Imagerie du manteau sous le point chaud de La Réunion

Résultat scientifique Terre Solide

Une équipe de chercheurs met en évidence la présence inattendue de manteau anormalement chaud dans l'asthénosphère, probablement alimentée par un panache profond sous le point chaud de La Réunion. Ce résultat a été obtenu à partir des données sismologique collecté par le projet franco-allemand RHUM-RUM (2012-2016), qui ) avait pour objectif d'imager la structure du manteau sous La Réunion et plus largement sous le sud-ouest de l'océan Indien.

Carte de localisation des stations sismologiques dans le SW de l'océan Indien: rouge: stations RHUM-RUM, bleu: stations projet US MACOMO (P.I. M. Wyssession), vert: stations projet allemand SELASOMA (P.I. F. Tillmann, GFZ Potsdam), jaune: stations permanentes.

Depuis plus de 40 ans, les volcans de points chauds sont au centre de discussions animées, autour de leurs origines en profondeur (zone de transition 410-660 km? limite noyau-manteau à 2900 km?), du mode d'ascension des panaches mantelliques vers la surface, de leurs interactions avec les plaques tectoniques, et de leurs liens avec les effusions massives de basalte.

Pour apporter des contraintes observationnelles à ces questions, le projet sismologique franco-allemand RHUM-RUM (2012-2016) avait pour objectif d'imager la structure du manteau sous La Réunion et plus largement sous le sud-ouest de l'océan Indien, depuis la croûte jusqu'au noyau afin de déterminer la géométrie et l'origine du panache mantellique, et ses possibles interactions avec la lithosphère.

57 stations sismologiques de fond de mer allemandes et françaises ont été déployées en octobre 2012 autour de La Réunion et sur les rides centrale et sud-ouest indienne avec le navire français Marion Dufresne, puis récupérées en novembre 2013 par le navire allemand Meteor. Le dispositif marin a été complété par des stations terrestres à Madagascar, aux Seychelles, Maurice, Rodrigues, les îles Éparses ainsi que sur La Réunion. L'enregistrement passif de la sismicité régionale et globale par l'ensemble de ces stations terrestres et de fond de mer a été utilisé pour effectuer l'imagerie 3D des structures du manteau supérieur (tomographie) et pour cartographier les mouvements de matière dans le manteau (anisotropie).

Mise à l'eau d'un OBS large bande du parc INSU-IPGP

Un chenal asthénosphérique entre le point chaud de La Réunion et la ride centrale Indienne

Par la tomographie sismique d'ondes de surface, les auteurs mettent en évidence un "chenal" lent (chaud) entre la Réunion et la ride centrale indienne, situé sous la plaque océanique entre 80 et 200 km de profondeur, allongé selon la direction est-ouest, d'une épaisseur d'une centaine de km et d'une longueur minimum d'un millier de km. Le flux de matière cartographié par l'anisotropie des ondes de surface et de volume (SKS) montre une direction dominante est-ouest, suggérant une alimentation partielle de la ride médio-océanique par le point chaud de La Réunion 1000 km à l'ouest, et confirme les mesures géochimiques qui montrent que les basaltes échantillonnés par dragage à l'axe de la ride ont des signatures similaires à celles des basaltes du point chaud de La Réunion.

Fluage de l'asthénosphère sous le SO de l'océan Indien. Le bloc 3D schématise le flux asthénosphérique forcé entre La Réunion et la ride centrale indienne. Les points rouges indiquent la localisation des OBS et les traits noirs les directions d'anisotropie. La carte présente les anomalies de vitesses à 140 km de profondeur, et les directions rapides d'anisotropie (segments noirs). MBAR indique le "Mascarene Basin Asthenospheric Reservoir" qui s'étale sous la lithosphère et sous la ride centrale indienne.

Une anomalie asthénosphérique de grande ampleur sous le bassin des Mascareignes

De façon inattendue, l'étude met également en évidence un vaste réservoir de manteau asthénosphérique anormalement chaud sous le bassin des Mascareignes, au nord de La Réunion, d'une centaine de km d'épaisseur et qui s'étale sous la lithosphère africaine et indienne sur une étendue de plus de 2000x2000 km2. Les auteurs proposent que cette anomalie résulte d'une "bulle" de manteau remontée des profondeurs et actuellement bloquée sous les plaques tectoniques. Cette anomalie asthénosphérique invisible depuis la surface est fortement anisotrope, indiquant un écoulement actif vers l'est et le sud-est qui passe en grande partie sous la ride centrale indienne et alimente l'asthénosphère de la plaque indienne. Contrairement à la plaque Pacifique où existe un fort couplage entre le mouvement de la plaque et les courants de convection sous-jacents, le flux observé sous cette région de l'océan Indien implique un fort découplage entre le mouvement des plaques et celui de l'asthénosphère.

Références

Barruol, G., Sigloch, K., Scholz, J.-R., Mazzullo, A., Stutzmann, E., Montagner, J.P., Kiselev, S., Fontaine, F.R., Michon, L., Deplus, C. & Dyment, J. Large-scale flow of Indian Ocean asthenosphere driven by Réunion plume, Nature Geoscience (2019) doi:10.1038/s41561-019-0479-3.

Pour en savoir plus : http://www.rhum-rum.net

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Guilhem Barruol
IPGP