L'orbite des planètes se déforme avec le temps et de possibles instabilités dans le Système Solaire interne étaient démontrées théoriquement et sont confirmées récemment par des observations géologiques. © JACOPIN / BSIP

Chaos dans le Système Solaire et événements climatiques extrêmes ?

Résultat scientifique Univers Terre Solide

Le mouvement des orbites des planètes internes est chaotique (Laskar, 1989). Une des expressions du chaos est la mise en évidence dans les modèles astronomiques de plusieurs termes résonnants incluant des périodicités orbitales de quelques millions d’années (Ma). A cause du chaos, ces "grandes" cyclicités orbitales ont subi des variations de leurs périodicités dans le passé géologique, au-delà de ~45 Ma, et ne peuvent être détectées que dans les archives sédimentaires.

L'orbite des planètes se déforme avec le temps et de possibles instabilités dans le Système Solaire interne étaient démontrées théoriquement et sont confirmées récemment par des observations géologiques. © JACOPIN / BSIP

A travers l’analyse des cyclicités orbitales dans un enregistrement sédimentaire marin encadrant la limite Paléocène-Éocène nous démontrons, à l’âge de l’événement Paleocene-Eocene Thermal Maximum (PETM) il y a ~56 Ma (Zachos et al., 2005), un changement marquant d’une périodicité de 2,3 Ma caractérisant l’excentricité de l’orbite terrestre (Figure A) et définissant un terme résonnant qui lie l’orbite de la Terre à celle de la planète Mars (Laskar et al., 2004). L’analyse de plusieurs solutions astronomiques montre également une remarquable transition chaotique à ~56 Ma via la cyclicité de 2,3 Ma (Figure B,C,D), renforçant ainsi l’observation géologique.

Enregistrements géologique (A) et astronomique (B–D) de la perturbation de périodicité de l’excentricité de 2,3 Ma à l’âge ~56 Ma coïncidant à celui du début de l’événement PETM. © Slah Boulila

Le PETM est un événement paléoclimatique-paléocéanographique caractérisé par une augmentation de la température atmosphérique globale de ~5 °C sur une courte période inférieure à 10000 ans, une acidification de l’océan globale, et des majeurs turnovers biotiques affectant plusieurs organismes marins. La cause originelle de ces perturbations paléo-environnementales était la dissociation des réservoirs d’hydrate de méthane (CH4)1 , source majeure de CO2 (par oxydation de CH4). Nous suggérons ainsi que le raccourcissement instantané de la périodicité astronomique, de 2,3 Ma à 1.1 Ma (Figure A), pourrait perturber/augmenter brutalement le flux d’insolation, et contribuait donc à la déstabilisation des réservoirs de CH4 pendant une période (PETM) montrant déjà une forte hausse de température globale (Boulila, 2019).

  • 1Réservoirs piégés dans les couches superficielles de sédiments du fond océanique, ou dans les sols des régions polaires (pergélisol). Ils sont stables à forte pression et basse température.

Laboratoire CNRS impliqué

  • L’Institut des sciences de la Terre de Paris (ISTeP- ECCETERRA)

Tutelles : CNRS / Sorbonne Université

Pour en savoir plus

Dutkiewicz, A., Boulila, S. & Dietmar Müller, R. Deep-sea hiatus record reveals orbital pacing by 2.4 Myr eccentricity grand cyclesNat Commun 15, 1998 (2024). 

 

Références citées dans le texte :

Boulila, S., 2019. Coupling between grand cycles and events in Earth’s climate during the past 115 million years. Sci. Rep. 9, 327.

Laskar, J. A numerical experiment on the chaotic behaviour of the Solar System. Nature 338, 237-238 (1989).

Laskar, J. et al., 2004. A long-term numerical solution for the insolation quantities of the Earth. Astron. Astrophys. 428, 261-285.

Laskar, J., Fienga, A., Gastineau, M. & Manche, H., 2011. La2010: a new orbital solution for the long-term motion of the Earth. Astron. Astrophys. 532, A89.

Zachos, J.C., et al., 2005. Rapid Acidification of the Ocean During the Paleocene-Eocene Thermal Maximum. Science 308, 1611-1615.

Contact

Slah Boulila
Enseignant chercheur à Sorbonne Université à l'Institut des sciences de la Terre de Paris (ISTeP - ECCETERRA)