La dynamique du système des carbonates dans la Zone de minimum d’oxygène au large du Pérou
Le fonctionnement de la zone de minimum d’oxygène (OMZ) au large du Pérou, l’une des plus marquées de l’océan global, reste mal connu, alors que cette zone pourrait représenter une source importante de dioxyde de carbone (CO2) vers l’atmosphère. Comprendre le cycle du carbone dans l’OMZ du Pérou constitue donc un enjeu scientifique majeur dans une région qui manque d’observations directes. La campagne AMOP, à bord du RV L’Atalante, a permis à une équipe1 de chercheurs de mettre en évidence une distribution hétérogène et très spécifique du CO2 et du taux d’acidité.
- 1Les laboratoires et institutions impliqués sont les suivants : Instituto de investigaciones oceanologicas (Universidad Autónoma de Baja California, Mexique), Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), Instituto geofisico del Peru (Pérou) et Universidad del mar (Mexique)
La zone de minimum d’oxygène (OMZ) du Pérou est une source intense de CO2 pour l’atmosphère. Cette source de CO2 est induite par un upwelling permanent qui transporte les eaux de subsurface riches en CO2 total (Dissolved inorganic carbone) vers la surface. Cependant, l’influence de la dynamique de l’OMZ sur le cycle du carbone reste mal comprise en raison d’un manque d’observations directes.
D’une part, la forte productivité favorable à la formation de l’OMZ suggère un rôle de séquestration du CO2 et un pH élevé (> 8 SWS) en surface. D’autre part, l’OMZ, en tant que réserve de carbone, est une couche qui reminéralise la matière organique en CO2 avec un effet d’acidification.
Des chercheurs1 ont analysé l’influence paradoxale de l’OMZ du Pacifique Sud-Est sur la dynamique du système des carbonates qui affecte aussi bien le climat (CO2) que les écosystèmes marins (pH), à partir des données collectées pendant la campagne transdisciplinaire AMOP (Activités de recherche dédiées au minimum d’oxygène dans le Pacifique oriental) (7°-15°S).
Il s’avère que la stratification verticale de la colonne d’eau diminue graduellement au sud de 9°S et que les gradients verticaux d’oxygène (oxycline) et de CO2 total (carboncline) remontent de 150 m vers une couche entre 20 et 50 m sous la surface. Proche de la surface (~ 20 m), de fortes teneurs en CO2 (max. de CO2 total : 2300 μmol/kg ; max. de pCO2 : 1250 μatm) ainsi que de faibles pH (min. de 7,5) induisant des taux de saturation de carbonate de calcium relativement bas (par exemple < 1,2 pour l’aragonite, proches des conditions de dissolution) ont été détectés. Ces caractéristiques chimiques sont associées à l’Eau équatoriale de subsurface, pauvre en oxygène, de l’OMZ. Horizontalement et en surface, une grande variabilité spatiale a été trouvée, attribuée à la présence de tourbillons méso-échelle, qui modifient la distribution biogéochimique comme la profondeur de dissolution de l’aragonite.
Cette étude a ainsi permis de mettre en évidence une forte hétérogénéité spatiale au sein même de l’OMZ, hétérogénéité qui a un impact sur le système des carbonates. Celle-ci doit donc être prise en compte dans les bilans de flux air-mer de CO2, ainsi que dans l’analyse de la structuration des habitats par les variations de pH, en particulier pour les communautés calcifiantes.
- 1Les laboratoires et institutions impliqués sont les suivants : Instituto de investigaciones oceanologicas (Universidad Autónoma de Baja California, Mexique), Laboratoire d’études en géophysique et océanographie spatiales (LEGOS/OMP, UPS / CNRS / CNES / IRD), Instituto geofisico del Peru (Pérou) et Universidad del mar (Mexique)
Source
Hernandez-Ayon, J.M., Paulmier, A., Garçon, V., Sudre, J., Montes, I., Chapa-Balcorta, C., Durante, G. Dewitte, B., Maes, C., and M. Bretagnon, Dynamics of the Carbonate System across the Peruvian Oxygen Minimum Zone. 2019, Frontiers in Marine Science (Marine Biogeochemistry). doi: 10.3389/fmars.2019.00617.