Des chercheurs du CESBIO et du LOCEAN récompensés pour leurs contributions à la mission spatiale pionnière SMOS
Yann Kerr, directeur de recherche CNES émérite au CESBIO, et Jacqueline Boutin, directrice de recherche CNRS au LOCEAN, sont lauréats de la médaille de vermeil de l'Académie de l'Air et de l'Espace. Cette médaille récompense des personnalités ou des équipes ayant eu une activité remarquable dans le domaine de l'Aéronautique ou de l'Espace.
Dans le cadre du programme Earth Explorer de l’ASE (Agence Spatiale Européenne) la mission SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity) a été sélectionnée comme deuxième mission en 1999 et mise en orbite le 2 novembre 2009. Elle est toujours opérationnelle mi 2024.
Le nom même de la mission résume bien les objectifs, fortement reliés au cycle de l’eau sur Terre. En effet, l'humidité de surface (SSM, Surface Soil Moisture) est une variable climatique essentielle (ECV, Essential Climate Variable) : quantité incontournable en matière de prévision du temps, sa qualité de condition aux limites terre-atmosphère lui assigne un rôle de premier plan dans de multiples processus et applications . La salinité à la surface de l’océan (SSS, Sea Surface Salinity) est également reconnue comme une ECV : acteur essentiel des échanges océan-atmosphère et de la circulation océanique parce qu’elle détermine, avec la température, la densité de l’eau de mer, et témoin des flux d’eau douce échangés entre l’océan et les autres réservoirs d’eau terrestres (atmosphère, continents, cryosphère).
La solution technique retenue pour cette mission est hardie : l'instrument SMOS est un radiomètre opérant dans la bande L des microondes (1,4 GHz), utilisant une antenne interférométrique, la seule spatialisée à ce jour. Les 69 éléments de l'interféromètre sont répartis le long de 3 bras. On peut ainsi atteindre (au prix d'une complexité sur le traitement des données) une résolution angulaire équivalente à celle d'une antenne réelle de 8 mètres de diamètre, et cela moyennant un poids et un encombrement acceptables pour un satellite de taille modeste.
Qui plus est, l'interféromètre est un imageur bidimensionnel, de sorte que le rayonnement issu de chaque point à la surface peut être mesuré, à mesure que le satellite décrit sa trajectoire, selon une gamme d'angles d'incidence. Cet avantage, unique, donne accès à l'épaisseur optique de la zone atmosphérique traversée, c'est-à-dire pour l'essentiel celle du couvert végétal (VOD, Vegetation Optical Depth). Avec le soutien d’une large équipe constituée d’ingénieurs du CNES, de l’ESA et du Centro Para el Desarrollo Tecnológico Industrial (CDTI) en Espagne, ainsi que de très nombreuses équipes scientifiques du monde entier, la mission a permis des avancées majeures dans divers domaines parfois insoupconnés. qui vont du « space weather » aux ouragans, du suivi du permafrost ou des calottes polaires et glaces de mer à celui du bilan de carbone de la forêt tropicale et du suivi de la déforestation, dess flux air-mer de CO2 aux sécheresses...
Yann Kerr a commencé à travailler sur ce concept à la fin des années 80 et est à l’origine du projet dont il est le principal investigateur et a donc suivi toutes les étapes du développement à l’exploitation et la valorisation. Jacqueline Boutin a de son côté travaillé depuis le début des années 2000 sur la démonstration des capacités de SMOS sur les océans. S’ils sont les récipiendaires de cette médaille ils tiennent à souligner qu’ils ne sont que les représentants d’une large communauté scientifique française et souhaitent notamment associer Philippe Waldteufel (CNRS) , Nicolas Reul (IFREMER) et Achim Hahne (ESA) à cette récompense.