Nouvelle caractérisation de l'équilibre isotopique dans les carbonates

Résultat scientifique Surfaces continentales

Une collaboration internationale1 a réussi à contraindre pour la première fois le fractionnement à l’équilibre du rapport 18O/16O entre l’eau et la calcite à basse température, à partir de l’étude d’une calcite naturelle à croissance lente (spéléothème subaquatique). Elle a ainsi pu conclure que la plupart des calcites naturelles cristallisent hors d'équilibre. Cette observation majeure ouvre la voie à une réinterprétation des mécanismes de la thermométrie 18O/16O, un outil essentiel de la paléoclimatologie.

  • 1Les laboratoires français impliqués dans cette collaboration sont le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CNRS / CEA / Université Versailles St-Quentin), le laboratoire Environnement, dynamiques et territoires de la montagne (EDYTEM, Université Savoie Mont Blanc / CNRS / Ministère de la Culture), le Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB, CNRS / Sorbonne Université) et le Laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP, Université Paul Sabatier UPS / CNRS / IRD / CNES)

Les minéraux carbonatés se forment à partir d’ions (bi)carbonates (CO32-, HCO3-) qui échangent leur oxygène avec les molécules d’eau. Leur composition en 18O reflète à la fois la teneur en 18O de l’eau environnante et la température de cristallisation. Le rapport isotopique 18O/16O des calcites naturelles est de ce fait un outil essentiel de la paléoclimatologie.

Depuis le travail fondamental de Harold Urey, qui avait prédit en 1947 que la composition isotopique des carbonates devait être influencée par leur température de cristallisation, il n'y a pas consensus sur les valeurs précises du fractionnement isotopique 18O/16O à l’équilibre isotopique aux températures typiques de la surface de la Terre (0 - 40 °C).

Une équipe internationale de chercheurs1 a analysé des échantillons de calcite naturelle à croissance extrêmement lente, réputées les plus proches possibles de l’équilibre thermodynamique, provenant de deux sites (Devils Hole au Nevada et la grotte Corchia en Italie). Les résultats montrent que ce type de calcite est enrichie de 1 à 2 ‰ en 18O par rapport aux valeurs communément admises pour une précipitation à l’équilibre.

Image retirée.
Cette calcite de la grotte de Devils Hole (USA) présente des "folia" (concrétions horizontales correspondant à d'anciens niveaux de la nappe phréatique) et une couche de calcite à croissance très lente. [NPS Photograph by Brett Seymour, SRC]

Ces résultats mènent à reconsidérer l'interprétation traditionnelle de la thermométrie 18O en termes d'équilibre thermodynamique et incitent à développer de nouveaux modèles quantitatifs, tenant compte des facteurs susceptibles d’induire ces déséquilibres isotopiques (ex : pH ou concentration de carbone dissous).

  • 1Les laboratoires français impliqués dans cette collaboration sont le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE/IPSL, CNRS / CEA / Université Versailles St-Quentin), le laboratoire Environnement, dynamiques et territoires de la montagne (EDYTEM, Université Savoie Mont Blanc / CNRS / Ministère de la Culture), le Laboratoire d'Ecogéochimie des Environnements Benthiques (LECOB, CNRS / Sorbonne Université) et le Laboratoire Géosciences environnement Toulouse (GET/OMP, Université Paul Sabatier UPS / CNRS / IRD / CNES)

Source

M. Daëron, R. N. Drysdale, M. Peral, D. Huyghe, D. Blamart, T. B. Coplen, F. Lartaud, G. Zanchetta. Most Earth-surface calcites precipitate out of isotopic equilibrium. Nature Communications (2019) 10:429 DOI : 10.1038/s41467-019-08336-5

Contact

Mathieu Daëron
LSCE/IPSL