Chaleur urbaine : s’adapter face au changement climatique
Dans la majorité des villes françaises et d’Europe, ni les centres urbains de l’époque moderne, ni les faubourgs de la révolution industrielle, ni les premiers pavillons individuels construits à l’entre-deux guerres, ni non plus les grands ensembles datant des Trente Glorieuses n’ont été pensés pour faire face à des températures élevées. Or, le climat se réchauffe en parallèle. Les vagues de chaleur et les canicules sont de plus en plus fréquentes, intenses, durables et précoces, intervenant en 2022 dès la mi-juin, un record ! Cette même période correspond à celle du « tout automobile » ayant facilité l’explosion de la péri-urbanisation. Par conséquent, l’étalement urbain a considérablement accru l’empreinte spatiale et l’intensité du phénomène d’îlot de chaleur urbain (ICU). Ce phénomène, qui correspond à un écart de température entre la ville et la campagne, se développe lors de nuits peu ventées qui font suite à de fortes journées ensoleillées, et disparaît au lever du jour. En ville, il exacerbe les effets du changement climatique dont notamment le risque sanitaire, à l’image de ce que nous avons connu lors de la canicule d’août 2003. La croissance urbaine actuelle et le changement climatique ne font donc pas bon ménage !
Les mécanismes à l’origine de l’ICU sont connus : moindre présence du végétal, faible présence d’eau en surface comme dans le sol, stockage de la chaleur par les matériaux des bâtis, flux de chaleur anthropique (émise par le humains) et bâtiments limitant les écoulements d’air. Des moyens existent déjà pour limiter la chaleur en ville, comme les solutions dites vertes (nature sous toutes ses formes), grises (choix des matériaux et des couleurs, formes urbaines) et bleues (plan d’eau, brumisateurs, arrosage). Mais pour pallier le phénomène, l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation des villes sont deux vastes chantiers encore à engager.
Les avancées scientifiques récentes concernent la connaissance fine du climat urbain grâce au déploiement de réseaux de mesures denses (à Rennes, Toulouse, Dijon, …), la caractérisation de la végétation urbaine (imagerie satellitale, LIDAR) et de la dynamique atmosphérique (modélisation), ainsi que la prise en compte des typologies d’occupation du sol et des ambiances climatiques associées avec les Zones climatiques locales (LCZ),. Pour permettre le passage de la connaissance à l’action et ainsi réduire l’ICU, on peut envisager diverses pistes. Des ateliers et des campagnes de mesures participatives permettraient aux citoyens de s’emparer de ces questions, et d’acquérir une culture en climatologie urbaine. Pour chaque projet, des campagnes de mesures et des exercices de modélisation pourraient permettre d’évaluer les politiques publiques en termes de qualité environnementale, et de faire travailler ensemble les différents acteurs (collectivités, chercheurs, citoyens, entreprises, etc.). Enfin, Il faudrait monitorer les températures en temps quasi-réel et à courte échéance pour réduire la vulnérabilité via des systèmes d’alerte locaux (en affinant par exemple les seuils et les déclenchements d’information ou d’alerte canicule à l’échelle des agglomérations). La construction d’atlas thermiques urbains et d’exercices de scénarisation urbaine par exemple à horizon 2050 pourraient également être utile, pour évaluer l’évolution du climat en ville selon l’ampleur du changement climatique global, mais aussi les politiques locales d’urbanisation et d’aménagement des territoires. Enfin, tout projet d’aménagement urbain devrait intégrer le facteur climat en amont pour atténuer son impact thermique, voire constituer des îlots de fraîcheur.
Auteurs
Richard Yves est enseignant chercheur au laboratoire Biogéosciences (CNRS / université de bourgogne)
Crétat Julien est post-doctorant au laboratoire Biogéosciences (CNRS / université de bourgogne)
Pohl Benjamin est chercheur au laboratoire Biogéosciences (CNRS / université de bourgogne)
Pour en savoir plus sur le thème des îlots de chaleur urbains
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