Composition Colorée Météosat (Hotvolc, LMV-OPGC) « Eruption de l'Eyjafjöll, 19 avril 2010, 09h00 TU (données MSG).

© (Hotvolc, LMV-OPGC/INSU-CNRS).[...]
Composition Colorée Météosat (Hotvolc, LMV-OPGC) « Eruption de l'Eyjafjöll, 19 avril 2010, 09h00 TU (données MSG).

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Eruption de l'Eyjafjöll (Islande)

Terre Solide

Depuis le 14 avril dernier, le volcan islandais Eyjafjöll perturbe l'espace aérien et l'activité de l'Europe de l'Ouest. Le Laboratoire Magmas et Volcans (LMV, Université Blaise Pascal, INSU-CNRS, OPGC), effectue un suivi des caractéristiques et de la dispersion du panache de cendres en temps quasi-réel par télédétection satellitale. Un membre du laboratoire Olgeir Sigmarsson, présent lors de la 1ère phase de l'éruption en mars 2010, est reparti le 15 avril pour suivre la phase en cours. Lien : HOTVOLC Eruption en cours de l'Eyjafjöll (Islande)

Historique de la crise

Les premiers signes de la crise ont été observés en avril 2009 avec un essaim sismique à 20-25 km de profondeur sous le volcan Eyjafjöll. L'éruption du 20 mars a été précédée de quelques semaines d'une intense sismicité, plus superficielle, et d'un fort taux de déformation selon l'Institute of Earth Sciences d'Islande.

Une éruption s'est produite entre le 20 mars et le 13 avril à un évent excentrique, situé entre les volcans Eyjafjöll et Katla. Cette phase a duré jusqu'au 12 avril puis le 13, des séismes ont été enregistrés sous l'Eyjafjöll où l'éruption actuelle a commencé le 14 avril.

Il est à noter que toutes les éruptions historiques de l'Eyjafjöll (1612 et 1821) ont été suivies par une éruption du volcan voisin, le Katla, dont la dernière éruption confirmée date de 1918, alors qu'il a eu en moyenne 2 éruptions par siècle durant le dernier millénaire.

Suivi satellital de l'éruption par le service HotVolc

HotVolc utilise les satellites météorologiques Météosat Seconde Génération (MSG). Grâce à la très haute répétitivité temporelle (une image toutes les 15 minutes) et grande couverture spectrale (12 canaux du visible à l'infrarouge) de leur capteur SEVIRI (Spinning Enhanced Visible and InfraRed Imager), ces satellites représentent de formidables outils pour la détection, la surveillance et l'analyse des anomalies volcaniques, anomalies thermiques au sol et panaches de cendres volcaniques. L'intérêt des données à basse résolution spatiale et haute résolution temporelle des satellites géostationnaires a été démontré dans la surveillance quasi temps réel de l'activité volcanique. Des capteurs à bord de satellites à défilement sont aussi utilisés, comme Terra-MODIS, ASTER, Aura-OMI...

Le service HOTVOLC est un service d'observation temps réel des anomalies thermiques de divers volcans et du suivi et de la quantification des panaches de cendres associés. Une convention permettant la réception et le droit à l'utilisation temps réel des données MSG a été signée entre EUMETSAT (European Organisation for the Exploitation of Meteorological Satellites), MétéoFrance et l'OPGC, avec installation, début 2009, d'une station de réception des données MSG au sein de l'OPGC. Dans ce cadre, le service HOTVOLC assure le suivi de l'éruption en cours de l'Eyjafjöll (Islande).

Analyses spatiales quantitatives

La discrimination des nuages éruptifs repose sur des différences de leur propriétés optiques par rapport à celles des nuages atmosphériques dans l'Infra Rouge. Les cendres volcaniques sont détectées par différence négative des températures de brillance (BTD<0) entre les bandes spectrales centrées à 11 et 12µm (infrarouge thermique), alors que l'eau et les cristaux de glace sont mis en évidence par des BTD>0.

Composition Colorée Météosat (Hotvolc, LMV-OPGC) « Eruption de l'Eyjafjöll, 19 avril 2010, 09h00 TU (données MSG). © (Hotvolc, LMV-OPGC/INSU-CNRS).
Des images RGB de compositions colorées complexes, c'est-à-dire qu'à chaque couleur primaire on associe une image prise dans une longueur d'onde précise, ou une différence d'images prises à deux longueurs d'ondes différentes, peuvent être réalisées pour mettre en évidence la présence de différents composés du panache éruptif. Ici, les longueurs d'ondes utilisées sont 8.7µm, 10.8µm et 12µm, ce sont des longueurs d'ondes dites de l'infrarouge thermique.

Des modèles d'inversions des données satellites, basés sur les propriétés d'absorption et de diffusion des cendres volcaniques, permettent l'estimation quantitative, au premier ordre, de la teneur des différents produits de l'éruption

Le suivi de l'éruption par satellite

Les premiers signes d'activité éruptive de l'Eyjafjöll détectés par méthodes satellitales remontent au 14 avril 2010, et se sont manifestés par l'émission de grandes quantités de vapeur d'eau dans l'atmosphère. Celle-ci résulte de l'interaction de la lave en fusion avec le glacier sus-jacent, et explique la forte explosivité du dynamisme de l'éruption en cours.

L'activité du 15 avril constitue jusqu'à présent la phase éruptive la plus intense avec de fortes émissions de cendres, responsables de la perturbation du trafic aérien.

On notera que les concentrations du panache de cendres à l'Est de la Norvège et au Sud du Royaume-Uni sont faibles, passant sous le seuil de détection des capteurs satellitaux. L'estimation de leur dispersion au-delà, sous une forme très diluée, repose sur d'autres techniques (lidar sol, modélisation de la dispersion des nuages, ...).

Les estimations quantitatives, calculées à partir des données Terra-MODIS, le 15 avril à 11h35 TU, révèlent une quantité de cendres minimum transportées dans le panache de 120 kilotonnes environ. A cet instant, le panache de cendres s'étend jusqu'à la Norvège. La température de surface du panache de cendres est estimée à environ -30°C, compatible avec une altitude de panache de 5-7km.

Une partie de la vapeur d'eau émise en grande quantité dans l'atmosphère par l'éruption s'est recondensée en gouttes d'eau, qui cristallisent sous forme de cristaux de glace lorsque la température du nuage devient très négative. De plus, la présence importante de cendres de taille micrométrique (rayon moyen ∼ 5µm), a aussi pour effet de favoriser la nucléation et l'accroissement des gouttelettes d'eau (rayon moyen ∼ 20µm). La quantité d'eau et de glace mesurée à partir des données Terra-MODIS dans le panache, est estimée à plus de 4000 kilotonnes (15 avril 2010, 11h35 TU).

Enfin, cette éruption est riche en gaz, comme en témoigne la grande quantité de SO2 émise le 15 avril (11h35 TU) estimée à partir des données satellitales Aura-OMI (Ultra-violet) à près de 10 kilotonnes. Les 16,17 et 18 avril, l'activité décroit légèrement, avec des fluctuations à plus courtes échelles de temps. Entre le 18 et le 19 Avril, le tremor sismique augmente significativement (Sources: VAAC de Londres; DGAC; EUROCONTROL; Mila.is), et s'accompagne d'une recrudescence du panache volcanique en surface.

Les hypothèses sur l'alimentation des éruptions

© (LMV-OPGC/INSU-CNRS).
Durant la première phase (30 mars-12 avril) un magma de composition de basaltique, dit de type primitif, a été émis. Cette composition renforce l'hypothèse d'une arrivée de magma profond suggérée par les séismes profonds de 2009. Les verres interstitiels de ce basalte primitif ont la même composition en éléments majeurs que les basaltes évolués du volcan Katla.

Les premiers tephra (cendres issus de magma pulvérisé par l'éruption) de la deuxième phase (14 avril) ont une composition intermédiaire entre celles de la dacite (lave moins riche en magnésium et calcium que le basalte) de l'éruption de 1821 et les basaltes du Katla (diagramme) et, dès le 15 avril, on note que cette composition se déplace vers le pôle des basaltes du Katla (info. Institute of Earth Sciences d'Islande). On peut donc proposer un scenario pour expliquer la composition des magmas émis.

Le magma primitif émis en début d'éruption a, d'une part, évolué par cristallisation (~50%) et, d'autre part, en migrant sous le volcan Eyjafjöll, il a remobilisé des intrusions dacitiques stagnant depuis l'éruption de 1821. Le 14 avril, les deux magmas étaient mélangés en proposition égale, puis le magma primitif est devenu prépondérant.

La forte explosivité actuelle est due à la fois à la contribution de la composante dacitique (plus forte teneur en gaz, donc plus forte explosivité) et au contact thermique entre le magma et le glacier. L'affaiblissement de la composante dacitique et la disparition du glacier au-dessus de l'éruption sont les deux paramètres qui pourront conduire à une disparition ou diminution du panache troposphérique. On peut estimer que si le magma de l'éruption atteint une concentration en MgO d'environ 4%, la production d'un panache important ne dépendra que de l'évolution de l'interaction entre le magma et le glacier.

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Volcanologie

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