Séismes urbains : penser des villes plus résistantes ?
A l’échelle mondiale, les pertes associées aux séismes sont considérables. Alors que depuis le début du XXème siècle, ils ne représentent que 11% des catastrophes naturelles, les tremblements de terre totalisent à eux seuls 25% des pertes économiques. Depuis les années 60, la concentration des biens et des personnes dans les zones urbaines s’accroit fortement, faisant craindre une intensification des catastrophes sismiques dévastatrices. Certaines grandes agglomérations, dans leur configuration actuelle, n’ont en effet pas encore expérimenté de séisme majeur de longue période de retour (c’est-à-dire liée à l’intervalle de temps entre deux événements de même intensité).
Pour réduire les conséquences des séismes, nous devons nous concentrer sur les zones urbaines. De façon générale, les pertes exprimées (nombre de victimes ou pertes économiques) sont la conséquence des dommages aux constructions. Malheureusement, comme en témoignent systématiquement les observations, il n’est facile ni d’interpréter les dommages en zone urbaine, ni de prédire les épisodes sismiques. Pourtant, la représentation des conséquences est la meilleure façon de motiver la mise en place d’actions par les décideurs pour une gestion intégrée du risque en ville.
Grâce à l’installation de stations sismologiques en ville, la relation s’affine entre le paramètre « vibration du sol » et les dommages causés. La définition classique du risque combine un aléa (la probabilité qu’un évènement se passe dans un endroit et un moment donné) avec les biens exposés (matériels et humains) et leur capacité à supporter un séisme. En partant dans cette définition, on constate que les villes ne sont considérées que comme subissant les séismes. Par ailleurs, des observations et des simulations récentes ont montré qu’elles peuvent être une composante indirecte de l’aléa : lorsque des bâtiments vibrent sous l’action d’un séisme, ils transfèrent au sol une partie de leur énergie de vibration. Ils contaminent alors le mouvement sismique incident et peuvent aussi solliciter les bâtiments voisins. Cependant, en constituant des villes denses, hétérogènes et en constante évolution, des bâtiments organisés en cluster peuvent former des barrières urbaines, et rendre la ville partiellement invisible aux ondes sismiques et ainsi réduire les dégâts. La décision publique concernant l’aménagement des villes deviendrait une composante du risque en prenant en compte ou non ces éléments.
En ce sens, pourquoi ne pas imaginer des villes « seismic-proof » ? Autrement dit, des villes résistantes aux ondes sismiques de par leur propre agencement. Actuellement, la mise à disposition de plus en plus systématique d’observations post-sismiques et de données produites par les stations sismologiques nous donne l’espoir de mieux comprendre le lien entre la variabilité spatiale du mouvement sismique, la distribution des dommages et les caractéristiques urbaines. Les algorithmes d’intelligence artificielle florissants nous permettront certainement d’identifier certaines propriétés urbaines favorables à l’atténuation des conséquences. Cependant, les processus physiques activés en ville lors des séismes restent à explorer sur les données d’observation.
Auteur
Philippe Guéguen est directeur de recherche de l'Université Gustave Eiffel à l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre)
Tutelles : OSUG / CNRS / UGA / IRD / Univ Savoie Mont-Blanc / Université Gustave Eiffel
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