet de levier important de ce programme national.
Ses priorités scientifiques
Au cours des dernières années, les interrogations concernant le devenir de notre environnement ont conduit le citoyen et ses relais politiques à interroger la communauté scientifique sur le niveau de variabilité naturelle du climat, sur les risques naturels et sur les impacts actuels et futurs des perturbations induites par les activités humaines : évaluation de l'intensité du réchauffement climatique, de la réduction des glaces et de l'augmentation du niveau de la mer, prévision des pics estivaux de pollution atmosphérique dans et autour des grandes agglomérations, éventuelle recrudescence des événements extrêmes (canicule, sécheresse, tempête, etc), acidification des eaux...
Il est donc devenu essentiel de pouvoir diagnostiquer l'état des différents milieux (air, mer, eau douce, sol, biosphère) et les modifications qu'ils encourent sous l'effet des perturbations d'origine naturelle ou anthropique et de comprendre la nature irréversible ou non des altérations qu'ils subissent.
Afin de proposer des réponses à ces très fortes demandes sociétales, et plus particulièrement à celles concernant les impacts des activités humaines sur le changement climatique, la biodiversité, la composition chimique de l'atmosphère, la pollution, les ressources halieutiques, la gestion durable..., le programme LEFE est chargé de susciter et d'accompagner des recherches portant sur le fonctionnement de l'atmosphère et de l'océan, leur couplage et leurs interactions avec les autres composantes du système climatique (cryosphère(5), biosphère, hydrosphère(6)), d'un point de vue dynamique, physique, chimique, biologique et biogéochimique. Ces recherches sont susceptibles d'améliorer la compréhension des réponses de ce système aux forçages anthropiques, de les détecter et d'en prévoir l'évolution.
LEFE est constitué de cinq actions complémentaires(7), lesquelles s'inscrivent dans la dynamique des grands programmes internationaux sur les changements environnementaux planétaires de l'ICSU (Conseil international pour la science) et de l'UNEP (Programme environnement des Nations-Unies) :
• Assimilation de données (ASSIM)
• Chimie atmosphérique (CHAT)
• Cycles biogéochimiques, environnement et ressources (CYBER)
• Évolution et variabilité du climat à l'échelle globale (EVE)
• Interactions et dynamique de l'atmosphère et de l'océan (IDAO)
- Assimilation de données (ASSIM)
L'assimilation de données recouvre toutes les méthodes, qu'elles soient théoriques, mathématiques ou numériques, permettant d'utiliser toutes les informations disponibles sur un système pour reconstruire aussi précisément que possible l'état de ce système dans toute sa dimension spatio-temporelle. Il s'agit d'un concept en émergence rapide dans de nombreux domaines scientifiques, et en premier lieu en sciences de l'atmosphère et de l'océan.
Confrontée à la nécessité de définir des conditions initiales aussi précises que possible aux prévisions météorologiques numériques, la météorologie a été un précurseur dans ce domaine, par la mise en oeuvre pour ses applications propres d'outils d'assimilation de grands réseaux d'observation. L'océanographie a pris le relais depuis une quinzaine d'années, mais d'autres disciplines commencent à se saisir de ces outils avec des problématiques originales allant du minéral au vivant.
La communauté scientifique française possède dans ce domaine une compétence reconnue et recherchée qui constitue un avantage pour valoriser les données, développer les approches opérationnelles et fournir les outils nécessaires au travail scientifique.
Les deux priorités d'ASSIM sont de maintenir au plus haut niveau la recherche fondamentale en assimilation de données, en favorisant les recherches innovantes en lien avec la communauté des mathématiciens, et d'essaimer au-delà de ses sphères habituelles d'influence (météorologie, océanographie hauturière) vers d'autres disciplines proches (chimie atmosphérique, océanographie côtière, hydrologie, glaciologie...) ou plus lointaines (végétation, géophysique interne, sciences humaines et sociales...).
- Chimie atmosphérique (CHAT)
Changement climatique et qualité de l'air sont deux facettes d'une même problématique liée à l'utilisation des ressources, notamment énergétiques, et aux émissions de polluants qui en découle. Il est désormais établi que les activités humaines ont altéré la composition chimique de l'atmosphère au cours du siècle écoulé, en augmentant la teneur en gaz à effet de serre, mais également en polluants, qui ont des impacts environnementaux, sanitaires et économiques, en gaz à courte durée de vie comme l'ozone qui contribue à l'effet de serre, et en particules qui ont un effet sur le climat terrestre.
Les produits d'émission liés aux activités humaines contiennent généralement à la fois des gaz à effet de serre, comme le CO2, mais aussi des substances beaucoup plus réactives qui vont évoluer au cours de leur séjour dans l'atmosphère pour former de nouvelles substances dont les effets sur la santé, les écosystèmes ou le climat sont parfois plus importants que ceux des polluants émis à l'origine. Si le cycle des espèces réactives en phase gazeuse est maintenant relativement compris, ce n'est pas le cas des espèces réactives particulaires. Or, qu'elles soient émises directement ou formées par réaction de composés gazeux dans l'atmosphère, les particules ont un impact avéré sur la santé (affections respiratoires, cancer) et sur le climat (absorption et diffusion de la lumière solaire, rôle critique dans la formation des nuages).
C'est pourquoi CHAT soutient des recherches visant à mieux comprendre et prédire les émissions de polluants, leur transformation, leur dispersion dans l'atmosphère et leur dépôt, et à estimer les évolutions à long terme des teneurs et des impacts des composés à effet de serre, l'objectif final étant d'appréhender dans toutes leurs dimensions les conséquences sur notre environnement des modifications de la composition atmosphérique.
- Cycles biogéochimiques, environnement et ressources (CYBER)
Les modifications des forçages physiques (e.g. température, lumière, dynamique océanique, érosion) ou chimiques (e.g. CO2, pH) résultant des changements environnementaux planétaires sont susceptibles de modifier la biodiversité marine, les écosystèmes marins, ainsi que le niveau des ressources exploitables, les cycles biogéochimiques et finalement les flux d'éléments aux interfaces avec les autres réservoirs (atmosphère, terre), toutes perturbations qui peuvent en retour rétroagir sur le climat en modifiant notamment la concentration atmosphérique de certains gaz impliqués dans son évolution. Malgré les avancées des connaissances obtenues ces dernières années, les mécanismes par lesquels la variabilité du climat affecte les écosystèmes restent encore assez mal quantifiés et intégrés, ce qui restreint notre capacité à prédire d'une part, les changements futurs des cycles biogéochimiques ainsi que leurs rétroactions éventuelles, et d'autre part, la modification des écosystèmes marins et des ressources associées.
A travers son action, CYBER vise donc à mieux comprendre, quantifier et modéliser les interactions (impact et rétroaction) entre climat, cycles biogéochimiques et écosystèmes marins. Pour cela, il favorise le développement de recherches pluridisciplinaires fortement ancrées dans le contexte programmatique international. Deux grands axes sont privilégiés :
- des études à caractère générique, se focalisant sur des processus ou des variables clés et portant sur la structure des écosystèmes, la diversité fonctionnelle et les cycles biogéochimiques ;
- des études de processus, ciblées sur deux interfaces majeures de l'océan : les marges continentales et l'interface avec l'atmosphère.
- Évolution et variabilité du climat à l'échelle globale (EVE)
Dans le contexte actuel de changement climatique, de nombreuses questions se posent. Comment notre système climatique va-t-il réagir au développement des diverses activités anthropiques et quels changements en résulteront ? Quels sont les mécanismes internes et les principaux modes de variabilité du système climatique ? Quels sont les risques d'instabilité dans les prochaines décennies ? Y a-t-il un risque d'évolution irréversible du climat ?
Le programme EVE a pour ambition de soutenir les recherches sur le changement climatique, à toutes les échelles de temps et selon une approche aussi bien régionale que globale, que ce soit par la collecte de données et/ou la modélisation. L'objectif est d'améliorer la compréhension du système climatique, de ses variations passées et du rôle des activités humaines dans ses variations récentes et ses évolutions futures. Dans ce contexte, les investigations du passé, à des échelles de temps allant du siècle au dernier million d'années, sont importantes car l'étude des variations séculaires à millénaires apporte beaucoup à la compréhension du système climatique : elle aide à mieux comprendre les mécanismes, à mieux caractériser et estimer la sensibilité climatique en réponse à différents forçages.
Il s'agit aussi pour EVE de soutenir la forte coordination de la communauté des modélisateurs afin qu'elle puisse maintenir son implication dans les travaux du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC).EVE porte sur les thèmes suivants : les développements méthodologiques (recherche des meilleurs indicateurs des changements climatiques, par exemple), la détection/attribution des forçages, la comparaison des simulations des projections futures avec celles des variations "naturelles" passées, l'identification d'effets de seuil et d'instabilités éventuelles, la régionalisation des changements globaux ainsi que les échelles spatiales et temporelles des mécanismes et des impacts.
- Interactions et dynamique de l'atmosphère et de l'océan (IDAO)
La réduction des incertitudes climatiques au sein de la modélisation du Système Terre est l'objectif d'un grand nombre de météorologues, océanographes et glaciologues. Mais le réalisme de plus en plus exigeant des modèles, nécessaire à la prévision de l'atmosphère et de l'océan pour des échelles de temps allant de l'heure à la centaine d'années, de l'échelle locale à l'échelle globale, demande une compréhension sans cesse améliorée des processus, de leurs interactions et de leur représentation dans les modèles.
IDAO vise ainsi à une meilleure compréhension de la dynamique des enveloppes fluides de la planète et de leurs interactions, des échelles locales à globales pour des périodes diurnes à décennales. Il encourage ainsi les travaux portant sur :
- les processus météorologiques aux différentes latitudes et leurs interactions avec les surfaces sous-jacentes ;
- les mécanismes conditionnant la circulation océanique et les transports associés de matière et d'énergie ;
- les processus concernant la cryosphère (calottes, banquises, glaciers) ;
- la variabilité du système couplé océan-atmosphère-continents-glace, des périodes intra-saisonnières à décennales ;
- les échanges aux interfaces entre milieux (atmosphère, hydrosphère, lithosphère, cryosphère) et aux barrières en terme de structure, de flux... ;
- les interactions entre échelles spatiales et temporelles (de la turbulence à la variabilité pluriannuelle) et entre processus (dynamique et chimie atmosphérique, perturbations météorologiques et hydrologie, biogéochimie et circulation océanique...).
Note(s)
- Les organismes représentés dans le CIO de LEFE sont : INSU-CNRS (présidence), ADEME, ARKEMAGROUP, BRGM, CEA, CEMAGREF, CNES, CNRS (INEE, INP, INC, INSMI et INST2I), IFREMER, IGN, INRA, INRIA, IPEV, IRD, MEDAD/D4E, Météo-France, SHOM, TOTAL
- On peut citer Bonus-Goodhope, Epigram ou Malina pour les recherches sur l'océan, ou Polarcat et Mégapoli pour les recherches sur l'atmosphère.
- Agence nationale de la recherche
- Qui inclue les infrastructures lourdes (navires, avions, temps calcul, hors moyens satellitaires) et les ressources humaines permanentes ou temporaires (chercheurs, ingénieurs, techniciens, doctorants, post-doctorants...)
- Désigne les zones de la surface de la Terre où l'eau est présente à l'état solide. Elle inclut notamment les banquises, les lacs et rivières gelés, les régions couvertes de neige, les glaciers, les inlandsis et les sols gelés, de façon temporaire ou permanente.
- Partie de la planète occupée par l'eau liquide (océans, mers, lacs, fleuves, nappes phréatiques).
- Ces actions reflètent les priorités définies par la communauté océan-atmosphère lors de son dernier colloque de prospective (Lille, 2005).
Études physiques intégrées en Gascogne et région Atlantique - Manche (EPIGRAM)
Au niveau du golfe de Gascogne et de la Manche, les régions côtières françaises sont d'une remarquable richesse environnementale et offrent en outre l'opportunité d'utiliser la mer comme source d'énergie renouvelable (énergie de la marée, des vagues, des courants...). Mais elles sont aussi le siège d'intenses activités économiques, touristiques, scientifiques et militaires susceptibles de provoquer des accidents (pollutions, marées noires...). Elles pourraient donc tirer un grand bénéfice d'une surveillance et d'une prévision accrues de l'environnement océanique.
Déjà plusieurs projets portés par divers organismes sont en cours : ils devraient permettre à terme la mise en place et l'exploitation dans ces régions d'outils opérationnels d'informations environnementales maritimes. Ces derniers outils offriront une meilleure évaluation de l'état de l'océan et de son évolution (système d'analyse et de prévision temps réel) et délivreront des produits mieux adaptés aux besoins.
EPIGRAM a pour ambition de soutenir les fondements et l'évolution de ces systèmes d'information côtiers, en mettant en place les études scientifiques nécessaires à l'évaluation et à l'amélioration des outils qu'ils utilisent et en construisant des liens entre la communauté scientifique et les centres opérationnels pour favoriser et accélérer les transferts de la recherche vers les développements et les applications.
L'objectif scientifique principal d'EPIGRAM sera d'améliorer la compréhension et la modélisation des processus hydrodynamiques et de leur variabilité sur le rebord du talus et le plateau continental du Golfe de Gascogne et de la Manche, pour des échelles allant de l'heure au mois et de la centaine de mètres à quelques dizaines de kilomètres, via l'exploitation des jeux de données existants et la réalisation de nouvelles campagnes ciblées. Cette approche permettra notamment de préciser quelles configurations de réseaux d'observation contribueront le plus efficacement à la prévision de la variabilité en milieu côtier.
Le cycle de l'eau dans les régions tropicales (MEGHA-TROPIQUES)
Dans les régions intertropicales, la Terre reçoit en moyenne plus d'énergie du Soleil qu'elle n'en renvoie vers l'espace et cet excès d'énergie est transporté par l'atmosphère et l'océan vers les régions tempérées. Toute modification du bilan d'énergie dans ces régions a donc des répercussions climatiques sur l'ensemble de la planète. En outre, les échanges énergétiques sont liés au cycle de l'eau, lequel est particulièrement intense dans les grands systèmes nuageux tropicaux. Ainsi, ce sont les processus d'interaction entre rayonnement solaire, cycle de l'eau et dynamique qui déterminent in fine le cycle de vie des amas nuageux convectifs tropicaux et donc l'occurrence d'évènements exceptionnels (e.g. cyclones tropicaux), le déroulement des moussons, les inondations et sécheresses, l'alimentation en eau...
Malgré le développement des recherches sur la compréhension de ces interactions et la prévision de ces phénomènes, le cycle de l'eau aux différentes échelles spatio-temporelles est encore à la fois mal connu et mal représenté par les modèles climatiques et météorologiques dans ces régions, ce qui limite la fiabilité des prévisions. Une raison à cela : les moyens d'observation spatiaux actuels sont peu adaptés à l'étude des systèmes tropicaux.
Afin d'améliorer les connaissances sur la contribution du cycle de l'eau à la dynamique du climat dans l'atmosphère tropicale et sur les processus liés à la convection tropicale, un nouveau satellite, appelé Megha-Tropiques, devrait être lancé fin 2009. Issu d'une collaboration franco-indienne, ce microsatellite (« Megha » signifie nuages en sanskrit) est conçu pour l'observation fréquente et simultanée de la vapeur d'eau, des nuages, des précipitations et du rayonnement solaire. Il embarquera à son bord trois instruments de mesure et d'imagerie d'une précision inédite, et son orbite originale, à 870 km d'altitude et inclinée à 20° sur l'équateur, permettra d'obtenir jusqu'à 6 observations journalières de chaque point dans la zone intertropicale. Les données qu'il transmettra durant ses 3 années de vie permettront aux scientifiques de mieux représenter le cycle de l'eau, de quantifier plus précisément le rôle de l'eau dans l'effet de serre et de mieux comprendre les causes, voire d'améliorer la prévision, des catastrophes naturelles liées à l'eau, faisant de ce satellite un instrument unique pour la recherche scientifique et l'aide au développement économique des pays tropicaux, en particulier dans les domaines critiques de l'agriculture et de la gestion de l'eau.
Afin de coordonner l'exploitation future des observations de la mission spatiale Megha-Tropiques, le programme LEFE soutient une action de structuration de la communauté française sur cet objectif, équivalent en ressources humaines à plus de 120 personnes.an.
Megacities: emissions, urban, regional and global atmospheric pollution and climate effects, and integrated tools for assessment and mitigation (MEGAPOLI)
Les populations humaines n'ont cessé de se concentrer dans des grands centres urbanisés, notamment à partir du XXe siècle. Aujourd'hui, la population mondiale vivant en milieu urbain et péri-urbain excède la population rurale, notamment en raison d'un fort développement des mégacités (population supérieure à 10 millions d'habitants), dont six se situent en Europe. Dans ces régions lourdement urbanisées, l'intensité accrue des émissions de polluants pose un problème crucial pour la qualité de l'air et la santé publique. De plus, elle affecte la composition régionale en gaz et aérosols de la troposphère , impactant le climat sur de grandes échelles. En retour, l'évolution des mégacités est intimement liée au problème du changement global, dans la mesure où l'évolution du climat influe progressivement, dans les différentes zones du globe, sur la structuration des territoires et des infrastructures urbaines.
Ces interactions d'échelles sont encore mal comprises, notamment pour les grandes agglomérations situées en dehors de l'Europe et des États-Unis où la compréhension et la quantification de la pollution atmosphérique restent souvent très lacunaires. En outre, certains processus chimique « clés » de transformation des polluants atmosphériques, notamment les processus de formation des aérosols organiques, ne sont pas suffisamment bien connus pour permettre une modélisation quantitative, ce qui empêche une évaluation complète de l'impact des différentes sources de pollution sur la qualité de l'air et la santé.MEGAPOLI vise à donner une description complète, cohérente et plus quantitative de l'impact des mégacités sur la qualité de l'air et la composition chimique de la troposphère, à quantifier des rétroactions entre la composition chimique de l'atmosphère à l'échelle régionale et le changement climatique aux échelles locale à globale. Ce projet permettra également de développer des outils de modélisation intégrés pour la prédiction de la qualité de l'air et l'aide à l'élaboration de stratégies de réduction des émissions.
Les équipes françaises de ce projet s'attacheront plus spécifiquement à améliorer l'évaluation, au sein de l'agglomération parisienne, des sources d'aérosols et de leur évolution dans le panache de pollution ainsi qu'à modéliser l'impact des émissions des mégacités sur la qualité de l'air et les processus de transformation des polluants dans les panaches (pour plusieurs mégacités situées dans le monde entier).
An international study of the marine biogeochemical cycles of trace elements and their isotopes (GEOTRACES)
Les métaux traces jouent un rôle fondamental dans l'océan, de la surface au sédiment, comme source de micronutriments ; ils sont ainsi soupçonnés de réguler fortement le cycle des planctons et la structure même des écosystèmes marins. De plus, les compositions isotopiques de ces métaux peuvent servir de traceurs des processus actuels et passés dont l'océan est le siège. Ainsi, la compréhension de leur cycle biogéochimique (métaux et isotopes) est essentielle pour des recherches relatives au fonctionnement des écosystèmes océaniques, au devenir des rejets continentaux, au cycle du carbone, à la dynamique des océans et in fine du climat.
Le programme international GEOTRACES étudie les cycles biogéochimiques marins globaux des principaux métaux traces et de leurs isotopes. Il s'agit d'identifier les processus et d'estimer les flux qui régissent leurs distributions dans l'océan et d'établir la sensibilité de ces distributions aux modifications des conditions environnementales. Ces travaux permettront d'améliorer la compréhension de l'océan actuel (sources, puits, transports d'éléments, circulation), notamment de mieux appréhender le transport et le devenir des contaminants dans l'océan. De plus, ils encouragent l'exploitation de ces métaux traces comme indicateur de la circulation océanique et des processus géochimiques dans l'océan du passé grâce à leur préservation dans les sédiments.
Ce projet d'envergure demande un effort international important et coordonné, en particulier pour conduire les campagnes en mer destinées aux mesures de ces métaux traces. Plusieurs campagnes dans l'Atlantique Nord, l'océan Indien et en Méditerranée sont prévues au cours des 10-15 années du déroulement du projet. À ces observations sur le terrain, seront naturellement combinées des expériences de laboratoire et des travaux de modélisation. La première phase de GEOTRACES consiste en une campagne d'intercalibration, soutenue par LEFE, afin que les données issues des échantillonnages réalisés par les futures campagnes en mer des différents pays participants soient comparables et cohérentes entre elles. Au-delà de ces objectifs scientifiques, ce projet permettra de poursuivre la structuration d'une communauté scientifique autour de l'océan qui pourra ensuite exploiter ses connaissances dans le cadre de recherches interdisciplinaires.
La photochimie n'est pas en soi une science nouvelle. Elle est bien connue, notamment dans l'eau où elle agit classiquement soit de manière directe par photolyse(1), soit de manière indirecte via des processus photoinduits(2). Dans l'atmosphère en revanche, où la radiation solaire est la force motrice de presque toutes les transformations chimiques s'y produisant, seule la photolyse est bien connue. Dès lors, une question se pose : existe-t-il dans la très basse atmosphère (troposphère) des processus photoinduits qui pourraient en affecter la composition ?
Ce questionnement trouve son origine dans deux observations récentes. D'une part, les aérosols, c'est-à-dire les particules atmosphériques, ont des propriétés optiques marquées : ils absorbent la lumière. Ils pourraient donc donner lieu à des réactions photoinduites. D'autre part, des espèces ressemblant fort à des acides humiques - ce sont les acides présents dans la couche supérieure du sol (humus) - ont été détectées dans les aérosols. Or, dans certains milieux comme les eaux de surface, certains composés, dont les acides humiques, initient des réactions photoinduites. En outre, au cours de ces réactions photoinduites, les transformations ont lieu à des longueurs d'onde bien plus élevées que celles observées lors d'une photolyse. Ainsi, l'existence de réactions photoinduites dans l'atmosphère pourrait permettre l'existence de processus photochimique dans le visible, ce qui n'a pas encore été observé à ce jour.
Pour répondre à cette question, les chercheurs se sont intéressés aux aérosols organiques qui sont la fraction dominante de la matière particulaire suspendue dans la troposphère. La composition chimique de ces aérosols, qui reflète leur origine et leurs interactions physicochimiques avec la phase gazeuse avoisinante, est très complexe : elle contient de nombreuses familles de composés organiques dont les espèces aromatiques(3). L'objectif a été de reproduire en laboratoire la photochimie de surface de ces aérosols. Pour cela, les chercheurs ont synthétisé des surfaces contenant des espèces modèles de ce type de particules, en particulier la benzophénone (BP) (composé aromatique produit par exemple lors de feux de biomasse mais également présent dans l'air intérieur), ainsi que d'autres espèces telles que du phénol et du catéchol, à savoir des alcools aromatiques.
Par la suite, ces surfaces synthétiques ont été exposées à des oxydants atmosphériques (en particulier à l'ozone), en présence ou non de lumière simulant le rayonnement solaire. Si aucune réaction notable n'est observée dans l'obscurité, en présence de lumière, notamment dans le visible, l'ozone se met à réagir très rapidement avec les surfaces, aboutissant à des changements notables de leurs propriétés.
En particulier, suite à cette exposition combinée lumière/ozone, on observe que l'angle de contact d'une goutte d'eau déposée sur ces surfaces est plus important qu'avant exposition. Ce constat signifie qu'après exposition à l'ozone et à la lumière, c'est-à-dire après un "vieillissement" simulé, les surfaces sont devenues plus hydrophobes. Ce résultat est tout à fait étonnant car l'oxydation de ces surfaces devrait favoriser leur "mouillabilité"(4), à savoir leur caractère hydrophile. L'affinité avec l'eau des aérosols organiques peut donc diminuer lors de leur séjour dans l'atmosphère. Sachant que les aérosols peuvent être à l'origine de la formation des nuages, ce phénomène pourrait retarder leur formation avec un impact potentiel conséquent sur le changement climatique ! Mais il ne s'agit pas là des seuls changements observés. En effet, les surfaces se colorent au fil du temps, illustrant que les propriétés optiques du substrat changent au fur et à mesure de son vieillissement. Cette coloration progressive traduit la formation graduelle de produits absorbant de plus en plus la lumière, et ce à toutes les longueurs d'onde solaires. Le vieillissement de ces surfaces a donc également pour effet d'accroître leur pouvoir absorbant. Dans l'atmosphère, ceci peut se traduire par des aérosols absorbant de manière accrue le rayonnement solaire, ce qui n'est pas sans effet sur le réchauffement climatique.Finalement, pourquoi observe-t-on tous ces changements ? Une piste possible peut être simplement la formation de produits de nature chimique complexe, pouvant absorber la lumière dans le visible et ayant peu d'affinité avec l'eau. Or, c'est bien ce que nous observons par spectrométrie de masse, laquelle met en évidence la formation d'espèces à haut poids moléculaire.
Ainsi, bien que l'atmosphère soit un milieu oxydant, qui dégrade la plupart des polluants et possède donc un caractère "auto-épurant", l'existence de réactions photoinduites est réelle et introduit par son caractère spécifique la possibilité de nouveaux chemins réactionnels allant quelque peu à l'encontre de nos connaissances actuelles. Tout cela souligne que de réels progrès fondamentaux doivent encore être faits avant de pouvoir simuler pleinement et avec précision l'évolution de notre système atmosphérique et que des programmes tel que LEFE soutenant des études fondamentales en laboratoire sont essentiels.
Au-delà des implications scientifiques importantes de cette découverte, des applications pour accélérer le nettoyage de l'atmosphère à l'aide de surfaces exposées au soleil peuvent être envisagées, de tels processus pouvant également se produire à la surface du bâti en milieu urbain.
Note(s)
- Une photolyse est un processus au cours duquel la lumière agit en rompant des liaisons chimiques avec formation de radicaux (composés chimiques très réactifs) qui vont à leur tour initier de nouvelles réactions.
- Un processus photoinduit est un processus induit par la lumière, au cours duquel de l'énergie ou des électrons sont transférés selon des processus complexes qui s'enchaînent.
- Ce sont des molécules comportant un système "conjugué" cyclique, ce qui leur confère des propriétés particulières, notamment une stabilité plus grande.
- Oxyder ces surfaces revient en effet à leur rajouter de l'oxygène lequel a une grande affinité avec l'eau, d'où une augmentation attendue de la mouillabilité.
L'océan, une pompe à CO2
L'assimilation du CO2 atmosphérique par l'océan est réalisée en partie via un processus appelé pompe biologique. Les organismes photosynthétiques présents dans la couche éclairée de l'océan transforme le CO2 en carbone organique particulaire dont une petite portion est transporté vers les couches profondes de l'océan et les sédiments (exportation). La pompe biologique ne fonctionne pas à pleine efficacité dans de vastes régions de l'océan (zones HNLC). C'est le cas dans l'océan Austral.
Au début des années 90, l'hypothèse a été avancée qu'une carence en fer du phytoplancton était la cause de cette inefficacité. Des expériences de fertilisation artificielles de l'océan menées sur de petites échelles (100 km2) ont démontré que l'ajout de fer augmentait l'activité biologique dans la couche de surface. Toutefois, elles n'ont pas mis clairement en évidence que l'exportation de carbone, et donc la pompe biologique, augmentait. Ces résultats n'étayent donc pas les arguments des partisans de la fertilisation artificielle à grande échelle comme moyen de lutte contre le réchauffement climatique(1).
KEOPS : un projet français pour mieux comprendre le rôle du fer dans l'océan
Un ajout de fer, réalisé dans des conditions naturelles, permet-il d'augmenter l'efficacité de la pompe biologique de CO2 dans l'océan Austral ? Telle était la question majeure posée par le projet KEOPS dont les résultats ont été dépouillés entre 2007 et 2008. Son approche diffère de celle des fertilisations artificielles(2) : les chercheurs se sont intéressés à un site où la pompe biologique semblait naturellement active, malgré un environnement HNLC. Il s'agissait du plateau de Kerguelen où un large développement planctonique (floraison) est observé annuellement, contrastant avec les eaux pauvres environnantes.
KEOPS poursuivait deux objectifs principaux, à savoir :
- démontrer que cette augmentation de l'activité biologique était due à une fertilisation naturelle en fer des eaux de surface ;
- étudier l'impact de cette fertilisation sur l'écosystème et les conséquences sur les cycles biogéochimiques, en particulier celui du carbone, en comparant la zone fertilisée et la zone non fertilisée(3) (zone HNLC).
Principaux résultats obtenus
Les distributions verticales des concentrations en fer dissous ont clairement fait apparaître une source de fer au-dessus du plateau. Toutefois cette source ce trouve en profondeur. Divers mécanismes physiques permettant d'alimenter constamment en fer le phytoplancton en surface ont été identifiés. Ceci confirme la fertilisation naturelle des eaux de surface du plateau de Kerguelen. L'utilisation de traceurs géochimiques a permis de mettre en évidence un transport probable depuis les zones moins profondes situées à proximité des îles (notamment l'île de Heard). Autre résultat essentiel, la région de la floraison est un large puits de CO2, la majorité du carbone étant fixé par des microalgues unicellulaires, les diatomées, formant de longues chaînes. Eucampia antarctica figure parmi les espèces dominantes, dans les eaux de surface mais aussi sur le sédiment superficiel, indiquant que cette espèce participe certainement à l'exportation de carbone.Pour estimer l'export de carbone, différentes approches ont été réalisées. Sur la base de ces mesures, il a été possible de montrer que la fertilisation induisait effectivement une augmentation de l'export de carbone. Et conclusion des chercheurs : la fertilisation naturelle en fer de l'océan Austral est 10 à 100 fois plus efficace que la fertilisation artificielle. Les résultats de KEOPS sont particulièrement pertinents dans le contexte paléoclimatologique : une augmentation des apports en fer par la remontée d'eau antarctique(4) (upwelling) aurait pu fertiliser cet océan pendant les périodes glaciaires contribuant à réduire le CO2 atmosphérique. En revanche, les résultats de KEOPS ne peuvent servir d'arguments pour soutenir les procédés de géo-ingénierie climatiques visant à réduire le CO2 atmosphérique par fertilisation de l'océan.
En outre, KEOPS a mis en évidence d'importantes caractéristiques de la floraison résultant de la fertilisation, comme :
- une production modeste de DMS (gaz d'importance climatique), contrairement à ce qui avait été observé dans les fertilisations artificielles ;
- l'observation d'une communauté bactérienne très active en parallèle de la chaîne diatomées-copépodes(5) impliquant des conséquences importantes pour la reminéralisation du carbone.
KEOPS a également permis de démontrer que le concept de "laboratoire naturel" pouvait être une stratégie productive pour étudier la fertilisation dans l'océan Austral.
Perspectives à venir
Toutefois KEOPS a également fait surgir de nouvelles interrogations. Certes, la fertilisation naturelle a été démontrée, mais les divers mécanismes impliqués dans ce processus restent à découvrir. En particulier, quelles formes naturelles de fer sont bio disponibles et pour quel(s) organisme(s) ? Autre question restée sans réponse, malgré la fertilisation : pourquoi tous les nutriments ne sont-ils pas consommés ?
De plus, une étude similaire à KEOPS, dénommée CROZEX, menée au voisinage des îles Crozet, a donné des résultats très différents pour certains de ceux de KEOPS, notamment en terme d'efficacité du stockage du carbone suite à une fertilisation naturelle.
Le laboratoire naturel de Kerguelen offre un site unique pour répondre à ces questions et lever les différents entre KEOPS et CROZEX. Une campagne KEOPS2 est à l'étude pour conduire de nouvelles investigations dans la région, à l'horizon fin 2011.
Note(s)
- Très récemment, en mars 2009, le débat entre partisans et opposants de cette approche de geo-ingénierie a culminé à l'occasion de l'expérience scientifique germano-indienne de fertilisation artificielle dans l'océan Austral.
- Sont alors étudiées les zones où la pompe biologique n'est pas pleinement active.
- Elle n'est plus HNLC, car elle comporte des concentrations en chlorophylle élevées.
- Ce phénomène océanographique se produit lorsque de forts vents marins poussent l'eau de surface, en résulte une remontée eau froide et riche en sels nutritifs.
- Petits crustacés
Contact :
- Stéphane Blain, LOMIC/OOB stephane.blain@obs-banyuls.fr, 04 68 88 73 44
Les récents travaux du GIEC ont mis en évidence que le climat des prochains siècles serait fortement perturbé dans les régions tropicales et subtropicales. Outre le réchauffement prévu, ils ont montré que le régime des précipitations allait être modifié avec une intensification dans les tropiques et un assèchement dans les sub-tropiques. Leurs modèles ont aussi permis de simuler les changements climatiques à venir selon l'altitude des régions.
L'ensemble de ces résultats souligne que les ressources en eau en Amérique du Sud tropicale et subtropicale vont être particulièrement affectées au cours du prochain siècle. En particulier, les glaciers andins (15 % de la ressource en eau douce d'une ville comme La Paz en Bolivie, et jusqu'à 30 % en saison sèche) sont particulièrement menacés par un réchauffement accru et une baisse des dépôts neigeux.
Dans ce contexte, il est impératif de comprendre comment le changement climatique a déjà affecté ces régions. C'est pourquoi 15 équipes de recherche de laboratoires français et sud-américains se sont rassemblées au sein du projet Amancay.
Son objectif est d'étudier la variabilité climatique sur la période récente (les derniers siècles) à partir de l'analyse d'archives climatiques diverses (glace, lacs, moraines, coraux, pluies, débits) dans les différentes régions du nord du continent sud-américain : le Nordeste Brésilien, le sud-est du bassin amazonien au Brésil, les Andes et le bassin du Paraña-Plata en Argentine.
Collecter des archives et analyser leur composition chimique et géochimique ont été les premiers travaux menés par les chercheurs. L'interprétation de ces mesures a permis la reconstruction des variations temporelles des précipitations (et de la température dans certains cas) sur les derniers siècles. Sur cette plage de temps, deux périodes ont été particulièrement décortiquées : la "rupture" climatique de 1970 et le Petit Âge de Glace (PAG), période s'étalant du 14e au 18e siècle dans les régions concernées.
La "rupture" climatique de 1970
On sait à présent que les activités humaines pilotent le climat depuis les années 1970 (+0.6°C depuis lors). Tous les enregistrements obtenus en Amérique du Sud tropicale et subtropicale signalent une augmentation nette des précipitations à cette époque.
Dans le Nordeste et le bassin du Paraña-Plata, ce phénomène est visible à travers la reconstruction des niveaux lacustres.
Dans le sud-est du bassin amazonien, ce sont les débits annuels de l'Amazone qui présentent une intensification nette. Et dans les Andes, la composition isotopique des carottes de glace extraites des glaciers de hautes altitudes chute brutalement, signalant une augmentation du régime des précipitations sur l'ensemble du bassin amazonien et au-dessus de l'océan Atlantique tropical.
Cette augmentation a été particulièrement sévère dans le bassin du Paraña-Plata, occasionnant de terribles inondations et rayant de la carte certains villages. Si aujourd'hui un fort régime de pluie se maintient dans cette région, ce n'est pas le cas dans le sud-est du bassin amazonien, le Nordeste ou bien les Andes où les précipitations ont retrouvé des valeurs pré-1970 à partir des années 1995-2000.
C'est ainsi qu'a été soulevée une question concernant le caractère de "rupture" de 1970 : s'agit-il d'un changement de l'état moyen de notre climat ou bien l'extrême d'une variabilité décennale ? En filigrane, se trouve une question subsidiaire : voit-on ici les résultats simulés par les modèles climatiques, à savoir l'augmentation (la diminution) des précipitations subtropicales (tropicales) prévues pour le siècle à venir ?
Pour y répondre, un travail d'analyse des données météorologiques globales a été entrepris. Que se passe-t-il autour de 1970 dans le reste du monde ? L'origine du changement de 1970 est-elle locale ou globale ?
L'analyse des températures de surface dans les régions océaniques tropicales sur la période 1950-2005 montre la présence de cycles décennaux bien marqués. Plus précisément, dans les bassins Indiens et Indo-Pacifique, se superpose aux régimes décennaux une variation marquée en 1970. Il apparaît donc clairement que l'origine de cette rupture en 1970 se trouve dans ces deux régions océaniques. Ce changement de variabilité (dont la cause reste à définir) conduit à une modification des circulations atmosphériques et une nouvelle influence de l'océan Indo-Pacifique favorable à l'augmentation des précipitations en Amérique du Sud tropicale et sub-tropicale, avec une dominante sur le bassin du Paraña-Plata. L'analyse des processus semble indiquer qu'en réponse à la modification océanique citée, le Low Level Jet (courant atmosphérique de basse altitude(1)) est renforcé, provoquant une intensification de l'apport air humide depuis les latitudes tropicales de l'Atlantique Sud vers le continent sud-américain, en particulier vers le sud-ouest de l'Amérique du Sud.
Le Petit Age de la Glace
Les archives lacustres du bassin du Paraña-Plata et l'étude des glaciers andins ont permis d'explorer le climat des derniers siècles et de mettre en évidence des variations significatives.
Dans les Andes tropicales, les études basées sur la datation des moraines(2) ont démontré l'existence, au cours du dernier millénaire, d'une phase d'extension glaciaire comparable à celle observée en Europe. Dans le détail, plusieurs avancées glaciaires, pas toujours synchrones, ont pu être mises en évidence.
La première est datée autour de 1300-1350. L'extension maximale enregistrée par la plupart des glaciers s'est produite autour de 1630-1680 au Pérou et en Bolivie, puis autour de 1730 en Équateur. Les causes de ce caractère asynchrone ne sont pas connues aujourd'hui. Cette extension prononcée s'explique par des conditions significativement plus humides (de +100 à +130 %) et plus froides (de -0,8 à -1,7°C) qu'aujourd'hui.
Aux 18e et 19e siècles, les glaciers ont ensuite reculé, excepté quelques avancées mineures. Le recul glaciaire sur la période 1650-1950 est équivalent au recul récent sur la période 1950-2000. Entre le maximum d'extension autour du 17e siècle et le 20e siècle, les glaciers ont perdu 30 % de leur longueur totale. En revanche, les bas niveaux lacustres enregistrés à ces périodes dans le bassin du Paraña-Plata mettent en évidence que la période du PAG s'inscrit dans une période de tendance sèche.
L'étude de cette période souligne donc que les régions tropicales et subtropicales de l'Amérique du Sud peuvent avoir des signatures différentes lors d'un même "contexte" climatique. Ce résultat illustre la cohérence des résultats des simulations pour le siècle à venir à savoir :
- le régime des précipitations ne répond pas forcément de la même manière à un forçage dans les régions tropicales (Nordeste, Amazonie, Andes) et subtropicales (bassin du Paraña-Plata) ;
- dans les régions de haute altitude, les modifications sont accentuées pour la température et la précipitation, et l'extension des glaciers est très affectée par ces changements qui sont pourtant bien inférieurs en valeur absolue à ceux simulés pour la fin du siècle à venir.
Perspectives
Première conclusion : le climat sud-américain a fortement varié dans le passé, conduisant à des modifications de précipitations et de température provoquant des changements particulièrement lourds de conséquences pour les populations (variations de la taille des glaciers, inondations, disponibilité de la ressource en eau).
Les mécanismes climatiques à l'origine de ces changements ont commencé à être décortiqués en étudiant et comparant les données locales et globales. Afin de mieux cerner les liens entre climat local et global, les résultats concernant la "rupture" autour de 1970 sont en cours de vérification via un ensemble de simulations numériques sur la période 1950-2005.
À l'issue de ce travail, la sensibilité de l'Amérique du Sud à des changements climatiques éloignés, dans les bassins océaniques Indien et Pacifique en particulier, sera ou non confirmé. Sa vulnérabilité dans le cadre du changement actuel sera alors mieux connue.
Note(s) :
- Ce courant apporte l'humidité depuis l'océan Atlantique vers le continent sud-américain.
- Accumulation de débris entraînés, puis abandonnés par les glaciers.
Les enjeux scientifiques
L'océan Indien est le siège de perturbations intrasaisonnières, saisonnières (e.g. la mousson asiatique) et interannuelles qui ont des répercussions importantes sur le climat des pays limitrophes comme sur le climat global. Toutefois, il s'agit d'une région peu observée par rapport aux océans Atlantique et Pacifique. Le laboratoire de météorologie dynamique (LMD/IPSL)(1) et le laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN/IPSL)(2) ont donc initié en 2005 un programme de recherche afin d'étudier le rôle des échanges air-mer sur la variabilité climatique de l'océan Indien. Ce programme concerne principalement trois phénomènes : les perturbations intrasaisonnières, le dipôle de l'océan Indien et les cyclones.
Les perturbations intrasaisonnières
De fortes perturbations intrasaisonnières sont fréquemment engendrées sur l'océan Indien. Elles figurent parmi les phénomènes les plus importants du climat tropical et ont des échelles de temps comprises entre 25 et 60 jours. Elles se caractérisent par de vastes perturbations (> 2000 km) des précipitations et du vent qui se propagent lentement (environ 20 km/heure). Surtout, elles ont un impact sur le déclenchement d'événements El Niño (comme celui, très fort, de 1997-98) et elles modulent l'intensité de la mousson asiatique. L'origine physique de ces perturbations reste cependant encore mal connue et leur représentation dans les modèles climatiques notamment n'est pas pleinement maîtrisée.
Le dipôle de l'océan Indien
Le dipôle de l'océan Indien est un mode de variabilité océanique interannuelle qui a été mis en évidence à la fin des années 1990. Il entraîne des variations de la distribution longitudinale de la température de surface de la mer près de l'équateur. Lié à El Niño, il provoque des anomalies de précipitation sur différentes régions comme l'Afrique de l'Est ou l'Australie. La nature, l'origine physique et l'impact climatique de ce dipôle sont aussi méconnus.
Les cyclones
L'océan Indien est également une région de cyclogenèse, principalement avant ou après la mousson d'été au nord de l'équateur et durant l'été Austral au sud. Ces cyclones peuvent être très destructeurs pour les pays limitrophes, comme le cyclone Nargis qui a frappé la Birmanie en mai 2008.
Associant campagnes de terrain (e.g. VASCO-CIRENE), observations spatiales et modélisations, ce programme a maintenant rejoint les programmes internationaux soutenus par CLIVAR, un programme international qui étudie la variabilité climatique naturelle et les changements dus à l'activité humaine.
Les enjeux sociétaux
La prévision des précipitations, de l'échelle synoptique (2-5 jours) à l'échelle saisonnière, est un enjeu primordial pour la gestion des ressources en nourriture et en eau des pays de la région. L'existence de perturbations intrasaisonnières possédant une structure spatiale bien reproductible permet d'envisager des prévisions à l'échelle étendue (15-30 jours) dans la région Indo-Pacifique.
Les interactions air-mer étant un moteur de l'activité convective, la connaissance de la structure thermique de l'océan en début de saison peut aussi donner des informations précieuses pour prévoir l'intensité de la mousson ou de la saison cyclonique. Pour cela, la maîtrise des processus physiques à l'oeuvre dans ces interactions est nécessaire. Cela est également vrai pour une bonne représentation de la mousson et de sa sensibilité aux changements climatiques globaux par les modèles de climat.
Les résultats
En se basant sur de nouvelles observations spatiales permettant de mesurer la température de surface de la mer même en présence de nuages, les chercheurs ont obtenu des résultats originaux sur les mécanismes physiques expliquant cette variabilité intrasaisonnière. Ils ont en particulier montré que la température de surface de la mer était fortement modulée à l'échelle intrasaisonnière (variations de plus de 3°C en quelques jours sur de larges régions), mettant ainsi en évidence le caractère couplé de ces perturbations. Ceci fournit une piste possible pour améliorer la simulation et la prévision de ces dernières dans les modèles couplés de climat et de prévision du temps. Cependant, des campagnes de mesure restent nécessaires pour déterminer la réelle origine physique des variations de la température de surface de la mer.
Menée début 2007 dans l'océan Indien, la campagne océanographique CIRENE a permis de mesurer à la fois la structure thermique de l'océan et sa variabilité, les perturbations atmosphériques associées ainsi que les flux à l'interface air-mer, grâce à un mât instrumenté installé sur le navire. Elle a également fourni des mesures fines de la structure des pellicules chaudes qui se développent pendant les phases de vent faible, donnant des variations diurnes de la température de surface de la mer pouvant atteindre 5°C. Elle a bénéficié de conditions climatiques exceptionnelles consécutives au fort événement dipôle de 2006 qui s'est traduit par des vents très faibles dans la région. Aucun fort événement intrasaisonnier n'a pu être observé pendant CIRENE. Toutefois, un mouillage ATLAS déployé pendant cette campagne permet désormais de suivre en continu ces perturbations. Cette bouée, qui est un élément du futur réseau RAMA, a déjà permis de montrer que les fortes anomalies de l'océan superficiel (anormalement chaud et peu salé) se sont poursuivies jusqu'au mois d'avril 2007. Elle a également signalé de fortes perturbations de température de surface liées au passage de deux perturbations intrasaisonnières pendant l'hiver 2007-2008.
L'expérience VASCO a, quant à elle, permis de tester un nouvel instrument : l'aéroclipper. Ces ballons sont naturellement attirés dans les convergences des vents de surface engendrées par les systèmes convectifs ou les cyclones. Ils permettent de faire des mesures des flux à l'interface air-mer. Une première scientifique a également été réalisée à cette occasion. Résistants aux conditions extrêmes, les aéroclippers ont traversé la zone du mur de l'oeil du cyclone avant de se retrouver piégés dans l'oeil. Ces instruments permettent ainsi un suivi en temps réel des conditions de surface, y compris de la pression qui est fortement liée à l'intensité du cyclone. Un constat qui ouvre des perspectives extrêmement intéressantes pour le suivi et la prévision des cyclones tropicaux sur l'ensemble des bassins cycloniques.
Prochainement...
Simuler et prédire les oscillations intrasaisonnières tropicales, tel est l'objectif scientifique pour les prochaines années. Pour cela, de nouvelles campagnes d'observation dans l'océan Indien s'avèrent essentielles afin de maîtriser les mécanismes des interactions air-mer et leur représentation dans les modèles de prévision du temps. Co-piloté par Jérôme Vialard et Jean-Philippe Duvel, et associé à un projet international d'observation de l'océan Indien, le projet TRIO prévoit de compléter les résultats obtenus lors de la campagne océanographique CIRENE.
Les couplages air-mer jouent également un grand rôle dans la prévision des cyclones tropicaux. Une nouvelle version de l'aéroclipper est actuellement à l'étude et pourrait être utilisée lors de la campagne en projet SWICE d'étude des cyclones tropicaux à l'ouest de l'océan Indien. Les chercheurs spécialisés dans l'étude des cyclones, ainsi que les centres de prévision, envisagent d'utiliser régulièrement des aéroclippers sur l'ensemble des bassins cycloniques.
Note(s)
- CNRS / Ecole Polytechnique / ENS Paris / UPMC
- CNRS / IRD / MNHN / UPMC