Une photo prise depuis la fenêtre de l’avion DC-8 de la NASA montre le rift traversant la plateforme de glace du glacier Pine Island le 26 octobre 2011 dans le cadre de l'opération IceBridge de la NASA.© NASA / Michael Studinger

Une nouvelle cartographie de l’Antarctique révèle des fonds marins encore jamais explorés

Résultat scientifique Océan Atmosphère

Sur les pourtours de la calotte antarctique, les glaciers s’écoulent vers l’océan pour former de longues plateformes de glace flottantes, qui régulent le flux de glace que la calotte déverse dans l’océan.

Les pertes de masse accrues de la calotte antarctique ont été attribuées à l’affaiblissement important de ces plateformes flottantes. Cet affaiblissement trouve son origine dans l’advection d’eaux chaudes et salines d’origine circumpolaire sur le plateau continental. Ces eaux sont ensuite canalisées sous les plateformes, où elles viennent grignoter la glace par en dessous. Bien que ce processus soit bien identifié, les chemins d’accès de ces eaux chaudes depuis la plaine abyssale jusqu’à la ligne d’échouage restent inconnus pour la plupart des glaciers autour de la calotte. Ceci constitue un frein majeur pour les modèles qui prédisent l’évolution future de la calotte antarctique : si nous n’avons pas les bonnes cartes des fonds marins, alors les modèles ne peuvent pas simuler correctement la circulation des eaux chaudes sous les plateformes, ni prédire leur fonte de manière appropriée.

Le manque de mesures précises sur la topographie des fonds marins n’est cependant pas fortuit. En effet, les campagnes de terrain dans cette région sont particulièrement complexes et coûteuses en raison de l’isolement de l’Antarctique, des conditions climatiques extrêmes, ainsi que de la présence d’icebergs et d’une banquise dense, qui limitent considérablement la mobilité des missions. De plus, la spécificité des plateformes de glace ajoute une difficulté supplémentaire : seuls des sous-marins autonomes (ou des mesures sismiques) sont capables d’y effectuer des relevés. Ainsi, ce n’est qu’au prix de missions onéreuses qu’il est possible de couvrir des portions infimes des fonds marins antarctiques, bien que certains véhicules ne refassent parfois jamais surface.

Une photo prise depuis la fenêtre de l’avion DC-8 de la NASA montre le rift traversant la plateforme de glace du glacier Pine Island le 26 octobre 2011 dans le cadre de l'opération IceBridge de la NASA.© NASA / Michael Studinger

Cependant, il existe une méthode indirecte pour mesurer la bathymétrie des fonds marins : l’utilisation de la gravimétrie aéroportée. Comme le signal gravimétrique est proportionnel aux masses se situant sous le gravimètre, il est possible d’inverser ce signal et, sous certaines hypothèses, de cartographier la bathymétrie. Cette approche utilisée par une équipe internationale incluant des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), bien que moins précise que les mesures directes par bateau, présente l’avantage de pouvoir être menée depuis un avion, permettant ainsi de couvrir des surfaces beaucoup plus vastes. 

Les chercheurs ont utilisé une archive unique de mesures gravimétriques, assemblées par des collaborateurs de la TU Dresden. Ces données regroupent une grande diversité de campagnes de terrain conduites en Antarctique depuis les années 1980, à la fois par avion, bateau, mais aussi à pied et depuis l’espace. Les scientifiques ont donc collecté une quantité impressionnante de données issues de mesures par sonar (bateaux), mais aussi de mesures CTD (Conductivity, Temperature, Depth) et même de sondes posées sur des phoques (voir MEOP).

Les résultats de cette étude permettent de révéler une nouvelle image des fonds marins antarctiques. Pour la plupart des régions encore inconnues, cette cartographie révèle des fonds marins avec des canyons profonds sous les plateformes, mais aussi sur le plateau continental, qui est la clé pour faire passer les eaux chaudes depuis la plaine abyssale jusqu’aux glaciers. Une comparaison de cette nouvelle carte avec des mesures de température de l’océan permet ainsi d’identifier les secteurs les plus vulnérables de la calotte, c’est-à-dire ceux qui sont directement exposés à des eaux chaudes, et ceux qui en sont protégés par des hauts fonds marins.

Les résultats de cette étude permettront de mieux simuler la circulation des eaux chaudes tout autour de l’Antarctique et, par conséquent, de mieux modéliser l’évolution de cette calotte polaire et son impact sur le niveau des mers. Ils ont également mis en évidence un manque critique de données, notamment en Antarctique de l’Est, une région extrêmement vulnérable avec un potentiel d’élévation du niveau des mers important.

Laboratoires impliqués

Laboratoire CNRS Terre & Univers : 

  • Institut des géosciences de l'environnement ( IGE - OSUG)

    Tutelles : CNRS / UGA / IRD / INRAE

C’est une collaboration entre des scientifiques de l’Université de Californie, Irvine (États-Unis), de l’Institut des Géosciences de l’Environnement (CNRS Terre & Univers, France) et de la TU Dresden (Allemagne).

Pour en savoir plus

Contact

Romain Millan
Chercheur CNRS à l’Institut des géosciences de l’environnement (IGE - OSUG)