Les eaux de Mars…
Depuis les années 1970, une kyrielle de satellites artificiels imagent la surface de Mars, à la recherche de traces d'eau, d'environnements potentiellement favorables au développement de la vie et, plus récemment, de sites favorables à la future colonisation humaine. Mars ne manque pas d'eau et n’en a pas manqué par le passé : on le subodorait depuis près d'un demi-siècle. L'eau est actuellement essentiellement emmagasinée soit sous forme de glace dans les calottes polaires et une partie du sous-sol des latitudes septentrionales et australes, soit sous forme de vapeur dans les nuages d’une atmosphère ténue. Occasionnellement, et de façon éphémère, l'eau liquide provenant de la fonte de glace piégée dans le sous-sol peut être libérée formant des ravines. Aux moyennes latitudes, les ravines seraient remodelées par la sublimation saisonnière de glace carbonique piégée dans le sol provoquant des écoulements furtifs de débris.
Auteure
Véronique Ansan
Laboratoire de Planétologie et Géodynamique de Nantes, Université de Nantes
Il y a un peu plus de trois milliards d'années, l'eau liquide s'écoulait dans des chenaux peu profonds incisant les ejecta * entourant les cratères d'impact météoritique ou à la surface de cônes alluviaux comme l’attestent l’érosion et le dépôt de matériaux granulaires. L'âge d'or des rivières et des lacs martiens, voire d'océans, se situe entre trois et quatre milliards d'années : réseaux de vallées profondes ramifiées dans lesquelles des rivières permettaient de transporter et déposer des sédiments arrachés au sommet des reliefs (volcans et remparts de cratères d'impact) vers des plaines alluviales et des lacs formant des deltas et des dépôts lacustres. Tous ces éléments témoignent d'un cycle de l'eau liquide à la surface de Mars avec précipitations, ruissellement, infiltrations, évaporation…
- *fragments de roche solide expulsés dans l'atmosphère lors de la collision du météore avec la surface solide d'un corps céleste et retombant autour du cratère formé
Ces environnements fluvio-lacustres sont d'autant plus intéressants qu'ils ont non seulement pu réunir les conditions dans lesquelles une vie primitive se serait développée mais aussi la préserver sous forme fossile, à l'instar de la Terre où la vie est apparue vers 3,7 milliards d'années. L'enregistrement sédimentaire de "l'éclosion potentielle de vie" à la surface de Mars serait une clé dans la compréhension de l'origine de la vie sur Terre puisque la tectonique des plaques sur Terre en a largement modifiée sa surface, laissant peu d'enregistrements sédimentaires intacts de cette période primitive terrestre.
En combinant les analyses morphologiques et géologiques des images orbitales acquises dans le visible, le proche-infrarouge et l'infra-rouge thermique aux modèles numériques de terrain générés à partir d'images acquises en mode stéréoscopique et à l'altimétrie, il est possible de déterminer la localisation des paléo-rivières, le type de paléo-rivières (en tresses, méandres ou rectilignes), les paléo-débits, les matériaux transportés et leur organisation dans les structures sédimentaires, avec une idée encore peu contrainte sur la durée de fonctionnement de ces systèmes fluvio-lacustres. L'arrivée d'engins robotisés se déplaçant de façon quasi-autonome (rovers) à la surface de Mars, équipés d'instruments d'analyses chimiques, biochimiques et minéralogiques, en des points d'atterrissage spécifiques d'environnements fluvio-lacustres comme dans les cratères Gale et Jezero permettent d'affiner la compréhension de l'histoire primitive de Mars … et d'une certaine façon de la Terre.
Légende
Plateau incisé d'une multitude de vallées fluviales ramifiées, remplies actuellement de matériaux éoliens sombres, rejoignant les têtes de canyons d'Echus Chasma, profonds de plus de 1500 m de hauteur et large de plus de 5 km (section longue de plus de 50 km), centré à 1°N de latitude et 278°E de longitude, au Nord-ouest de dôme de Tharsis et au Nord de Valles Marineris.Image en 3D d'une résolution spatiale de 17m.pixel-1, acquise par la caméra stéréoscopique à haute résolution (HRSC) de la mission européenne Mars Express, le 25 septembre 2005.