Pourquoi les grands gisements des métaux stratégiques sont-ils associés à des zones de subduction ?
Les zones de subduction sont les lieux d’échange de matière entre la croûte et le manteau les plus importants sur Terre. Ce sont également les endroits où se trouvent les plus grands gisements de métaux stratégiques, comme le cuivre, le molybdène ou encore l’or, qui se forment dans la croûte supérieure à quelques kilomètres de profondeur. Mais comment se forment-ils et pourquoi sont-ils là ?
Il est supposé que l’eau, les métaux et les composés volatils (SO2, SO3, CO2) sont libérés par déshydratation de la plaque océanique subduite en grande profondeur (entre 80 et 120 km), puis s'infiltrent dans le manteau sus-jacent (voir Fig.). Cependant, les mécanismes de transfert des métaux restent énigmatiques. Traverser un manteau pour un fluide porteur de métaux et de soufre n’est pas une chose simple car, dès le premier contact, la réaction des minéraux riches en Fe(II) du manteau avec le fluide devrait réduire tout ce soufre en sulfure S(–II) et précipiter le sulfure de fer (FeS) - la phase qui est connue pour concentrer l’or.
Un consortium international de chercheurs de 5 pays (Chine, Australie, Etats-Unis, Suisse et France) impliquant un laboratoire du CNRS Terre & Univers (voir encadré), a développé un modèle thermodynamique qui explique, pour la première fois de manière quantitative, ce phénomène de transfert, en prenant en compte l’ion trisulfure, [S3•]–, une forme de soufre récemment découverte dans les fluides, mais négligée dans les scénarios existants. Le nouveau modèle démontre que [S3•]– est l'agent responsable de l'enrichissement en or dans le fluide lors de sa réaction avec le manteau, en formant un complexe très soluble, [Au(HS)S3]–.
Ce complexe concentre jusqu'à 1000 fois plus d'or dans le fluide par rapport à son abondance moyenne dans le manteau, et parvient ainsi à contrer l'action des phases de sulfures de fer qui tentent de séquestrer l’or. Cet enrichissement en or dans le fluide est la condition nécessaire à la génération d’une source d’or dans le manteau des zones de subduction, puis au transfert ultérieur du métal par les fluides et les magmas vers la croûte supérieure afin de former les dépôts économiques (voir Fig.).
Le modèle développé dans cette étude permet de mieux comprendre et prédire les concentrations économiques des métaux stratégiques sur notre planète.
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Légende
Figure : (A) Schéma d’une zone de subduction illustrant le transfert de l’or et du soufre depuis la plaque subduite à travers le manteau, puis vers la croûte supérieure abritant les grands gisements de métaux. (B) Schéma, à l’échelle du grain, des phénomènes d’interaction du fluide avec les minéraux mantelliques (olivine, pyroxène), ce qui conduit à l’enrichissement du fluide en or.
Laboratoire CNRS impliqué
Laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET - OMP)
Tutelles : CNRS / CNES / IRD / Université de Toulouse
Pour en savoir plus
D. He, K. Qiu, A.C. Simon, G.S. Pokrovski, H. Yu, J.A.D. Connolly, S. Li, S. Turner, Q. Wang, M. Yang, & J. Deng, Mantle oxidation by sulfur drives the formation of giant gold deposits in subduction zones, Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A. 121 (52) e2404731121, (2024).