Observer la propagation des réactions en profondeur
Comment les contraintes tectoniques influencent-elles les transformations profondes de la croûte continentale inférieure ? En étudiant des affleurements de l’île de Holsnøy, en Norvège, une équipe de scientifiques du CNRS-INSU a mis en évidence un mécanisme original de propagation des réactions métamorphiques à haute pression, contrôlé par l’orientation du champ de contrainte et l’orientation de la foliation initiale de la roche. Une avancée pour mieux comprendre l’évolution et les réactions en profondeur, dans les roches de la croûte continentale inférieure.
Lorsque les plaques tectoniques entrent en collision, il arrive que les roches de la lithosphère continentale soient entrainées en profondeur et subissent simultanément des déformations intenses et des réactions métamorphiques (modification des assemblages minéralogiques). La façon dont ces réactions se propagent au sein des roches dépend de leurs propriétés intrinsèques (porosité, hétérogénéités structurales, minéralogie) qui varient spatialement et temporellement à cause des réactions mais également des forces extérieures qui s’appliquent sur le système.
Holsnøy, un terrain d’étude d’exception
Menée par Marie Baïsset dans le cadre du projet ANR Metrology initié en 2024, l’étude publiée dans Earth and Planetary Science Letters s’est concentrée sur la réaction d’éclogitisation, une transformation caractéristique des roches à haute pression (~2 GPa). Pour mieux cerner ce phénomène de propagation sous contrainte, la cible principale de l’étude était l’exceptionnelle portion de croûte continentale inférieure exhumée de l’île norvégienne d’Holsnøy, dans les Calédonides scandinaves.
Une série de mesures (orientation et pendage, cf. figure) est réalisée sur une centaine d’affleurements présentant à la fois des marqueurs de la déformation qui permettent d’estimer l’orientation du champ de contrainte au moment de la transformation, mais aussi des zones réagies et non déformées qui y sont spatialement associées, et dont la morphologie nécessite encore d’être expliquée. Les données de terrain font l’objet d’analyses statistiques simples, puis sont mises en relation avec un modèle physique de compétition entre cinétique de réaction et diffusion de fluide inspiré de ceux utilisés dans d’autres champs disciplinaires comme le transport réactif en milieux poreux.
Topologie des fronts d’éclogitisation: une propagation loin d’être aléatoire
Les résultats montrent que la morphologie des fronts d’éclogitisation statique n’est pas aléatoire sur l’île d’Holsnøy mais obéit à une organisation spatiale bien spécifique. Cette répartition témoigne d’un mécanisme de propagation contrôlé par l’orientation entre le champ de contrainte et la foliation initiale de la roche (cf figure) qui constitue une anisotropie de vitesse de réaction. C’est cette anisotropie, induite par des différences de minéralogie et de perméabilité au sein de la foliation, qui ajoutée à l’anisotropie du champ de contrainte, détermine la forme et la capacité de propagation du front de réaction.
Laboratoires CNRS impliqués
Géosciences Rennes
Tutelles : Université de Rennes / CNRS
Laboratoire de Géologie de l'ENS (LGENS) / ECCETERRA
Tutelles : CNRS, ENS-PSL
Pour en savoir plus
Stress-controlled reaction pattern in the layered lower crust: Field evidence.
Earth and Planetary Science Letters, 2025