Une nouvelle méthode pour identifier la source de cendres volcaniques

Résultat scientifique Terre Solide

Lors d’éruptions explosives, les cendres volcaniques grossières émises dans l’atmosphère retombent sur les flancs du volcan ou à sa périphérie. Les cendres fines, plus légères, peuvent quant à elles être dispersées par les courants atmosphériques et parcourir des centaines de kilomètres avant de retomber. Lorsque ces cendres retombent en mer, elles descendent dans la colonne d’eau, et se déposent sur les sédiments des fonds marins. Elles forment alors des couches1  qui sont accessibles par forage ou carottage. Ces niveaux de cendres constituent un enregistrement unique des éruptions majeures passées d’une région, et fournissent des informations essentielles pour établir des cartes de risques actuels.

Pour cela, il est nécessaire d’identifier le volcan d’où provient chaque niveau de cendres. Les magmas à l’origine des laves et des cendres, ont des signatures minéralogiques et chimiques qui leurs sont propres, et diffèrent pour chaque volcan. Il est donc possible de déterminer l’origine des cendres en les comparant avec les produits déposés à proximité du volcan. Cependant, un tri2  se produit lors du transport des cendres les plus fines dans l’atmosphère. La signature minéralogique et chimique des cendres ayant parcouru de grandes distances peut donc être différentes de celle des produits proximaux plus grossiers de la même éruption, ce qui complexifie l’établissement des corrélations terre-mer.

Une équipe de recherche dont des scientifiques du CNRS-INSU (voir encadré) et de l’Institut de Géophysique de Quito a développé une nouvelle méthode basée sur l’isotopie du plomb3  pour identifier la source volcanique de cendres déposées en mer, très loin de leur source. Cette méthode a été appliquée à des éruptions de l’arc volcanique d’Équateur, situé dans la Cordillère des Andes. En analysant les rapports isotopiques des magmas de l’arc volcanique équatorien, les chercheurs ont montré que les rapports4  208Pb/206Pb et 207Pb/206Pb des produits (laves, ponces et cendres) d’un même volcan sont corrélés, et que la droite de corrélation est spécifique à chaque source volcanique. Ces lignes isotopiques forment des « empreintes digitales » robustes pour chaque volcan, et ne sont pas affectées par le fractionnement lié au transport des particules. De ce fait, il est possible de retrouver la source volcanique de cendres déposées en mer en regardant simplement à quelle ligne isotopique elles appartiennent.  

Cette étude constitue une véritable avancée méthodologique dans le traçage des cendres volcaniques, et offre de nouvelles perspectives dans des domaines variés des géosciences nécessitant des contraintes temporelles : stratigraphie, paléosismologie, paléocéanographie et paléoclimatologie.

  • 1Niveaux de quelques millimètres à plusieurs dizaines de centimètres d’épaisseur pour les éruptions les plus puissantes.
  • 2Fractionnement physique : les particules et minéraux denses ou grossiers sont transportés et déposés sur une distance plus courte que ceux fins et moins denses.
  • 3Le plomb, de symbole Pb, est un élément chimique qui possède quatre isotopes stables, le 204Pb, le 206Pb, le 207Pb et le 208Pb. C’est un élément en trace dans les magmas, avec une concentration moyenne de 10 ppm pour les volcans nord-andins. Les quatre isotopes stables sont mesurés sous forme de rapports afin de minimiser les incertitudes de mesures.
  • 4Les rapports de Pb sont traditionnellement donnés par rapport à l’isotope 204, et très rarement par rapport à l’isotope 206 comme l’a fait cette étude.

Laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire Géoazur (GEOAZUR – OCA)

Tutelles : CNRS / IRD / OCA / Univ. Côte d’Azur

  • Laboratoire magmas et volcans (LMV – OPGC)

Tutelles : CNRS / IRD / Univ. Clermont Auvergne

  • Laboratoire Géo-Océan (GO - IUEM)

Tutelles : CNRS / IFREMER / UBO / UBS / IRD

  • Observatoire volcanologique et sismologique de la Guadeloupe (IPGP)

 

© Cf Référence

Légende

Haut : Carte de l’arc volcanique nord-andin (représenté en marron), et photos des cendres émises par le Cotopaxi à proximité du volcan et dans les sédiments marins. Bas : Synthèse des résultats de notre travail, montrant que l’utilisation des rapports isotopiques du Pb est une méthode robuste pour identifier la source volcanique de cendres distales.

Pour en savoir plus

Mathilde Bablon, François Nauret, Marianne Saillard, Pablo Samaniego, Ivan Vlastélic, Silvana Hidalgo, Jean-Luc Le Pennec, Gueorgui Ratzov, François Michaud, Patricia Mothes, Céline Liorzou, Abdelmouhcine Gannoun, An innovative isotopic method to identify the volcanic source of distal tephra - Earth and Planetary Science Letters, 2023.

Contact

Mathilde Bablon
Post-doctorante CNRS au laboratoire GéoAzur (GEOAZUR)