À la recherche des traces laissées en mer par la tempête Alex

Campagne Terre Solide Océan Atmosphère

La campagne océanographique SEALEX (SEarching for ALEX), qui a eu lieu à bord du navire océanographique Pourquoi Pas ? du 1er au 9 Novembre 2020, a permis d’échantillonner les dépôts potentiellement mis en place lors de la crise hydro-climatique Alex qui a particulièrement affecté les Alpes Maritimes et la Ligurie du 2 au 4 octobre 2020. Elle fait suite à une réaction d’urgence de l’ensemble des acteurs (UMR Géoazur à l’origine de la demande, la Flotte océanographique française, le Comité national de la flotte hauturière, l’INSU, et IFREMER-GENAVIR), qui a permis le déploiement en à peine deux semaines du navire sur la zone d’étude. Vingt scientifiques français, italiens, et suisses, ainsi que quatre étudiants du Master 3G (Géologie, Géophysique Géotechnique) de l’Université Côte d’Azur, ont ainsi pu embarquer.

La tempête Alex a généré des cumuls pluviométriques, des crues, des glissements de terrain et des coulées de débris d’intensité jamais documentée dans les vallées de la Tinée, du Vésubie et de la Roya. L’objectif principal de la campagne SEALEX était de caractériser l’impact de cet événement hydro-météorologique exceptionnel sur le fond marin. Nous avons acquis des nouvelles données de bathymétrie et de réflectivité sur les systèmes turbiditiques du Var et de la Roya qui permettront d’imager les changements physiographiques du fond marin. Les principales acquisitions concernent la récupération de 32 carottes sédimentaires par l’utilisation de bennes Usnel, de carottiers multitubes et de carottiers gravitaires afin de tenter de retrouver, sur le fond, le dépôt associé aux écoulements gravitaires induits par les apports fluviatiles.

Gauche : Déploiement d’une benne Usnel sur la plage arrière du Pourquoi Pas ? / Droite : Carotte d’interface (multitubes) récupérée dans le système turbiditique du Var © Gauche : M-O Beslier / Droite : Y. Sheremet

Les résultats préliminaires montrent presque systématiquement un dépôt turbiditique au sommet, encore meuble, et ne présentant pas de front d’oxydo-réduction à sa base, impliquant de fait une mise en place très récente. La comparaison avec des carottes préexistantes sur certains sites, acquises au cours de la dernière décennie, confirme bien la présence d’un nouveau dépôt. Dans certains cas, la présence à la base du dépôt d’un grano-classement inverse et de débris végétaux sont clairement compatibles avec l’occurrence d’un courant hyperpycnal généré par une crue, dont l’intensité augmente au cours du temps.

L’analyse des données en laboratoire sur l’ensemble des sites permettra de dater précisément la mise en place du dépôt, d’identifier son extension spatiale, de caractériser ses zones sources à terre, et de reconstituer l’évolution hydrodynamique de l’écoulement le long des systèmes sédimentaires. Cette caractérisation détaillée permettra de donner des informations uniques sur l’enregistrement d’un événement climatique extrême. La documentation de cet événement actuel fournira des informations indispensables pour comprendre l’enregistrement holocène à pléistocène supérieur disponible dans les carottes sédimentaires et pour :

  • établir des critères fiables pour discriminer le facteur déclenchant (crue extrême vs séisme de forte magnitude) ;
  • établir un lien entre enregistrement sédimentaire et intensité des événements passés ;
  • établir des séries temporelles complètes des évènements extrêmes et contraindre leur récurrence et variation ;
  • mieux comprendre le lien entre ce type d’événements et l’érosion long-terme à terre.

Un journal de bord à destination du grand public a été publié au jour le jour.

Contact

Gueorgui Ratzov
Géoazur
Sébastien Migeon
Géoazur