Des fluides bleus dans les zones de subduction ?

Résultat scientifique Terre Solide

Le soufre joue un rôle essentiel dans de nombreux processus géologiques se déroulant dans les profondeurs de la lithosphère et qui impliquent des fluides et magmas. Comme il est impossible de percer un trou à 100 km de profondeur dans la Terre pour voir ce qu’il s’y passe, une équipe de recherche franco-allemande a recréé en laboratoire ces systèmes géologiques aux conditions de température et pression extrêmes. Elle a ainsi pu étudier in-situ, pour la toute première fois, les différentes formes chimiques du soufre et leur distribution entre fluide aqueux et silicate liquide (i.e. magma) aux conditions régnant dans les zones de subduction, jusqu’à 100 km de profondeur.

Ces observations ont révélé la présence du sulfate [SO4]2-, de sulfure [H2S], de l’ion radicalaire chromophore [S3] (responsable de la couleur bleue du fluide) ainsi que de l’ion radicalaire [S2]. Mais bien que toutes les espèces du soufre se concentrent préférentiellement dans le fluide par rapport au magma coexistant, leurs coefficients d’enrichissement sont très différents. Si le sulfate et le sulfure enrichissent la phase fluide seulement d’un petit facteur 10, les ions radicalaires démontrent un facteur d’enrichissement d’au moins 100 à 1000 en faveur du fluide. Cette propriété des radicaux contrôle ainsi le dégazage du soufre des magmas aux conditions redox des zones de subduction qui sont favorables à la formation de [S2] et [S3]. En outre, comme les ions radicalaires ont une affinité forte pour l’or et les métaux critiques, il en résulte un transfert accru de ces métaux vers la phase fluide; ce transfert étant la condition numéro 1 pour la formation des gisements de ces métaux.

Cette découverte oblige à reprendre les modèles de dégazage des magmas et de transfert du soufre et des métaux associés (comme l’or ou le platine) dans les zones de subduction et ouvre de nouvelles pistes de simulation in-situ des processus magmatiques sur Terre et d’autres planètes inaccessibles à l’observation directe.

La couleur du fluide est due à l’ion radical trisulfure ([S3•]−). Le refroidissement de la cellule fait disparaitre la couleur bleue et la signature spectrale des ions radicalaires qui ne peuvent être observés qu’in-situ à haute température. © G. Pokrovski & A. Colin

En savoir plus

In situ determination of sulfur speciation and partitioning in aqueous fluid-silicate melt systems – Geochemical Perspectives Letters 14, 31-35.

A. Colin, C. Schmidt, G.S. Pokrovski, M. Wilke, A.Y. Borisova, M.J. Toplis

https://doi.org/10.7185/geochemlet.2020

Contact

Gleb Pokrovski
Géosciences Environnement Toulouse (GET) / OMP