Templex : une nouvelle mathématique pour comprendre le chaos
Le "templex" est un concept novateur qui émerge au sein d'une équipe de recherche comprenant des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré) dédiée à l'étude du climat et de ses impacts. Le principe repose sur des méthodes physico-mathématiques avancées pour comprendre, décrire et prédire les effets à haut risque des changements anthropiques. Dans le domaine des sciences du climat, il existe plus de vingt modèles qui sont utilisés pour les simulations et les projections futures. Bien qu'ils aient tous une formulation basée sur les équations qui gouvernent les fluides, ils diffèrent sur plusieurs aspects : la modélisation des aérosols, la dynamique glaciaire ou des océans, entre autres processus. On parle d'une Babel des modèles. Comment savoir quel modèle choisir ? Dans quelle mesure peut-on dire qu'un modèle est une bonne représentation des observations ? Le ‘templex’ est l’outil mathématique avec le potentiel pour apporter une réponse à ces questions.
Ces méthodes trouvent leur origine dans les contributions majeures d'Henri Poincaré, qui a été le premier à décrire les solutions des systèmes dynamiques par leurs propriétés topologiques1 . La topologie dans l’espace des phases, un espace mathématique dans lequel tous les états possibles d'un système sont représentés, permet de déterminer si deux solutions sont qualitativement identiques. Elle permet aussi de savoir si un modèle particulier en fournit une équivalente à celles associées à une série temporelle observée ou simulée numériquement.
Jusqu'au templex, la topologie caractérisait la solution d'un modèle ou d'un système non linéaire en s'appuyant sur la théorie des nœuds2 . Pendant plus de vingt ans, on a attendu de la théorie des homologies qu'elle offre une extension aux objets de dimension supérieure. La motivation derrière les homologies est l'observation que deux objets peuvent être distingués en examinant leurs trous. Mais les homologies ne donnent qu'une solution partielle au problème, car elles ne prennent pas en compte le flot sous-jacent.
Le templex remplace la théorie des nœuds par la topologie algébrique qu’il combine avec la théorie des graphes pour prendre en compte le flot. Il peut être vu comme une espèce de kirigami dynamique, un « dessin découpé » fait des morceaux qui se collent en tenant compte de la direction du flot. Sa découverte apporte un formalisme mathématique longtemps recherché pour décrire les dynamiques dont la dimension est supérieure à trois, comme c’est souvent le cas des phénomènes réels tels que les écoulements océaniques ou la circulation atmosphérique.
- 1Il a systématisé la topologie algébrique qu’il décrivait comme une géométrie purement qualitative. « Ses théorèmes resteraient vrais si les figures, au lieu d'être exactes, étaient grossièrement imitées par un enfant. » Poincaré, H. (1908). Science et Méthode. Bibliothèque de Philosophie Scientifique, Flammarion
- 2C’est-à-dire, des courbes présentant des liaisons avec elles-mêmes. L’étude des solutions idéalisés comme des « lacets » est limitée aux systèmes avec un espace de phases tridimensionnel puisqu’il n’est pas possible de faire un nœud dans un espace de dimension supérieure à trois.
Laboratoires CNRS impliqués
- Institut Franco-Argentin d'études sur le climat et ses impacts (IFAECI)
Tutelles : CNRS / IRD / CONICET / UNIVERSIDAD DE BUENOS AIRES
- Complexe de recherche interprofessionnel en aérothermochimie (CORIA)
Tutelles : CNRS / INSA Rouen / Univ Rouen Normandie
Pour en savoir plus
Charó, G. D., Letellier, C., & Sciamarella, D. (2022). Templex: A bridge between homologies and templates for chaotic attractors. Chaos: An Interdisciplinary Journal of Nonlinear Science, 32(8), 083108.
Ce travail est soutenu par l'action MANU (Méthodes Mathématiques et Numériques) du programme national français LEFE (Les enveloppes fluides et l'environnement) de l'Institut national des sciences de l'univers (INSU) du CNRS, et par le programme régional CLIMAT-AMSUD (21- CLIMAT-05), une initiative de la coopération française et de ses homologues en Amérique du Sud, avec l'implication du CNRS.