Passage au-dessus d’un pôle magnétique d’étoile à neutrons

Résultat scientifique Univers

En utilisant les données des radiotélescopes d’Arecibo et de Nançay collectées depuis 14 ans, une équipe de chercheurs dirigée par Grégory Desvignes, astronome à l'institut Max-Planck de radioastronomie et au Laboratoire d'études spatiales et d'instrumentation en astrophysique (LESIA, CNRS / Observatoire de Paris - PSL / Sorbonne Université / Université Paris-Diderot), a pu reconstruire la forme exacte du faisceau radio du pulsar J1906+0746. C'est le changement d'orientation du pulsar dans l'espace dû à la lente rotation de son axe de son axe de rotation (précession relativiste) qui a permis cet exploit. Ces résultats permettent l’étude de l’émission radio au-dessus du pôle magnétique d’un pulsar et de tester la théorie de la relativité générale d’Einstein. La détermination du taux de fusion des étoiles à neutrons en est même affectée.

PSR J1906+0746: La précession de l’axe de rotation du pulsar est un effet de la Relativité Générale qui permet l’étude du faisceau d’émission.Crédit: Gregory Desvignes (MPIfR – LESIA) & Michael Kramer (MPIfR)

Les pulsars sont des étoiles à neutrons en rotation rapide qui concentrent 1,4 fois la masse du Soleil – ou plus! – dans une sphère de 20 km de diamètre. Elles possèdent un champ magnétique extrêmement fort et émettent un faisceau d’ondes radio au-dessus de chacun de leurs deux pôles magnétiques. Tel un phare au bord de la mer, l’émission des pulsars est perçue sur Terre comme des impulsions avec une régularité qui rivalise la précision des meilleures horloges atomiques. Ces objets massifs et compacts sont ainsi utilisés par les astronomes comme des horloges cosmiques pour tester la théorie de la relativité générale d’Einstein et rechercher la signature des ondes gravitationnelles émises par les trous noirs binaires super-massifs.

La théorie d’Einstein prédit que l’espace-temps est déformé par les objets massifs comme les pulsars. Une des prédictions de cette théorie est la précession de l’axe de rotation d’un pulsar lorsqu'il est membre d’un système à deux astres. Cette précession est une lente rotation de son axe à la façon d'une toupie en fin de lancer. Cet effet est dû au mauvais alignement entre l’axe de rotation du pulsar et la perpendiculaire au plan du mouvement des deux astres. Cette précession fait lentement varier la partie du faisceau radio qui balaie la Terre et donc la forme précise des impulsions radio reçues.

PSR J1906+0746 est pratiquement dans le plan de notre galaxie, la Voie Lactée, à une distance d’environ 20 000 années lumières dans la direction de la constellation de l’Aigle. Ce pulsar tourne sur lui-même en 144 ms (presque 7 tours par seconde) et orbite autour d’une autre étoile à neutrons en 4 heures. Les chercheurs observent ce pulsar depuis 2012 avec le radiotélescope d’Arecibo, à Porto Rico. Pour compléter l’étude, l’équipe a aussi réanalysé des archives du radiotélescope d’Arecibo et du radiotélescope de Nançay, situé dans le Cher. Au total, les observations couvrent de juillet 2005 à juin 2018.

Carte de l'emission radio au-dessus des deux pôles magnétiques (F et G) construite à partir des impulsions observées de 1998 à 2018. Basculement de l'angle de la composante linéaire de la polarisation (A à E). Crédit : Desvignes et al., Science 2019

L’équipe a pu déterminer que l’émission radio reçue de 2005 à 2016 provenait des deux pôles magnétiques du pulsar, quand les deux faisceaux radios illuminaient la Terre. A partir de 2016, seule l’émission radio provenant d’un des deux pôles continua d'être détectée. L'équipe a pu valider une théorie datant de 1969 prédisant que la polarisation de l’émission radio renseignait sur l'orientation géométrique du pulsar. La précession de l’axe de rotation du pulsar a été ainsi mesurée avec une incertitude de 5%. Ce résultat est en parfait accord avec la prédiction de la relativité générale d’Einstein.

L’étude permet aussi de prédire la disparition et réapparition de l’émission provenant des deux pôles magnétiques du pulsar. L’émission provenant du dernier pole visible devrait disparaitre de notre ligne de visée vers 2028 et réapparaitre entre 2070 et 2090. L’émission du premier pôle devrait réapparaitre entre 2085 et 2105.

Ces observations rendent aussi possible des avancées sur la compréhension de l’émission radio des pulsars grâce à l’observation des propriétés d’émission radio au-dessus d’un pôle magnétique. La reconstruction du faisceau d’émission radio permet finalement de déterminer la fraction du ciel qui est illuminée par ce pulsar. Ce paramètre affecte le nombre estimé de systèmes à deux étoiles à neutrons dans notre Galaxie et donc le taux de fusion de ces systèmes observables par les détecteurs d'ondes gravitationnelles VIRGO-LIGO.

Précession géodetique du Pulsar J1906+0746

Animation du pulsar J1906+0746 et de son effet de précession géodétique sur sa visibilité depuis la Terre.

Audiodescription

Référence

Gregory Desvignes,  Michael Kramer, Kejia Lee, Joeri van Leeuwen, Ingrid Stairs, Axel Jessner, Ismaël Cognard, Laura Kasian, Andrew Lyne, Ben W. Stappers : Radio emission from a pulsar’s magnetic pole revealed by general relativity. Science (2019) doi: 10.1126/science.aav7272

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