Quatre projets INSU obtiennent une bourse ERC Starting Grant 2023 !
Le Conseil européen de la recherche (ERC) a annoncé les lauréats des bourses « Starting grant » qui financent de manière importante les projets de jeunes chercheurs et chercheuses. Félicitations à Clémence Rose, Mathieu Casado, Benjamin Fildier et Paul Antonio !
Projet HAVEN1 : étudier les aérosols marins
Porté par Clémence Rose, chargée de recherche CNRS au Laboratoire de météorologie physique (LaMP, CNRS / Université Clermont Auvergne)
Les océans recouvrent plus de 70 % de la surface de la Terre et constituent à ce titre l’une des sources d’aérosols naturels les plus importantes. De par leur rôle dans la formation des nuages marins et l'impact qu'ils ont ensuite sur les propriétés nuageuses, les aérosols marins sont considérés comme une composante essentielle du système climatique. Ils exercent notamment un contrôle sur la capacité des nuages à réfléchir le rayonnement solaire vers l'espace (d’importance particulière au-dessus de la surface sombre que constitue l’océan), influençant par ce biais la température de l’eau et, à terme, le climat global. Les travaux récents menés par le LaMP dans le cadre d’un précédent projet européen (projet ERC Sea2Cloud) ont permis de documenter le processus de formation de ces aérosols en haute mer, à proximité de la surface des océans. Le projet HAVEN va maintenant permettre d’étudier ce processus à une altitude un peu plus élevée : la troposphère libre. Les aérosols formés dans cette zone pourraient bien constituer le support principal à la formation des nuages marins de basse altitude. Pour cela, les scientifiques vont collecter des données à l’observatoire du Maïdo : un site idéal pour l’étude des aérosols marins, situé en altitude sur l'île de la Réunion. Cela leur permettra d’initier une démarche de modélisation des processus en jeu, puis d’entreprendre une étude détaillée de leurs impacts sur les nuages et leurs propriétés.
Projet Snow Antarctic Mean Isotopic Records (SAMIR)
Porté par Mathieu Casado, chargé de recherche CNRS au Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE, CNRS / CEA / UVSQ / Paris Saclay)
L’impact du changement climatique est plus important dans les régions polaires sous l’effet de boucles de rétroaction qui conduisent à une amplification polaire. En Antarctique, les données météorologiques ne remontent pas assez loin dans le passé pour évaluer la variabilité climatique aux échelles interannuelles et décennales et pour séparer l’impact du forçage anthropique de la variabilité naturelle. Le Projet SAMIR porté par Mathieu Casado va utiliser la composition isotopique d’un grand nombre de carottes de glace forées en Antarctique afin d’obtenir des enregistrements climatiques plus long. Les isotopes de l’eau sont en effet un proxy de la température, mais leur interprétation nécessite une calibration empirique de la relation isotope – température. En combinant de nouvelles approches analytiques et statistiques, sur un grand nombre de carottes de glace et en utilisant plusieurs compositions isotopiques, nous développerons des fonctions de transfert entre isotopes et température afin de démoduler les différentes contributions au signal isotopique, et reconstruire l’évolution de la température en Antarctique pendant les mille dernières années.
Projet RECONCILE2 : étude du caractère multi-échelle des précipitations extrêmes
Porté par Benjamin Fildier, postdoctorant au Laboratoire de météorologie dynamique (LMD, CNRS / École Polytechnique / ENS - PSL / Sorbonne Université)
Avec le changement climatique, les conditions météorologiques deviennent plus sévères. Il s'agit d’une question scientifique de longue date, et des difficultés surviennent lorsqu'il s'agit de relier les deux gammes d’échelles spatiales et temporelles concernées. La grêle, les averses de pluie et les vents violents résultent de la dynamique locale des courants ascendants des nuages, tandis que la circulation générale détermine l'occurrence relative des régimes convectifs afin de maintenir l'équilibre énergétique. Historiquement, les limitations de la puissance de calcul ont conduit à des analyses séparées de la dynamique des nuages et de la circulation à grande échelle. Entre les deux, la mésoéchelle abrite un riche écosystème de caractéristiques météorologiques, organisées en une diversité de formes et de morphologies, mais exagérément simplifiées dans les modèles climatiques traditionnels. Cette séparation des échelles entraîne de grandes incertitudes dans la projection des extrêmes futurs : l'ajustement dynamique des systèmes météorologiques à la circulation à grande échelle n'est pas contraint, et les perturbations de la convection à petite échelle peuvent se répercuter sur l'état du climat mondial.
RECONCILE examine la façon dont le caractère multi-échelle des précipitations extrêmes émerge de l'interaction entre les tempêtes et la circulation à grande échelle. Il introduit une nouvelle approche en se concentrant sur la dynamique des populations de systèmes orageux plutôt que sur les orages individuels. Ce paradigme des populations est emprunté à l'écologie et rarement mis à profit pour la compréhension conceptuelle des processus météorologiques. Il permet de surmonter les biais importants présents dans les modèles climatiques opérationnels, en permettant une diversité dans les structures nuageuses représentées et une interaction bidirectionnelle explicite à travers le continuum d'échelles. L'émergence actuelle de modèles globaux à haute résolution est une opportunité sans précédent pour étudier cette cohérence dynamique à travers de multiples échelles de mouvement. RECONCILE propose une voie à l'intersection de deux grands défis du WCRP : Météo et extrêmes climatiques, et Nuages, Circulation et sensibilité climatique, avec de implications importantes pour l'évaluation des modèles climatiques.
Projet UBEICH : déterminer l'âge du noyau interne de la Terre
Porté par Paul Antonio, chercheur à Geosciences Montpellier (CNRS / Université de Montpellier)
Il y a près d'un siècle l'existence du noyau interne de la Terre a été une découverte majeure, mais depuis, le moment exact de sa cristallisation reste un mystère. La naissance de ce noyau interne, plus communément appelé graine, a permis de fournir suffisamment d’énergie pour « booster » et maintenir son champ magnétique, alors qu’il était sur le point de disparaître. Cet événement majeur a donc permis à notre planète de rester habitable et d’échapper au destin de planètes qui ont perdu leur champ magnétique très tôt dans leur histoire géologique, telle que la planète Mars. Alors que la communauté scientifique estimait la formation du noyau interne à environ 600 millions d'années, une période que l’on appelle l’Ediacarien, de nouvelles preuves d'un changement dans le régime du champ magnétique terrestre au cours du Paléozoïque moyen (416-332 Ma) remettent en cause cette hypothèse.
Pouvons-nous mieux contraindre l'histoire et déterminer l’âge de ce noyau interne ?
L’équipe constituée par P. Antonio s'attaquera à cette question au cours des cinq prochaines années avec le projet ERC UBEICH : « Unravelling the first Babbles of the Earth Inner Core History ».
Dans le domaine du paléomagnétisme, les approches conventionnelles ne parviennent pas à extraire les signaux magnétiques anciens des vieilles roches en raison de leur altération tout au long de leur histoire géologique complexe. Cette équipe va donc développer une nouvelle méthode expérimentale prometteuse, mais extrêmement difficile à mettre en place, pour déterminer l’intensité du champ magnétique : en utilisant une approche « multispécimen », ils vont mesurer la paléointensité directement à l’échelle des minéraux et non plus à celle de la roche. L’avantage est double : les minéraux silicatés contiennent des milliards d’inclusions magnétiques qui ont été préservées de l’altération, et la petite taille de ces inclusions a potentiellement permis d’enregistrer un signal magnétique stable au cours du temps. Cette approche pionnière va permettre d’augmenter de manière significative le nombre d'observations et d'apporter un nouvel éclairage sur l'histoire de la couche géologique la plus profonde de notre planète : le noyau interne...