ACEX, premier forage dans l'Océan Arctique sous l'égide d'ECORD

La mission de forage dans l'Arctique ACEX, financée par le consortium européen ECORD dont l'administrateur est l'INSU-CNRS, partira de Tromsö au nord de la Norvège les 7 ou 8 août prochains. Cette opération est menée dans le cadre du programme international de forages océaniques, IODP(1). Une flotte de trois brise-glaces, complétée par une observation des glaces par hélicoptère et satellite, sera nécessaire pour atteindre et maintenir hors glace le site de forage situé sur la ride Lomonosov à 250 kilomètres du Pôle. Pendant les trois semaines que durera ce forage, les responsables espèrent pénétrer 500 m sous le plancher océanique, dont 450 de sédiments. C'est la première fois qu'une telle épaisseur de sédiments pourra être échantillonnée dans l'Arctique. On en attend la reconstitution de 50 millions d'années d'histoire climatique de la planète.

Bateau Oden, brise-glace suédois (Swedish Polar Research Secretariat) dans l'Océan Arctique. Ce navire est un des composants clés de cette expédition, agissant à la fois comme une protection du navire de forage mais aussi en tant que PC de la mission. © NERC. (Ali Skinner, British Geological Survey)

L'élévation du niveau des mers concerne des millions de personnes dans le monde, c'est pourquoi la manière dont le réchauffement climatique pourrait affecter les glaces polaires est une des préoccupations des scientifiques. Quand et pourquoi la calotte glaciaire s'est-elle formée pour la première fois ? Quel effet l'Océan Arctique a-t-il eu sur le climat global et les courants océaniques ? Comment entre-t-on dans une ère glaciaire, sont autant de questions à résoudre.

Actuellement, la connaissance détaillée des derniers 250 000 ans de l'histoire arctique vient essentiellement des forages de glace du Groënland, auxquels ont participé les équipes de recherches francaises. Les données océaniques sur des périodes plus anciennes concernent l'océan global mais jusqu'à présent, aucun forage profond n'ayant été fait dans l'Océan Arctique, on ne dispose que de peu de données sur l'histoire de la région polaire arctique.

Le site de forage est situé sur la ride Lomonosov à 250 kilomètres du Pôle (centre de la carte).

La campagne océanographique ACEX de l'IODP est la première proposée et financée par le nouveau consortium européen ECORD(2). L'objectif est de forer 450 mètres de sédiments dans la croûte océanique pour reconstituer 50 millions d'années de l'histoire de l'Arctique et par là même, de l'histoire climatique de l'hémisphère nord et de la planète. Cette région est une des plus hostiles au monde. La température diurne y est inférieure à zéro degré et la glace, toujours mouvante, est omniprésente sur plus d'un mètre d'épaisseur. Le seul endroit relativement accessible est un haut fond situé sur une crête de la ride Lomonosov. Cette montagne sous-marine, aussi élevée que les Alpes, s'étend de la Sibérie au Groënland et sépare, à 250 kilomètres du Pôle nord, l'Océan arctique en deux secteurs. Le site de forage est localisé sur un haut fond, situé à 800 mètres de profondeur, 450 mètres de sédiments pourront être forés. On pourra ainsi étudier la manière dont s'est produit le lent refroidissement qui a conduit aux âges glaciaires, puis le réchauffement qui a suivi jusqu'à nos jours.

La campagne va mobiliser trois navires auxquels s'ajoutera une surveillance par hélicoptère et satellite des glaces dans la zone de forage. En effet, aucun navire de forage n'est capable de supporter la pression qu'exerceraient les glaces sur la coque si elles se refermaient sur le navire. Aussi c'est un brise-glace, le VIDAR Viking qui a été équipé d'un derrick pour forer jusqu'à 2000 mètres sous le niveau de la mer. Un brise-glace russe ouvrira la route depuis Tromsö jusqu'au site de forage. Sur place, le brise-glace suédois Oden dirigera les opérations et avec le brise-glace russe aura pour tâche de préserver un chenal d'eau libre de glace afin que le navire foreur puisse remplir sa mission. Ils seront aidés par une surveillance des glaces par hélicoptère et satellite. Les responsables de la campagne espèrent que 21 jours suffiront pour traverser la couche sédimentaire et atteindre le substratum rocheux.

Cette campagne est la première du consortium européen ECORD, administré par l'INSU-CNRS, qui s'est constitué officiellement en décembre 2003 pour participer, aux côtés des Etats Unis et du Japon, au programme IODP. 13 pays européens dont la France ainsi que le Canada en font partie. Pour cette campagne, ECORD a mis en place un opérateur (ESO, ECORD Science Operator) constitué du British Geological Survey, de l'Université de Bremen, de l'European Petrophysical Consortium (dont fait partie l'Université de Montpellier), travaillant tous en étroite relation avec le Swedish Polar Research Secretariat et le GFZ Postdam.

Conférence de presse : Une conférence de presse est organisée le 6 août à Tromsö à 11 h sur le brise-glace Oden. Catherine Mevel, directeur d'EMA y participera.