ICOS, boussole pour la recherche et l’action climatique
Il est d'ores et déjà assuré que notre futur sera fortement impacté par le changement climatique en cours. S’il n’est plus temps d’éviter ce bouleversement écologique majeur, du moins est-il encore possible d’en limiter la portée. Signé en 2015 à l’occasion de la vingt-et-unième Conférence des Parties, l’accord de Paris prévoit de contenir l'augmentation de la température moyenne mondiale sous la barre des 2°C. Pour ce faire, il est nécessaire que nos sociétés réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre de 40 à 70%. Dans cette entreprise, l’infrastructure de recherche européenne ICOS – Integrated Carbon Observation System – est d’une aide précieuse. Portée par le CNRS, le CEA, l'INRAE, l'Université de Versailles-Saint Quentin et l'ANDRA, cette infrastructure mesure en effet les gaz à effet de serre dans l’atmosphère, les continents et les océans,
Michel Ramonet, responsable du réseau ICOS-France nous présente ce pilier de l’action climatique.
Comment l’infrastructure ICOS est-elle née ?
La perturbation du cycle global du carbone a été mise en lumière par le chercheur américain Charles David Keeling. En 1957, il installe des instruments de mesure du CO2 sur une île du Pacifique à Mauna Loa et au Pôle Sud, et constate que les teneurs atmosphériques de dioxyde de carbone augmentent d’une année sur l’autre. Cette perturbation de la composition de l’atmosphère terrestre pousse la communauté internationale à constituer un réseau d’observation mondial des concentrations atmosphériques de gaz à effet de serre, afin de suivre précisément leur évolution, et d’en comprendre les causes. 60 ans plus tard, ce réseau a bien grandi...! En 2008, les stations de mesures installées en Europe se regroupent pour initier la création d’ICOS, une infrastructure de recherche européenne coordonnant les observations et les mesures de l’évolution du climat et des gaz à effet de serre sur le vieux continent. Aujourd’hui, cette entité mobilise plus de 500 chercheurs et ingénieurs dans 17 pays européens, et constitue un outil scientifique phare de la lutte contre le changement climatique.
Qu’observe-t-on précisément au sein des stations de mesure atmosphériques du réseau ?
Depuis les années 60, nos connaissances sur le cycle du carbone ont beaucoup progressé ! On sait désormais que la moitié des gaz à effet de serre libérés dans l’atmosphère par les activités humaines sont absorbés par les océans et par les écosystèmes terrestres. Ils sont ce que l’on appelle des « puits de carbone ». Cependant, les processus de stockage du CO2 au sein de ces différents milieux restent encore très incertains. De plus, on ignore encore les conséquences qu’aura sur eux le changement climatique en cours. Il s’agit donc d’étudier les échanges gazeux entre les différents puits de carbone de notre planète et son atmosphère. Regroupées en trois réseaux complémentaires, les stations ICOS mesurent ainsi en continu les flux et les concentrations en dioxyde de carbone, méthane et oxyde nitreux dans l’atmosphère, les océans et à la surface des continents.
De quels instruments ces stations sont-elles dotées ?
Trois réseaux complémentaires dévolus à trois thématiques bien spécifiques correspondent à trois types de stations différentes. Pour le réseau « atmosphère », la mesure des gaz à effet de serre dans l’atmosphère se fait au sommet de tours de 100 à 300 mètres de hauteur, ainsi qu’au sommet de montagnes tel que le puy de Dôme. Pour le réseau « écosystèmes », le suivi des échanges gazeux entre l’atmosphère et les surfaces continentales est réalisé depuis une petite centaine de stations, implantées au sein de différents écosystèmes représentants les grands types de végétation (prairies, forêts, cultures et tourbières). Enfin, pour le réseau « océan », les flux atmosphère – océan sont quantifiés depuis bateaux et stations fixes. Les protocoles de mesure et les instruments utilisés sont les mêmes dans chaque station de ces trois réseaux. Ces standards assurent la cohérence de l’ensemble des données récoltées sur les différents sites, et ont été définis en collaboration avec l’ensemble de la communauté scientifique.
En quoi l’infrastructure ICOS est-elle innovante ?
L’observation est primordiale pour comprendre et anticiper les bouleversements écologiques causés par le changement climatique en cours. Les chercheurs qui travaillent sur ces questions ont besoin de données pour nourrir et améliorer leurs modèles, c’est le nerf de la guerre ! A ce titre, ICOS constitue un exemple remarquable de coopération de la communauté scientifique. A la qualité et à la quantité des données collectées par le réseau, s’ajoute la multiplicité des disciplines intégrées au projet. La coopération entre les différentes communautés de chercheurs – climatologues, biogéochimistes, écologues, océanologues, et j’en passe… – constitue un levier important de la lutte contre le changement climatique. ICOS est l’outil approprié pour étudier le cycle du carbone dans toute sa complexité : flux de gaz à effet de serre d’origine naturelle et d’origine anthropique, échanges gazeux entre l’atmosphère et les écosystèmes continentaux et marins, réponse de ces écosystèmes aux variations climatiques…
Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ?
A terme, l’objectif principal est, vous l’aurez compris, de fournir à la communauté internationale les moyens d’évaluer l’impact des politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre mises en place. Plus spécifiquement, le réseau ICOS a vocation à participer activement à la mise en place et à l’évaluation d’actions dans les secteurs agricole et forestier, ainsi qu’à l’échelle des pays et des villes. Le suivi minutieux des flux de carbone naturels et anthropiques et de leur impact dans l’atmosphère sera une aide indispensable au développement de politique de réductions des émissions de gaz à effet de serre.