Lophelia orange, un corail dur dans le canyon Lacaze-Duthiers en Méditerrannée occidentale. Photo prise à 500 m de fond avec un robot sous-marin dans le cadre du programme "Environnements marins extrêmes, biodiversité et changement global
Lophelia orange, un corail dur dans le canyon Lacaze-Duthiers en Méditerrannée occidentale. Photo prise à 500 m de fond avec un robot sous-marin dans le cadre du programme "Environnements marins extrêmes, biodiversité et changement global © Nadine LE BRIS/Fondation Total/UPMC/CNRS Photothèque

Méditerranée : Quel avenir pour les coraux profonds ?

Explorations

Nous avons tous en tête des images de récifs coralliens aux éclatantes couleurs et abritant une biodiversité fabuleuse. Nous nous imaginons nager dans les eaux chaudes et turquoises des régions tropicales pour les explorer. Mais peu d’images du monde corallien des régions tempérées ou subpolaires nous viennent à l’esprit. Pourtant, un monde bien plus mystérieux se cache dans les profondeurs de ces océans… un monde mis en péril par le réchauffement climatique et l’acidification des eaux méditerranéennes.

Solitaires ou organisés sous forme de récifs, les coraux profonds se développent depuis des milliers d’années le long des marges océaniques. Ces animaux, également appelés coraux d’eaux froides, vivent dans l’obscurité et, à la grande différence des coraux tropicaux, sans symbiose avec des Zooxanthelles, algues unicellulaires photosynthétiques. De l’ordre des Scleractinia, ils  forment un squelette calcaire dur, souvent branchu . Grâce à leurs polypes, ils se nourrissent de particules et nutriments présents dans l’eau. Leur découverte a permis de mettre à jour un écosystème également riche d’une biodiversité propre à ces milieux extrêmes, avec la présence de nombreux poissons et invertébrés. En Mer Méditerranée, les colonies coralliennes se développent dans les eaux à des profondeurs situées entre 200 et 700 m dont les températures sont de l’ordre de 12 à 14°C.

Lors de missions océanographiques, des forages et l’utilisation de robots submersibles ont permis de prélever les branches de ces coraux vivants, mais aussi fossiles, ensevelis dans les premiers mètres de sédiments, à la fois en Mer d’Alboran, à l’Ouest de la Méditerranée, au Sud de la Sardaigne, dans le Détroit Siculo-Tunisien ou encore au Sud de l’Italie et de Chypre dans le bassin oriental. La période de vie de ces coraux fossiles peut être déterminée précisément par des techniques de datation s’appuyant notamment sur le radiocarbone ou les isotopes de l’uranium et du thorium. L’analyse chimique de leurs branches calcaires fossiles offre une opportunité unique de reconstruire avec précision l’évolution passée de la température mais aussi de l’acidité des océans, paramètres aujourd’hui encore peu documentés à ces profondeurs.

Les premiers résultats de ces analyses isotopiques et élémentaires menées en laboratoire, par spectrométrie de masse, nous indiquent que les coraux profonds méditerranéens ont su s’acclimater pendant les cycles climatiques et poursuivre leur développement malgré des températures extrêmement froides, de l’ordre de celle du dernier maximum glaciaire il y a 20 000 ans, soit de quelques degrés. Depuis le début de l’Holocène, soit 11 000 ans, ces écosystèmes coralliens se sont parfaitement adaptés à des conditions physico-chimiques remarquablement stables avec des températures situées autour de 12-13°C et un pH de l’ordre de 8,0-8,1.

Avec le début de l’ère industrielle et le rejet massifs de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, les eaux de surface des océans se sont non seulement réchauffées de l’ordre de 1 degré Celsius, mais aussi acidifiées de plus de 0,1 unité pH. Nos données originales indiquent que ces tendances sont similaires pour les eaux plus profondes de la Mer Méditerranée. Conjugués au réchauffement et à l’acidification, ces processus pourraient conduire, d’ici 2100, à la disparition des coraux profonds en Méditerranée, car les seuils de température et de pH favorables à leur développement pourraient être dépassés. Ces écosystèmes profonds pourront encore en revanche trouver des conditions propices à leur survie au-delà du détroit de Gibraltar, dans les eaux de l’Atlantique Nord, là où les températures ne devraient pas encore dépasser ces seuils critiques.

Auteures et Auteurs

Eric Douville1 , Paolo Montagna2 et Marie-Alexandrine Sicre3

  • 1Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE)
  • 2 Institute of Polar Sciences (ISP-CNR), Bologne
  • 3 Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN)
 Lophelia orange, un corail dur dans le canyon Lacaze-Duthiers en Méditerrannée occidentale. Photo prise à 500 m de fond avec un robot sous-marin dans le cadre du programme "Environnements marins extrêmes, biodiversité et changement global.
Lophelia orange, un corail dur dans le canyon Lacaze-Duthiers en Méditerrannée occidentale. Photo prise à 500 m de fond avec un robot sous-marin dans le cadre du programme "Environnements marins extrêmes, biodiversité et changement global". © Nadine LE BRIS/Fondation Total/UPMC/CNRS Photothèque

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Au sein du programme MISTRALS, plus de 1000 scientifiques de 23 pays ont étudié l’environnement et les changements globaux dans et autour de la mer Méditerranée, et publié plus de 1500 articles scientifiques. Coordonné par le CNRS, Mistrals est un programme commun entre l’Ademe, le CEA, l’Ifremer, INRAE, l’IRD et Météo-France.  Retrouvez ici d'autres articles illustrant de ce grand programme. Lancé le 10 mars 2010, le programme de recherche Mistrals est arrivé à son terme. Retrouvez ici quelques articles illustrant ce grand programme.