Accélérer la transition énergétique : les objectifs de la COP26 au cœur des recherches d’Energy4Climate
En 2015, lors de la COP21, la quasi-totalité des pays du monde ont signé l’Accord de Paris. L’objectif : limiter le réchauffement en 2100 à 1,5°C afin d’éviter les conséquences dramatiques que provoquerait un réchauffement plus important.
Six ans plus tard, au moment de la COP26, où en est-on ? En France, plusieurs partenaires, dont le CNRS, ont créé le centre Energy4Climate afin de développer des solutions innovantes pour accélérer la transition énergétique et former les étudiants et professionnels sur ces questions.
Le programme de la COP26
La COP26 aura lieu du 31 octobre au 12 novembre à Glasgow. Flashback : En 2015, à la COP21 à Paris, tous les pays ont approuvé l’objectif de maintenir le réchauffement climatique sous 1,5°C d’ici à 2100 par rapport à l’ère préindustrielle. Pourquoi cette limite ?
- Avec un réchauffement de 2°C, l’ensemble des récifs coralliens et 18 % des insectes disparaitraient et 37 % de la population mondiale serait soumise, chaque année, à de fortes canicules.
- Avec 1,5°C d’augmentation, les récifs coralliens existeront toujours, 6 % des insectes auront disparu et 18 % de la population sera soumise à de fortes canicules.
Ces exemples montrent que 0,5°C de différence change énormément la face du monde en 2100. Mais si l’on continue sur notre trajectoire, c’est une augmentation de 3°C qui nous pend au nez pour 2100 !
À l’issue de la COP21, chaque pays a développé un NDC (Nationally Determined Contributions) pour détailler le programme de réduction de ses émissions, à remettre à jour tous les cinq ans. Cette année aura lieu la COP26 (retardée d’un an à cause de la pandémie) : en principe, il est donc temps de réévaluer les NDC. Pour l’instant, 80 pays l’ont fait … sur 200 !
La COP26 se fixe quatre objectifs :
1. Garantir la neutralité carbone d'ici à 2050 et garder le seuil de 1,5°C en vue
Pour rester sous 1,5°C, nous devons diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre au cours des dix prochaines années et avoir atteint la neutralité carbone en 2050. La neutralité carbone, ou "zéro émissions nettes", désigne la situation où les quantités de CO2 émises par les humains (essentiellement en brûlant les ressources énergétiques fossiles) sont égales aux quantités absorbées par les puits de carbone naturels. Pour rappel, le CO2 est aujourd’hui absorbé, environ pour moitié, par ces puits que sont la végétation, les sols et l’océan. L’autre moitié s’accumule dans l’atmosphère et est responsable du changement climatique. Pour arriver à la neutralité carbone, il faut donc à la fois réduire les émissions et augmenter la superficie des puits de carbone, comme les forêts et les zones humides.
2. S'adapter pour protéger les communautés et les habitats naturels
L’épuisement des ressources et les catastrophes naturelles menacent de plus en plus de gens chaque année. Il est urgent de mettre en place des systèmes de défense et d’alerte, et de construire des infrastructures et une agriculture résilientes afin de protéger les populations et limiter les dégâts. Pour partager leurs bonnes pratiques, il est essentiel que les pays produisent un résumé de leurs actions en cours et de celles prévues pour s'adapter aux effets du changement climatique. Ils sont également appelés à rejoindre l’Adaptation Action Coalition, lancée en 2021, ainsi que le Risk-Informed Early Action Partnership, qui s’engage à mieux protéger un milliard de personnes contre les catastrophes d'ici à 2025.
3. Mobiliser les finances
Les pays développés doivent tenir leur promesse de mobiliser au moins 100 milliards de dollars de financement climatique par an pour accompagner les pays en voie de développement. De façon plus globale, les finances publiques et privées du monde entier doivent investir dans la transition énergétique et repenser leurs modèles économiques.
4. Travailler ensemble pour atteindre les objectifs
Cela passe notamment par la finalisation du "règlement Règlement de Paris" nécessaire à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Pour cela, les participants à la COP26 souhaitent :
- Trouver une solution pour les marchés du carbone en créant un système solide de crédits carbone qui soutienne le passage à la neutralité carbone ;
- Résoudre les problèmes de transparence en mettant en place un système universel qui encourage tous les pays à respecter leurs engagements ;
- Négocier un accord qui incite les gouvernements à faire preuve d'ambition dans les années à venir pour ne pas dépasser 1,5°C.
La situation en France
En 2019, la France a émis environ 436 millions de tonnes équivalent CO2. Les émissions ont diminué de 1,9 % par rapport à 2018. Mais il faudrait qu’elles baissent deux fois plus vite pour atteindre les objectifs de la COP21, selon le haut conseil pour le climat (HCC), chargé d’évaluer la politique gouvernementale en matière de climat. En comptabilisant l’importation, la France a une empreinte carbone de 663 millions tonnes éqCO2, soit 10 tonnes éqCO2 par habitant. L’objectif est que chacun soit à 3-4 tonnes.
Pour réduire ses émissions, la France s’est dotée d’une feuille de route : la stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Elle fixe des objectifs et des budgets carbone pour chaque secteur.
Mais chaque pays européen va devoir renforcer ses efforts car l’Union européenne a renforcé son objectif climat pour 2030 : elle souhaite maintenant réduire ses émissions de 55 % par rapport à 1990, alors qu’elle visait jusqu’à présent une baisse de 40 %. La SNBC française est donc en cours de révision pour intégrer ces nouveaux objectifs européens.
Les recherches du centre Energy4Climate
Dans ce contexte, le centre interdisciplinaire Energy4Climate (E4C) développe et teste des outils interdisciplinaires et innovants pour accélérer la transition énergétique. Créé en 2019 par l’Institut Polytechnique de Paris, l’École des Ponts ParisTech, le CNRS, le CEA et deux industriels (EDF et Total), il fédère 29 laboratoires de recherche dans des domaines variés. Des moyens sont mis à la fois sur la recherche, l’innovation et la formation. Les chercheurs travaillent sur les trois piliers de la transition énergétique : la diminution des émissions de gaz à effet de serre, l’amélioration de l’efficacité énergétique et l’augmentation des énergies renouvelables dans le mix énergétique.
Afin de modéliser et prévoir la production et la consommation énergétique et également d’explorer des scénarios de transition énergétique dans l’esprit de l’Accord de Paris, le centre E4C a développé deux logiciels : E4Cast et E4Clim.
E4Cast permet d'anticiper la production d'énergies renouvelables et la consommation électrique en fonction des conditions météorologiques et climatiques. Les échelles de prévision vont de quelques minutes à une journée, et une échelle saisonnière est également intégrée pour planifier la disponibilité des systèmes de production d'énergie. Les méthodes d'E4Cast combinent des approches physiques, comme des observations locales ou satellitaires, avec des approches statistiques.
E4Clim est un logiciel open source intégrant les besoins de flexibilité des énergies renouvelables variables1(ERV) dans le développement des mix énergétiques régionaux. Il vise à évaluer et à optimiser les stratégies de déploiement énergétique avec des parts élevées d'ERV, à évaluer l'impact des nouvelles technologies et de la variabilité climatique, et à mener des études de sensibilité. Son potentiel a été démontré par une étude de remise en service optimale du mix photovoltaïque-éolien italien de 2015. Différentes sources et stratégies de données climatiques ont été testées, puis l'impact de la variabilité climatique et la robustesse des résultats ont été évaluées.
Autre mission du centre : développer, tester et améliorer les systèmes d’énergie renouvelable. Un exemple : les batteries lithium-ion, qui permettent de stocker l’énergie électrique, nécessitent des améliorations en termes de capacité ou de puissance énergétique, de durabilité et de sécurité. Une piste, actuellement à l’étude, serait de remplacer le carbone utilisé dans les batteries commerciales par du silicium amorphe méthylé. En effet, le carbone a une bonne cyclabilité mais une faible capacité. La cyclabilité est le nombre de cycles charge/décharge qu’une batterie peut effectuer en gardant une densité d'énergie proche de sa densité d'énergie initiale, elle représente donc sa durée de vie. Il a d’abord été envisagé de remplacer le carbone par du silicium pur car la capacité théorique du silicium est dix fois supérieure à celle du carbone, mais la cyclabilité du silicium est mauvaise. Le silicium amorphe méthylé présente le double avantage d’avoir une capacité proche de celle du silicium et une cyclabilité comparable à celle du carbone. Autre sujet en cours d’investigation : l’agrivoltaïque. Ce terme désigne des productions agricoles et d'électricité photovoltaïque sur un même terrain. L’intérêt est double : créer des panneaux photovoltaïques capables d’augmenter le rendement agricole et protéger les cultures, tout en offrant de nouveaux espaces d’installation aux panneaux. Bien entendu, le cycle de vie et l’empreinte carbone de ces solutions sont analysés.
Certaines solutions sont ensuite testées sur le campus de l’École Polytechnique grâce à des démonstrateurs. Il y a, pour l’instant, un banc d'essai photovoltaïque sur lequel les chercheurs étudient l’impact des conditions extérieures, et des réseaux intelligents qui reproduisent le fonctionnement des bâtiments intelligents et cherchent à optimiser leur consommation d’énergie. Un nouveau démonstrateur pour un système permettant d’extraire le CO2 dissous dans l’eau de mer afin de produire de l’énergie devrait prochainement voir le jour sur le lac du campus.
Afin de rassembler et rendre accessibles les très nombreuses données climatiques, énergétiques et socio-économiques accumulées, le centre de données E4C Datahub a été créé. Il est doté d’outils d’intelligence artificielle pour faire "parler" ces données et ainsi aider à la prise de décision et à l’action. Certains jeux de données sont accessibles en open data tandis que d’autres, plus sensibles, sont uniquement partagés entre les partenaires.
Pour Philippe Drobinski, directeur du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD) et du centre E4C, « éduquer les étudiants et les professionnels aux questions systémiques de la transition énergétique est essentiel car l’ignorance freine l’action. Or, pour répondre à l’urgence climatique, nous devons rapidement mettre en place des actions éclairées par des connaissances multi-disciplinaires. C’est pourquoi le centre E4C est un acteur central de la formation initiale et exécutive sur ces enjeux. »
1 Les énergies renouvelables, variables, comme l’éolien et le solaire, sont des énergies dont la production dépend de facteurs comme l’heure ou la météo par exemple.
Marie Perez