La saga des anneaux géants de glace continue
L’analyse d’images satellitaires a mené des chercheurs du Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), et leurs collègues de Russie et de Mongolie, à la découverte de nouveaux anneaux dans le lac Baïkal et le lac Teletskoye. Les missions de terrain ont permis d’obtenir des données uniques sur la forme, la dynamique et la formation des tourbillons qui génèrent ces anneaux. Ces résultats vont contribuer à assurer la sécurité des gens qui voyagent sur la glace en hiver.
Des travaux antérieurs avaient déjà montré que les anneaux géants qui apparaissent certains hivers sur les surfaces glacées du lac Baïkal en Russie et du lac Hovsgol en Mongolie étaient dus à des tourbillons d’eau chaude présents sous la glace. Mais la nature de ces tourbillons, leur caractérisation et leur évolution temporelle restaient largement méconnues.
Un nouveau lac avec des anneaux géants
Grâce à l’analyse d’images satellitaires provenant de satellites-espions aujourd’hui déclassifiées, des chercheurs du LEGOS et leurs collègues de Russie et de Mongolie ont découvert de nouveaux anneaux géants dans la glace du lac Baïkal, certains récents mais aussi de très "anciens" (datant de 1969), ainsi que des anneaux dans le lac Teletskoye (Altaï, Russie). Cela porte à trois le nombre de lacs où ce phénomène se manifeste et démontre que les anneaux de glace géants et les tourbillons sont beaucoup plus courants dans les lacs qu’on ne le pensait.
Une nouvelle méthodologie pour les observations
Deux missions de terrain sur le lac Baïkal sont maintenant effectuées chaque hiver afin d’installer des capteurs de température et de courant dans la colonne d’eau (mois de février) puis de les récupérer (mois de mars). Les données obtenues par les mesures in situ et les capteurs fournissent des informations uniques sur la forme, la taille et la période de rotation du tourbillon (environ de 3 jours).
Des tourbillons qui font couler les voitures
En février 2016, les chercheurs ont détecté un tourbillon en forme de lentille, semblable à ceux découverts précédemment et qui entraînent généralement la formation d’anneaux.
À la mi-mars, l’anneau était déjà visible sur les images satellitaires. Au même moment, deux voitures sont tombées dans l’eau : l’une a coulé (mais les passagers ont pu s’extraire à temps) et l’autre s’est enchâssée dans la glace et a pu être récupérée quelques jours plus tard. Fin mars, la mission s’est déroulée dans des conditions difficiles et a nécessité l’utilisation de moyens de transport spéciaux. Les accidents dans la région des anneaux ont incité les chercheurs à créer un site dédié (www.icerings.org) où, chaque hiver depuis 2017, l’information est donnée en temps quasi réel sur les conditions de glace, la position des tourbillons et les régions de formation potentielle d’anneaux.
Des tourbillons qui se baladent
En février 2017, un autre tourbillon a été détecté sur des images satellitaires et les chercheurs sur le terrain ont tenté de se rendre sur place pour le mesurer. Mais, entre-temps, il s’était déplacé et il a été finalement détecté 6 km plus à l’ouest. Comme le tourbillon était en mouvement, il n’a pas eu assez de temps pour générer un anneau, mais les données ont permis d’estimer sa position, sa trajectoire et sa vitesse de déplacement.
L’origine des tourbillons
L’analyse d’images dans l’infrarouge thermique a confirmé que la formation, en 2016, des tourbillons et de l’anneau de glace géant était liée au transport de l’eau, sous l’influence du vent, de la baie de Bargouzin vers la partie centrale du lac, avant la formation de la glace. Ce mécanisme est probablement typique pour la plupart des tourbillons qui mènent à la formation des anneaux de glace géants.
Source
Giant ice rings on lakes and field observations of lens-like eddies in the Middle Baikal (2016-2017). Alexei V. Kouraev, Elena A. Zakharova, Frederique Remy, Andrey G. Kostianoy, Mikhail N. Shimaraev, Nicholas M. J. Hall, Roman E. Zdorovennov, Andrey Ya Suknev. Limnology and Oceanography, 64, 2019, 2738-2754, doi: 10.1002/lno.11338 (open access). https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lno.11338