Ces aérosols qui fertilisent la mer Méditerranée

Explorations

Pollution, feux, déserts, volcans, transformations de gaz en particules..., l’origine des particules - ou aérosols - que l’on retrouve dans l’atmosphère est diverse. Il en est donc de même de leur composition chimique. En retombant à la surface de la mer, soit par gravité, soit en étant entrainées par les gouttes de pluies, ces particules se dissolvent totalement ou partiellement et modifient ainsi la composition chimique de l’eau de mer.

Entourée par trois continents contrastés, la Méditerranée reçoit plusieurs centaines de milliers de tonnes d'aérosols sur sa surface chaque année, en particulier au large où les apports de matière par les rivières n’arrivent pas. Or chaque été, en raison du réchauffement des eaux de surface qui les isole des eaux plus profondes, la surface de la Méditerranée se vide naturellement de phosphore et d’azote dissous, deux nutriments majeurs essentiels à la croissance par photosynthèse du phytoplancton, les micro-algues à la base de la chaine alimentaire marine. Le dépôt d'aérosols peut alors constituer une source de nutriments pour ces zones appauvries et y maintenir le développement des microorganismes. Si des expériences in situ et en laboratoire ont montré un impact potentiel important du dépôt d'aérosols en Méditerranée, son effet à l'échelle de l'ensemble du bassin était jusque-là inconnu.

Pour la première fois, la modélisation a permis de simuler la réponse de la mer Méditerranée au dépôt d'aérosols. En effet, en couplant les volets de modélisation atmosphérique (ChArMEx) et de biogéochimie marine (MerMex) du programme MISTRALS, les scientifiques ont pu modéliser l'émission, la transformation dans l'atmosphère et le dépôt d'aérosols, en prenant en compte les spécificités biologiques et la variabilité spatiale et temporelle de la mer Méditerranée.

Les résultats ont montré que le dépôt de poussières désertiques impacte en priorité le sud et l'est du bassin, tandis que le dépôt de phosphore et d'azote issu des particules produite par les combustions naturelles et anthropiques est plus important dans le nord du bassin. Comme attendu, les effets du dépôt sur la composition des eaux de surface sont maximaux en été du fait de la stratification de la surface. L'augmentation de la concentration en phosphate peut aller jusqu'à 30% et les flux d'azote peuvent doubler la concentration en nitrate dans le sud du bassin. Ces événements de dépôt entraînent la levée des limitations en nutriments et une augmentation de la production biologique qui se répercute sur les premiers niveaux de la chaîne trophique. Suite au dépôt d’aérosols, la productivité primaire augmente de 5 à 30%, accompagnée par une augmentation de la biomasse du phytoplancton, des bactéries et du zooplancton. Par ailleurs, l’effet des dépôts sporadiques survenant après des tempêtes intenses de poussières ou de fortes précipitations semble durer plusieurs jours avant de retrouver les niveaux de productivité d'avant dépôt.

Ces résultats sont d’autant plus intéressants que les simulations pour les prochaines décennies montrent que l'augmentation de la température des eaux de surface en été va rendre la production biologique en Méditerranée de plus en plus dépendante du dépôt d'aérosols.

 

Auteures et auteurs

Camille Richon1 , François Dulac2 , Jean-Claude Dutay2

  • 1University of Liverpool
  • 2 a b LSCE (CEA)

Légende

Images satellites illustrant différents aérosols. a) Poussières désertiques prises le 8 avril 2013 par le satellite Aqua (NASA). b) Brouillard mêlé d’aérosols anthropiques dans la vallée du Po pris le 30 octobre 2014 depuis la station spatiale internationale (ISS041-E-104533). c) Fumées de feux de forêts en Grèce le 26 aout 2007 prises par le satellite Terra (NASA).       

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Au sein du programme MISTRALS, plus de 1000 scientifiques de 23 pays ont étudié l’environnement et les changements globaux dans et autour de la mer Méditerranée, et publié plus de 1500 articles scientifiques. Coordonné par le CNRS, Mistrals est un programme commun entre l’Ademe, le CEA, l’Ifremer, INRAE, l’IRD et Météo-France.  Retrouvez ici d'autres articles illustrant de ce grand programme. Lancé le 10 mars 2010, le programme de recherche Mistrals est arrivé à son terme. Retrouvez ici quelques articles illustrant ce grand programme.