Des traces de séismes dans l’océan profond dévoilées !
Lorsqu’un grand séisme se produit à terre, le glissement sur la faille peut décaler la surface de plusieurs mètres sur des dizaines de kilomètres. Géologues et tectoniciens s’empressent alors de cartographier la rupture avant que l’érosion n’en estompe la trace. Ces cartes de déplacement sont cruciales pour comprendre la dynamique du glissement sismique, et quantifier les risques associés aux failles actives, en complément des études sismo-géodésiques. Elles sont toutefois beaucoup plus difficiles à établir lorsqu’un séisme survient en mer, comme c’est le cas pour plus de deux tremblements de terre sur trois.
La campagne SUBSAINTES et le projet ANR SERSURF ont permis de réaliser la première cartographie exhaustive d'une rupture au plancher océanique, en utilisant des engins sous-marins profonds, et des nouvelles techniques d'imagerie du fond marin en 3D. Le séisme de magnitude 6,4 des Saintes s'est produit le long de la faille de Roseau, entre l’archipel des Saintes et la Dominique, le 21 novembre 2004. Celui-ci a causé un déplacement vertical relatif du fond de la mer qui a généré un petit tsunami impactant les régions avoisinantes.
Grâce à des images collectées par le véhicule télé-opéré (ROV) VICTOR 6000, et des reconstructions 3-D de très haute résolution du relief sous-marin, une équipe de scientifiques dont des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré), a pu caractériser la nature et la géométrie de cette rupture co-sismique et la mesurer avec une précision de quelques centimètres. Les scientifiques ont montré que la rupture dépasse par endroit 2,5 mètres, et s'étend sur une distance d'environ 20 km à la base d’un escarpement façonné par le glissement cumulé de la faille.
Ce séisme a également provoqué des glissements de terrain tout le long de l'escarpement, qui recouvrent par endroit la rupture co-sismique. Les observations réalisées lors de la campagne SUBSAINTES suggèrent ainsi que les glissements de terrain déclenchés par l’activité sismique sont l’agent principal d’érosion des paysages volcaniques sous-marins, comme ceux formés aux dorsales océaniques. Les engins sous-marins profonds, les nouvelles méthodes d'exploration des fonds marins et les techniques d'imagerie du plancher océanique ouvrent ainsi la voie à de nouvelles études sur les ruptures sismiques en haute mer, offrant une opportunité de combler cette lacune observationnelle majeure.
Laboratoires impliqués
Laboratoires CNRS Impliqués :
- Institut de physique du globe de Paris (IPGP)
Tutelles : CNRS / IPG / Université Paris Cité
- Laboratoire de géologie de l'Ecole Normale Supérieure (LG-ENS - ECCETERRA)
Tutelles : CNRS / ENS -PSL
- Laboratoire Géoazur (Géoazur - OCA)
Tutelles : CNRS / IRD / OCA
- Laboratoire de Géologie de Lyon : Terre, Planètes, Environnement (LGL-TPE - OSUL)
Tutelles : CNRS / ENS Lyon / Univ. Claude Bernard
- Géosciences Paris-Saclay (GEOPS)
Tutelles : CNRS / Université Paris Saclay
Autres institutions participant à la campagne et cosignant l’article :
- IFREMER, Unité Syst. Marins
- Computer Vision and Robotics Institute, University of Girona, Girona, Spain
- Department of Earth Sciences, Memorial University of Newfoundland, Canada
- iXblue, Sea Operations division
- University of Bergen Centre for Deep Sea Research, Bergen, Norway
Légende
Modèle de terrain tridimensionnel de la faille de Roseau avec texture d'image (en haut) et avec relief ombré (en bas). Le séisme de 2004 est enregistré par une bande nouvellement exposée du plan de faille et à la base de la falaise. Cette bande est claire et dépourvue de la couche sombre de manganèse déposée sur la surface de faille en contact avec de l’eau de mer et pendant des longues périodes. La bande montrant ce déplacement cosismique est recouverte localement de sédiments et de débris, déposés immédiatement après le séisme.
Légende
Carte de la faille de Roseau (en haut) montrant la position des différents modèles de terrain tridimensionnels issus de la mission SUBSAINTES. Les observations du ROV Victor nous permettent d'identifier différents marqueurs de déformation associés au séisme de 2004 et de mesurer le déplacement vertical du plancher océanique le long de la faille de Roseau (en bas), avec un maximum d’environ 2.5 m. Le déplacement observé est aussi considérablement supérieur aux prédictions à partir de modèles sismiques, démontrant le besoin d’observations in situ pour étudier les ruptures sismiques et évaluer les risques associés aux failles actives sous-marines.
Pour en savoir plus
Hughes, A., J. Escartín, J. Billant, F. Leclerc, M. Andreani, J.-A. Olive, A. Arnaubec, A. Dano, A. Delorme, C. Deplus, N. Feuillet, C. Gini, N. Gracias, C. Hamelin, K. Istenič, J.-C. Komorowski, A. Le Friant, C. Marchand, C. Mével, S. Lie Onstad, X. Quidelleur, Linking seafloor earthquake ruptures and mass wasting along submarine normal faults, Communications Earth & Environment, Juillet 2023.