L'origine des diamants terrestres

Résultat scientifique Terre Solide

Depuis des décennies, la communauté scientifique s’interroge sur le mystère de la croissance des diamants issus des profondeurs terrestres. Bien qu’il soit aujourd’hui admis que les diamants sont issus de fluides profonds, de nombreuses questions restent encore posées et sont aujourd’hui très débattues : quelle est la nature de ces fluides, leur composition, leur origine ? Pourquoi les diamants ont-ils des morphologies différentes ? Quel est le mécanisme de croissance des diamants, est-il le même partout dans le manteau terrestre ? Pour tenter de répondre à ces questions cruciales, des chercheurs de l’IMPMC, de l’IPGP et du GEOTOP (Montréal) ont utilisé une approche expérimentale originale faisant appel à des expériences à hautes pressions et températures et à des caractérisations par nanoSIMS. Ils ont ainsi pu montrer que les diamants sont formés à partir de carbonates dissous dans deux types de fluides, aqueux et silicatés et permettent ainsi de comprendre la croissance des diamants de la lithosphère de la Terre, à 150-200 km de profondeur.  

Dans la Terre, nous connaissons différents types de diamants dont les plus connus sont les diamants monocristallins ou gemmes et les diamants fibreux (il existe aussi des diamants poly-cristallins et des micro-diamants dans les roches métamorphiques ou encore des carbonados). Alors que les diamants fibreux sont opaques tant ils contiennent d’impuretés, environ 2 % des diamants gemme naturels contiennent des impuretés, dites inclusions. Ces inclusions sont bien souvent des petits minéraux ou des fluides préservés au sein des diamants. Si ces impuretés sont la bête noire des diamantaires, elles sont une véritable bénédiction pour les chercheurs, car elles constituent d’authentiques échantillons intacts du manteau profond, renseignant à la fois sur ce manteau inaccessible pour l’être humain, mais aussi sur les mécanismes de formation des diamants naturels dans le manteau, à ce jour encore inconnus.

Grâce à des expériences réalisées dans les conditions de pression et de température de formation des diamants mantelliques de la lithosphère (7 GPa, 1300-1400°C), il est possible de reproduire des diamants contenant des inclusions similaires à celles trouvées dans les diamants naturels : une recette a été trouvée permettant de reproduire le naturel ! Pour cela un mélange de silicates, de carbonates, et de graphite dans beaucoup d’eau a été additionné à de petits noyaux de diamants faisant office de précurseurs. Au cours des expériences réalisées dans des presses multi-enclumes, de nouvelles couches de diamants contenant des inclusions micrométriques se sont formées sur ces noyaux en présence de deux fluides immiscibles, un silicate liquide et un fluide aqueux. Des inclusions similaires à celles trouvées dans les diamants monocristallins (« gemmes ») et dans les diamants fibreux.  De petits diamants se sont également spontanément formés dans le fluide de croissance, certains pouvant même être, à leur tour, piégés en inclusions dans le diamant en cours de croissance sur noyau préexistant. Ces expériences montrent que tous les types de diamants peuvent être formés à partir des mêmes types de fluides qui percolent dans le manteau.

Il restait à identifier qui du carbonate ou du graphite est la source en carbone des diamants. C’est chose faite grâce à l’analyse de la composition isotopique des nouveaux diamants en carbone (13C), qui exprime la proportion des isotopes 12 et 13 du carbone. L’analyse de la composition isotopique de ces diamants micrométriques piégés en inclusions a permis d’identifier le carbone source des diamants et leur mécanisme de croissance. Les diamants mantelliques possèdent des caractéristiques bien particulières, ils ont une signature isotopique en carbone constante, dite « mantellique », centrée à 13C = −5‰ ± 1‰. Parce qu’il est montré que lorsqu’un diamant se forme à haute température il ne fractionne pas ou très peu ses isotopes en carbone par rapport à la source et parce que le graphite et les carbonates ont des signatures isotopiques bien distinctes, les nano-analyses ont montré que la source de carbone des diamants est le carbonate et que la croissance se produit à l’équilibre isotopique. Un fractionnement de -2.7‰ par rapport à la source a été mesuré ce qui signifie que la croissance des diamants est un processus redox et non une simple « précipitation » comme suggéré dans de récentes études. Ils permettent d’expliquer pourquoi la composition de la majorité des diamants lithosphériques est centrée à −5‰, une composition héritée de leurs fluides parents communs et non de l’assemblage minéralogique du manteau. 

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives sur notre connaissance du mécanisme de formation des diamants dans la Terre, ils montrent que des fluides riches en eau peuvent exister en profondeur dans le manteau supérieur mais peut être aussi dans la zone de transition et le manteau inférieur comme récemment démontré par l’étude d’inclusions riches en eau et de glace piégées dans des diamants naturels « ultra-profonds » dont le mécanisme de croissance reste à caractériser.

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Image MEB (microscopie électronique à balayage) de la surface d’un noyau de diamant après expérience de quatre heures à 7 GPa et 1400°C. On distingue de petits octaèdres de diamants spontanément formés dans le fluide puis piégés en tant qu’inclusions avec des carbonates (globules blancs) dans le diamant en cours de croissance. Schéma du principe de découpe par faisceau d’ions focalisés (FIB) et image MEB d’une plaquette résultante avec zones d’inclusions au centre repérées par des flèches, la signature isotopique en carbone de ces zones est analysée par nanoSIMS. Echelle 2 µm.

 

Source(s) :

Hélène Bureau, Laurent Remusat, Imène Estève, Daniele Pinti, Pierre Cartigny, The growth of Lithospheric Diamonds, Science Advances, 6 juin 2018

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