La nature mystérieuse du coeur de l’amas d'étoiles Messier 4

Résultat scientifique Univers

Les trous noirs peuvent être de deux gammes de taille ou de masse. D’une part, les trous noirs stellaires (des petits trous noirs), provenant de l’effondrement d’une étoile lorsque les forces nucléaires et quantiques ne sont plus disponibles pour contrecarrer la gravité1 . D’autre part les trous noirs supermassifs, observés aux centre des galaxies massives, dont notre Voie Lactée, avec des masses entre cent mille et dix milliards de fois la masse du soleil. Les astrophysiciens imaginent que les trous noirs supermassifs se sont formés principalement par des fusions répétées de plus petits trous noirs. L’univers devrait donc contenir des trous noirs de masse intermédiaire entre une centaine et cent mille masses solaires, à partir desquelles se seraient formées les supermassives. Mais les astronomes n’ont pas encore trouvé plusieurs exemples convaincants de trous noirs de masse intermédiaire (IMBH)2 , comme pour les deux autres classes. 

  • 1Ces trous noirs stellaires ont des masses comprises entre 3 et une centaine de fois la masse du soleil (comme mesurées par les ondes gravitationnelles détectées par LIGO/VIRGO).
  • 2L’acronyme anglophone du trou noir de masse intermédiaire.

Une équipe internationale d’astronomes dont des scientifiques du CNRS-Insu (voir encadré), a cherché les signatures d’un IMBH au centre des grands amas d’étoiles dits globulaires, en se focalisant sur les plus proches parmi la centaine que nous connaissons circulant dans les régions plutôt externes de la Voie Lactée. Pour cela, ils ont analysé les vitesses1  apparentes des étoiles obtenues par observations répétées par les télescopes spatiaux Hubble2  et Gaia3 . Alors que l'analyse de deux premiers amas ont montré un excès de masse sombre qui était plutôt étendu4 , l’analyse d’un troisième amas, connu sous le nom Messier 4 ou M4, a permis de découvrir un excès de masse au centre de près de mille fois la masse du soleil. Cependant, cette masse semblait ponctuelle – comme c’est le cas pour les IMBH – ou au mieux avec une très faible extension.

L’interprétation la plus simple serait que l’excès de masse soit bien ponctuel et que Messier 4 contient un IMBH en son centre, ce qui constituerait la meilleure évidence à partir des mouvements des étoiles entourantes à ce jour pour un IMBH de masse entre 200 et 10.000 masses solaires. L’autre hypothèse est que l’excès de masse serait causé par un sous-amas d’objets compacts totalisant près de mille masses solaires sur une très faible étendue5 , impliquant une très forte densité, difficile à concevoir à cette échelle6 .

  • 1En effet, plus il y a de la masse en un endroit, plus les vitesses seront grandes autour, comme l’avait démontré Newton en 1687.
  • 2NASA et ESA
  • 3ESA
  • 4Ils étaient formés par des remnants d'étoiles, tel comme des petits trous noirs ou des naines blanches.
  • 5Environ 1% de la distance du Soleil à l’étoile la plus proche, Proxima Centauri.
  • 6L'équipe d’astronomes n’est pas arrivée à reproduire un sous-amas aussi compact à l’intérieur d’un amas globulaire, au moyen de simulations à très haute résolution de l’évolution des positions et des vitesses des étoiles de Messier 4.

Légende

Mouvements des étoiles autour du centre de l’amas globulaire Messier 4, mesurés par Hubble. Plus les flèches sont grandes, plus l'étoile se déplace rapidement. La croix orange représente le centre (où pourrait se trouver le trou noir de 800 masses solaires) et le cercle hachuré montre la zone où ce trou noir hypothétique influence les vitesses de manière importante.

Laboratoire CNRS impliqué

Institut d’Astrophysique de Paris (IAP) 

Tutelles : CNRS / Sorbonne Université. 

Image de Sagittarius A*, le trou noir au centre de la Voie Lactée. © EHT/ESO

Pour en savoir plus

Vitral, Libralato, Kremer, Mamon, Bellini, Bedin, & Anderson 2023, Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 522, 5740, An elusive dark central mass in the globular cluster M4

Chasser des trous noirs dans un cimetière d'étoiles | INSU (cnrs.fr)

 

Contact

Gary Mamon
Astronome à l'Institut d’astrophysique de Paris (IAP) (Sorbonne Université / CNRS)