Les rocklines, berceaux de la matière réfractaire du Système solaire interne
La nébuleuse protosolaire, disque de gaz et de poussière à l’origine du Système solaire, est le siège de nombreux phénomènes de transport de matière tels que la diffusion et l’advection du gaz et des solides, dont l’effet est de redistribuer radialement les espèces chimiques. Les matériaux solides ayant formé les planètes terrestres et les astéroïdes se sont agglomérés à partir de grains de poussières condensés dans la nébuleuse protosolaire. Afin de comprendre l’origine de la diversité des compositions des objets du Système solaire interne, il est nécessaire de remonter aux conditions de formation de leurs briques élémentaires dans la nébuleuse protosolaire. Lorsqu’ils sont pris en compte, les processus de transport dans le disque ont tendance à concentrer la matière à l’emplacement de la ligne de condensation de l’espèce, attribuant aux planètes géantes des compositions différentes selon la distance à laquelle elles se sont formées.
Dans une nouvelle étude, des scientifiques montrent que des résultats similaires sont observés pour la matière réfractaire, ce qui apporte des contraintes majeures sur les mécanismes de formation des planètes terrestres et des astéroïdes. Ils étendent le concept de ligne de glace (snowline, distance à laquelle la glace passe de l’état liquide à l’état solide) à la matière réfractaire qui constitue les planètes telluriques : les lignes de roches, ou rocklines. Le modèle utilisé dans l’étude reproduit les compositions des chondrites, des chondres et des sphérules cosmiques, ce qui suggère que les rocklines ont joué un rôle important dans la transformation de la matière réfractaire aux moments les plus précoces de la formation du Système solaire.
Par ailleurs, si la teneur globale en fer de la Terre et de Vénus est sensiblement identique à celle de la nébuleuse protosolaire lors de sa formation (~ 47% en masse dans le mélange Mg-Fe-Si), les mesures récentes du moment d'inertie de Mercure effectuées par la sonde MESSENGER suggèrent que celle-ci est beaucoup plus riche en fer (~ 83%). Cette différence est souvent attribuée à un impact géant qui aurait arraché le manteau de Mercure n'en laissant que le noyau, mais les simulations reproduisent avec difficulté la réalité. Ces nouveaux travaux montrent que les lignes de condensation du fer et de ses alliages se trouvent proches de la zone de formation de Mercure, impliquant que le mécanisme proposé contribue naturellement à son enrichissement en fer. Dans le contexte de la recherche d’exoplanètes, la présence d'une planète de type Mercure deviendrait alors plutôt une règle qu'une exception, résultat qui est en accord avec les détections récentes.
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Rocklines as Cradles for Refractory Solids in the Protosolar Nebula – The Astrophysical Journal, Volume 901, Number 2
Artyom Aguichine, Olivier Mousis, Bertrand Devouard, Thomas Ronnet