Hommage à Paul Tapponnier
C’est avec une profonde tristesse que l’INSU a appris la disparition de Paul Tapponnier à Pékin le 24 Décembre 2023.
Paul Tapponnier, né le 6 Janvier 1947 à Annecy (France), a été un pionner de l’étude de la déformation des continents.
C’était avant tout un extraordinaire géologue de terrain qui, armé des techniques les plus récentes, lisait l'histoire de la Terre dans les paysages et les roches et savait développer des concepts simples pour expliquer ses observations. Son utilisation pionnière des images satellites a conduit à la fin des années 1970 à la publication de la première carte des failles actives à l’échelle de l’Asie centrale montrant de grands décrochements jusqu’alors passés inaperçus. Ces observations combinées à une approche physique des déformations, à des modèles analogiques et plus récemment numériques, l’ont conduit à proposer un modèle où le Tibet est expulsé en deux phases vers l’Est sous la poussée de l’Inde, provoquant l’ouverture de bassins marginaux. En collaboration étroite avec les géologues chinois, népalais et d’autre pays son travail a permis de décrire les ruptures de surfaces de nombreux anciens tremblements de terre et de quantifier les vitesses de nombreuses failles quaternaires au Tibet, dans l’Himalaya, en Afar, en Afrique du Nord, au Proche Orient, en Méditerranée et en Amérique du Nord. Il a également travaillé sur les subductions et la source des tsunamis dans les Antilles et en Indonésie. Il avait cette capacité exceptionnelle d’intégrer le contexte géologique des déformations actives et donc d’appréhender des échelles de temps très variées. Il a encadré de nombreux étudiants en thèse qui se souviendront de sa rigueur, ainsi que de sa créativité. Il a été co-auteur de plus de 370 publications, dont certaines ont marqué l’histoire de la tectonique des plaques.
Ingénieur civil des mines de Paris en 1970, il obtient le doctorat ès sciences en 1978 à l’université de Montpellier sous la supervision de Maurice Mattauer et incluant un séjour de deux ans avec Peter Molnar au Massachusetts Institute of Technology (1973-1975). Il entre à l'Institut de physique du globe de Paris en 1980 où il fonde le Laboratoire de tectonique, mécanique de lithosphère. Il prend part aux premières explorations géologiques franco-chinoises du Tibet, qui seront suivies par de très nombreuses autres missions. A partir de 2009, il travaille à la Nanyang Technological University de Singapour, et depuis 2019 au National Institute of Natural Hazards à Pékin.
Il a reçu de nombreuses distinctions tant scientifiques que civiles, notamment la médaille d’argent du CNRS (1984), la médaille Alfred Wegener (European Geological Union, 1985), le grand prix scientifique de la ville de Paris en 1990, Fellow of American Geophysical Union (1994), Francis Birch Lecturer (American Geophysical Union, 1999), la médaille Lyell (Geological Society of London, 2001). Il était membre de l'Académie des sciences de Paris dans la section Sciences de l'univers (2005, correspondant depuis 1994), de l’American National Academy of Sciences (2005), membre honoraire de la Geological Society of London, (2008), Einstein Professor de la Chinese Academy of Sciences (2011), et membre honoraire de la Nepal Geological Society (2012). Il a été nommé Chevalier de la légion d’honneur en 1996 et a reçu le Friendship Award du gouvernement chinois en 1998.
L’INSU s’associe à la tristesse de ses amis et collègues et à la douleur de ses proches.