OBS4CLIM : prévoir l’atmosphère de demain

Décryptage Océan Atmosphère

Pour répondre aux enjeux climatiques et de qualité de l’air, il faut comprendre et suivre l’état général de notre atmosphère. Le projet OBS4CLIM propose de renforcer et de pérenniser les observatoires de l’atmosphère, et de fournir à la communauté scientifique des jeux de données qualifiés et pertinents favorisant la recherche, la formation et l’innovation technologique pour répondre aux défis de la neutralité carbone.

Nous faisons le point sur le projet avec Paolo Laj, Physicien à l’Université Grenoble-Alpes, et coordinateur du projet, ainsi qu’avec Ariane Dubost chargée de communication du projet.

L’observation du climat et de la qualité de l’air repose sur plusieurs « variables climatiques essentielles », soit, notamment : les gaz à effet de serre (GES), les aérosols et leurs précurseurs, l’ozone et les nuages.

L’augmentation des émissions des GES dans l’atmosphère est aujourd’hui connue comme la raison principale du réchauffement climatique. Lorsqu’ils sont émis dans l’atmosphère, ces gaz provoquent une augmentation du forçage radiatif1 et par conséquent le réchauffement de la température atmosphérique. Parmi eux, on retrouve principalement le dioxyde de carbone (CO₂) et le méthane (CH₄). Les nuages jouent eux aussi un rôle important dans la dynamique de l’atmosphère et du climat. Selon leurs formes et leurs caractéristiques (altitude, contenu en eau liquide et glace, propriété des gouttes et des cristaux, etc.), ils peuvent  induire soit un réchauffement, soit un refroidissement de la température. Il est donc important d’étudier l’évolution des nuages en fonction du changement climatique. C’est également le cas des aérosols qui jouent un rôle dans le climat et dans la qualité de l’air: ces fines particules en suspension dans l’air peuvent induire des changements de température en fonction de leurs propriétés (taille, forme, composition, etc.). En parallèle, certaines de ces particules peuvent aussi être nocives lorsqu’elles sont respirées dans l’air. C’est pourquoi il est essentiel de suivre l’évolution dans le temps de toutes ces variables pour évaluer l’impact des activités humaines et tenter de prévoir l’état de l’atmosphère de demain.

En France, sous la coordination du CNRS, des observatoires de l’atmosphère existent déjà et se regroupent dans des infrastructures de recherche (IR). Ils représentent des plateformes régionales, nationales et/ou internationales, équipées d’instruments de mesure spécialisés selon les thématiques qu’ils ont pour but d’observer. En raison des enjeux actuels liés au climat et pour répondre à la demande croissante en termes de prévision climatique, il est important de renforcer et structurer ces infrastructures.

Le projet OBS4CLIM 

Le projet OBS4CLIM  renforce trois infrastructures de recherche : ACTRIS, IAGOS et ICOS. Elles enregistrent l’évolution de la composition atmosphérique pour répondre aux problématiques de qualité de l’air et du climat 

 

  • ACTRIS est une infrastructure de recherche européenne distribuée, en support des recherches sur le climat et la qualité de l’air.. La composante ACTRIS française est dédiée à l’observation et à l’exploration des aérosols, des nuages et des gaz réactifs (comme les oxydes d’azote). Son but est d’améliorer la compréhension des processus et de la composition atmosphérique.  Elle a pour mission de mieux caractériser et de comprendre les forçages et les variabilités climatiques (par l’observation des différentes variables décrites ci-dessus et de leurs dynamiques), et de surveiller leurs évolutions. Elle combine les données des Services nationaux d’observation (SNO) de centres de calibrations et des plateformes d’observation et d’exploration avec les observations opérationnelles (moyens-sol) et les observations par satellites.

 

  • IAGOS (In-service Aircraft for a Global Observing System) est une IR unique au monde qui utilise des avions commerciaux pour mesurer la composition atmosphérique : Les avions de type Airbus A340/A330 sont équipés d’instruments automatiques embarqués qui mesurent l’ozone, la vapeur d’eau, le monoxyde de carbone (CO), la température, la densité numérique des particules de nuage, les aérosols, les GES et les oxydes d’azote (NOx). Cela permet d’obtenir des données essentielles sur le changement climatique et sur la qualité de l’air sur une large couverture spatiale et temporelle, y compris pour des régions du monde difficilement accessibles. En effet, les avions mesurent des paramètres depuis le sol jusqu’à 12 km d’altitude à raison d’environ 500 vols par an et par avion. In fine, l’IR a pour but de fournir une base de données pour toute la communauté scientifique, pour les décideurs politiques et pour les prévisions climatiques et météorologiques en temps réel.
  • 1La notion de forçage radiatif (en W/m²) est utilisée pour quantifier comment un paramètre module l’équilibre radiatif entre le rayonnement solaire absorbé et le rayonnement infrarouge émis par le système climatique. Un paramètre qui réchauffe le climat aura un forçage radiatif positif, tandis qu’un paramètre qui le refroidit aura un forçage radiatif négatif.
Représentation artistique de l'infrastructure IAGOS. © Loïc Gosset
  • ICOS (Integrated Carbon Observation System) est une infrastructure de recherche européenne dédiée au suivi à long terme des gaz à effet de serre (CO₂, CH4, N2O) dans l’atmosphère, les continents et les océans. Cette IR* permet de rassembler des données très précises sur les tendances des GES dans l’atmosphère, sur les flux échangés avec les océans et les écosystèmes terrestres, et sur les émissions de ces gaz par les activités humaines. La contribution française à ICOS repose sur le SNO ICOS-France comprenant 18 observatoires, pour couvrir les échelles nationales et régionales. Elle s’appuie également sur le Centre Thématique Atmosphérique (ATC/ICOS) basé à Saclay, centre de traitement des données atmosphérique de toutes les stations européennes, et plateforme de métrologie sur les gaz à effet de serre.
Représentation artistique de l'infrastructure ICOS © Loïc Gosset

D'où vient OBS4CLIM

OBS4CLIM est un projet d’équipement structurant pour la recherche (EQUIPEX +) mis en place dans le cadre du programme PIA 3 (Plan d’Investissement d’Avenir national). Il découle du besoin en renforts des infrastructures de recherche pour les observations atmosphériques. Pour répondre aux enjeux climatiques et de qualité de l’air, il propose de structurer et d’améliorer des systèmes d’observation existants et d’en développer de nouveaux, afin de contribuer à l’effort international pour la compréhension de notre atmosphère et du climat. Une quinzaine d’unités CNRS sont impliquées ainsi que 17 établissements partenaires. Le projet d’un coût global de 32,6 millions d’euros, est financé à hauteur de 11,6 millions d’euros par l‘Agence Nationale de la Recherche.

À l’heure où les pays doivent s’engager fortement pour répondre aux enjeux du changement climatique, renforcer la capacité de la France à observer l’évolution de l’atmosphère, et mieux comprendre et prévoir les processus qui la contrôlent à travers des investissements pour ces trois infrastructures de recherche est stratégique.

OBS4CLIM propose d’améliorer les plateformes des trois IR grâce au développement de nouveaux instruments de mesure et le renforcement du réseau de données accessibles à toute la communauté scientifique. Pour cela, le projet va se décliner en quatre actions.

Quels seront les apports d’OBS4CLIM ?

Premièrement, le projet vise à fournir des observations complémentaires à celles fournies par les satellites. Si les observations spatiales sont indispensables pour disposer d’une vision large, les observations depuis le sol sont nécessaires pour la fine échelle spatiale et temporelle (notamment pour la qualité de l’air) et pour valider les observations faites depuis l’espace.    

Ensuite, OBS4CLIM doit fournir de nouvelles données pour la qualité de l’air, le climat et les prévisions météorologiques, principalement pour rendre compte des impacts des activités humaines. Par exemple, des mesures de concentration d’ammoniac (NH3) ou de la quantité de virus et de bactéries contenus dans les bio-aérosols en circulation dans l’air seront implantées sur quelques sites des IR. Toutes les données seront mises à disposition de la communauté scientifique et centralisées sur des bases de données opérées par AERIS, le pole atmosphère de l’IR Data Terra . Les sites des observatoires sont dès maintenant ouverts  aux utilisateurs du monde entier, provenant du milieu académique et du secteur privé, qui auraient besoin de s’y rendre pour mener leurs recherches.  Certains instruments de mesure ont également vocation à être partagés, pour des campagnes de mesures intensives.

Toujours pour compléter les données existantes, la couverture spatiale et temporelle des observations va être élargie. En effet, beaucoup de régions du monde restent peu étudiées par manque d’accessibilité ou de moyens (comme l’océan Indien ou le continent africain).  Quelques plateformes d’observation vont être instrumentées sur des territoires comme La Réunion, l’île d’Amsterdam dans l’Océan Indien, le site de LAMTO en Côte d’Ivoire ou le site de Chacaltaya en Bolivie, en partenariat avec des équipes locales. Les nouvelles données vont permettre d’avoir un aperçu global de l’atmosphère du monde entier.

Le dernier axe d’amélioration concernera le développement de nouvelles technologies au sein des IRs. Pour l’IR IAGOS par exemple, il s’agira de modifier/développer de nouveaux capteurs de mesure de la composition atmosphérique pour s’adapter à d’autres modèles d’avions plus récents, comme les Airbus A350. Parallèlement, les scientifiques travaillent aussi sur l’équipement d’un autre type de transport : les TGV, qui pourront fournir des données à l’échelle nationale. Les capteurs à développer doivent alors s’adapter à de nouvelles contraintes techniques, tel que la vitesse du train. 

Des données utiles pour la société

Le projet ambitionne de contribuer à améliorer les prises de décision pour aller vers la neutralité carbone en 2050. OBS4CLIM participera à cette stratégie de neutralité en évaluant justement ses résultats sur la composition de l’atmosphère. Les nouvelles informations issues des développements du projet vont alimenter les bases de données et donc les modèles de suivi des paramètres climatiques et de qualité de l’air. Depuis déjà plusieurs années, les observatoires sont capables d’évaluer si les politiques publiques en vigueur fonctionnent ou non. Par exemple, depuis vingt ans, contrairement à la quantité de CO₂ et d’ozone qui n’arrêtent pas d’augmenter, la concentration en particules et en gaz polluants primaires a bien diminué dans des villes comme Paris ou Toulouse grâce aux politiques Européennes de réduction des émissions.   

Certaines des données d’OBS4CLIM seront dirigées vers Copernicus : le programme d’observation de la Terre de l’Union européenne. Les données qui proviennent de différents observatoires seront redistribuées sous forme de modèles puis  elles pourront ensuite servir de support pour l'élaboration des politiques publiques.

 

Ainsi le projet OBS4CLIM mettra en place des systèmes d’observation de l’atmosphère pérennes, qui seront utiles tant à la communauté scientifique qu’à l’ensemble des citoyens. Les premiers développements d’instruments et les premières données devraient voir le jour dès l’été 2022.

 

Léa Lahmar

 

Contact

Paolo Laj
Physicien à l'Institut des géosciences de l'environnement / Université Grenoble-Alpes (IGE/OSUG/ UGA))
Ariane Dubost
Laboratoire de météorologie physique (LAMP / CNRS / UCA),